TUAC STATEMENT.HTM

 

 

 


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DÉCLARATION DU TUAC
À LA RÉUNION DE 2001
DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION DE L’OCDE

Investir dans les “ compétences ” pour tous

Paris, 2-4 avril 2001

I. Principaux messages

II. Introduction : la société du savoir : ses défis pour la politique de l’éducation

III. Les syndicats sont des messagers de la formation

IV.  Les objectifs de l’éducation – construire des valeurs sociales et investir dans la formation et l’acquisition de compétences

V.  Promouvoir le développement des ressources humaines et du capital social – fondements de la cohésion sociale et du développement durable

VI. La formation tout au long de la vie doit rester prioritaire pour la politique de l’éducation

VII. Combler le fossé numérique – des mesures urgentes s’imposent

VIII. L’avenir de l’éducation sera-t-il placé sous le signe de la qualité ou de la commercialisation ?

IX.  Enseignement, formation et gouvernance – la politique de l’éducation doit innover

 

I. Principaux messages

1.  La politique de l’éducation a besoin d’une nouvelle vision. Pour faire face aux nouveaux besoins de la société, l’éducation et la formation doivent :

- devenir plus accessibles à tous ;
- être plus axées sur l’apprenant et se dérouler dans un cadre de collaboration ;
- s’adapter davantage à la diversité de nos sociétés et de nos économies.


2. Les syndicats sont prêts à participer à la transformation des systèmes d’éducation et de formation afin de s’employer plus efficacement à relever les défis de la mondialisation, à faire face à l’évolution économique et sociale qui l’accompagne ainsi qu’aux innovations et à l’évolution technologique. Dans notre vision des choses, le lieu de travail doit être un lieu d’apprentissage, le travailleur, un apprenant et le représentant syndical, un représentant syndical apprenant.

3. Pour construire une véritable société de l’apprentissage, nous invitons les ministres de l’Education à concevoir des politiques dans le but :

- d’augmenter le niveau d’investissement dans les ressources humaines car refuser d’investir dans l’éducation et la formation coûte simplement plus cher à long terme ;

- de considérer l’éducation préscolaire comme un élément important de la formation tout au long de la vie – tous les enfants devraient avoir accès à une éducation préscolaire de qualité ;

- de renforcer l’égalité des chances en comblant les écarts entre hommes et femmes dans les domaines de l’éducation, de la formation et de l’emploi ;

- de faire en sorte que les ressources financières destinées à la formation tout au long de la vie soient utilisées de manière plus efficace ; cependant, on n’obtiendra pas un bon rapport coût-efficacité en augmentant la charge de travail des enseignants et le nombre d’élèves par enseignant, en négligeant le perfectionnement professionnel des enseignants ou en augmentant la précarité de l’emploi ;

- de veiller à ce que le financement de la formation tout au long de la vie demeure la responsabilité essentielle des gouvernements et des employeurs. Nous sommes fermement opposés aux politiques visant à faire passer la principale responsabilité du financement de la formation tout au long de la vie des gouvernements et des employeurs aux individus ;

- de maintenir et renforcer le rôle des établissements d’enseignement public à tous les niveaux et d’encourager tous les établissements d’enseignement à promouvoir la démocratie, la bonne gestion des affaires publiques, le développement participatif et les droits de l’homme ;

- de conserver une place prioritaire à la formation tout au long de la vie et de s’assurer que l’éducation et la formation vont au-delà d’une logique purement économique ;

- de surmonter les problèmes actuels de sous-utilisation des compétences disponibles ;

- de parvenir à instaurer une économie fondée sur la cohésion sociale, un niveau élevé de qualification et une forte valeur ajoutée en collaborant avec d’autres acteurs du secteur public et avec les employeurs et les syndicats afin de favoriser la mise en œuvre de systèmes de travail très performants ;

- de contribuer au développement de la formation en entreprise de tous les travailleurs et en particulier des femmes et des travailleurs adultes ;

- de favoriser les accords entre employeurs et syndicats qui rendent possible dans la pratique la participation à la formation tout au long de la vie. Il faudrait porter une attention particulière aux systèmes de congés payés, comprenant la participation active du service public de l’emploi ainsi qu’aux programmes d’entreprises adoptés conjointement, qui accordent aux salariés la flexibilité et le temps nécessaires pour  acquérir des connaissances et des compétences nouvelles ; 

- de soutenir les mesures destinées à combler le fossé numérique en s’attaquant au problème de l’illectronisme, en assurant un accès bon marché et en favorisant, le cas échéant, la fourniture de contenus locaux ou adaptés aux besoins du pays ; en outre, les gouvernements devraient faire intervenir non seulement les entreprises et les organismes du secteur privé dans les initiatives des pouvoirs publics mais également les représentants de la société civile et les syndicats en particulier ;

- de renforcer les liens entre les systèmes d’éducation et de formation, la vie professionnelle et la société aux niveaux local, national et international ; les questions relatives à la vie professionnelle, l’apprentissage des langues étrangères ainsi qu’une coopération transfrontalière accrue devraient faire partie intégrante de l’apprentissage afin de renforcer l’attrait des systèmes d’éducation et de formation ; cependant les efforts déployés pour que les systèmes d’éducation et de formation s’ouvrent sur le monde ne doivent pas remplacer les objectifs des pouvoirs publics par des objectifs commerciaux ;

- de s’assurer que les objectifs des pouvoirs publics en matière d’éducation ne sont pas mis en péril par l’exploitation commerciale ou le commerce international  des services éducatifs ;

- de s’assurer que les écoles sont équipées et les enseignants formés pour préparer les apprenants à l’économie du savoir ; il faut souligner que si la fourniture du matériel informatique est coûteuse, son entretien est tout aussi onéreux ;

- d’habiliter les enseignants à participer activement à une réforme qualitative de l’éducation ;

- de faire participer les enseignants et leurs syndicats à la réforme de l’éducation ainsi qu’à la gestion et l’administration des établissements d’enseignement dans le but de garantir une éducation et une formation plus efficaces et plus ambitieuses.

II. Introduction : la société du savoir : ses défis pour la politique de l’éducation

4. Une économie fondée sur le savoir est en train de faire son apparition. La production et l’exploitation du savoir jouent maintenant des rôles importants dans la création de richesse. Par conséquent, les dirigeants doivent tenir compte de l’influence et de l’exploitation du savoir dans l’éventail complet de l’activité économique et sociale. La caractéristique particulière qui distingue le savoir des autres sources de richesse est qu’il s’agit non seulement d’une marchandise mais aussi d’un bien public. Ce fait essentiel a des répercussions capitales sur le mode d’organisation de l’économie du savoir.

5. Les technologies de l’information et des communications (TIC) ont une importance particulière dans l’économie du savoir. Les TIC englobent l’Internet et les médias ainsi que le traitement des données sous toutes ses formes, depuis la fabrication jusqu’à la commercialisation et aux services. Ces technologies ont des conséquences importantes sur la propriété intellectuelle, notamment les brevets et droits d’auteur, les marques de fabrique, les logos et la publicité.

6. Il est important d’observer que le savoir est un élément essentiel supplémentaire de la richesse. Les anciens fondements de la richesse, le contrôle des ressources naturelles, de la terre et du capital sont maintenant complétés par la possession du savoir. La transition vers une économie du savoir entraîne de graves remises en cause. Elle soulève également un certain nombre de questions : comment devrait-on réorganiser les sociétés afin de créer des emplois, d’éviter un accroissement du chômage et de maintenir et augmenter le nombre des emplois ? Comment empêcher les emplois précaires ? Comment réorganiser le travail de façon à améliorer les compétences ainsi que les conditions de travail ? Comment instaurer un accès équitable à l’éducation, à la formation et aux technologies modernes ? Et en particulier, comment peut-on maintenir et poursuivre le développement des ressources humaines et du capital social ? Quelles sont les compétences nécessaires pour réussir dans un environnement qui évolue rapidement, qui est influencé par des cycles d’innovation qui raccourcissent et des entreprises dont les activités se déroulent à l’échelle de la planète ? Quels sont les gagnants et les exclus de l’économie du savoir et par-là même de la société ? Comment faire face à la nécessité d’avoir des enseignants bien qualifiés et bien formés pour affronter les problèmes éducatifs occasionnés par la transition vers une économie du savoir ? Que faut-il faire pour former des enseignants capables de rendre les TIC accessibles aux apprenants et de faire participer activement ces derniers à l’économie du savoir ? Ces questions devraient être au cœur des débats de la réunion des ministres de l’Education de l’OCDE.
 

III. Les syndicats sont des messagers de la formation 

7. En ce début de nouveau millénaire, les syndicats et les familles actives que nous représentons sont confrontés à de grandes difficultés. Il existe un gouffre béant au niveau des revenus entre les riches et les groupes qui restent enlisés dans la pauvreté. Mais il y a aussi un large fossé en matière de formation entre les “ riches en compétences ” et les “ pauvres en compétences ” ainsi qu’un “ fossé numérique ” entre ceux qui ont accès à l’informatique et à l’Internet et ceux qui sont dépourvus de cet accès. En outre, ceux qui ont le plus bénéficié du système éducatif obtiennent davantage de formation en cours d’emploi que ceux qui ont quitté l’école avec peu ou pas de qualifications.

8. Un des principaux objectifs des syndicats a toujours été de créer et d’améliorer les possibilités d’éducation et de formation. Cet objectif a également été assorti d’un solide engagement en faveur de l’application du droit à l’éducation et la formation. Cependant, au cours de ces dernières années les syndicats, comprenant les problèmes qui se posaient à leurs membres par suite d’un manque de qualifications et de compétences, ont cherché à encourager un élargissement de l’accès à la formation. Ils ont continuellement argumenté en faveur de la nécessité, pour l’individu, d’avoir un droit d’accès aux apprentissages fondamentaux et aux compétences de base, et pour les employeurs, d’être obligés et incités à offrir ces possibilités. De ce fait, les syndicats donnent maintenant la priorité à la formation et aux compétences. Ils négocient des accords de formation avec les employeurs, sensibilisent davantage leurs membres à la question de la formation, parrainent leurs membres apprenants et contribuent à faciliter la mise en place d’enseignements et de formations avec les instituts et les universités. De plus, les représentants syndicaux sont formés et agréés en tant que “ représentants apprenants ”. On assiste à un grand nombre d’innovations mais il en faut encore bien davantage si l’on veut que la formation tout au long de la vie devienne une réalité. Notre vision de l’avenir est celle du lieu de travail comme un centre de formation, du travailleur comme un apprenant et du représentant syndical comme un représentant syndical apprenant. 

9. Les syndicats sont prêts à participer à cette transformation des systèmes d’enseignement et de formation afin de relever plus efficacement les défis de la mondialisation et de faire face aux changements économiques et sociaux, aux innovations et aux progrès technologiques qui l’accompagnent.
 

IV. Les objectifs de l’éducation – construire des valeurs sociales et investir dans la formation et l’acquisition de compétences 

10. A tous les niveaux, les établissements d’enseignement ont un rôle à jouer pour promouvoir la démocratie, la bonne gestion des affaires publiques, le développement participatif et les droits de l’homme. Ils ont pour rôle de répondre à tous les besoins éducatifs et notamment aux besoins spéciaux de formation de ceux dont la première langue n’est pas celle du pays où ils résident et de ceux qui sont handicapés. Le droit à la formation tout au long de la vie doit être étendu à l’ensemble de la société.  En donnant à tous le plein accès à l’enseignement et à la formation, il sera possible de consolider les fondements et les processus de la démocratie. Lorsque celle-ci repose sur de tels fondements, les citoyens sont plus enclins à la promouvoir et à la défendre. L’enseignement et la formation doivent utiliser les nouvelles technologies pour enseigner et pour apprendre – c’est l’une des caractéristiques de la transition vers une économie du savoir. Cependant, en ce qui concerne les nouveaux défis que doit relever l’éducation, on voit réapparaître les anciennes questions : quel est le but de l’éducation ? Quels sont les intérêts sociaux et politiques portés à l’éducation ? Comment définir une éducation de qualité ? Que faudrait-il enseigner et apprendre, à quel moment et dans quel contexte cet apprentissage devrait-il se dérouler ? Il faut souligner en outre que l’éducation a une valeur intrinsèque. Encourager le plaisir d’apprendre en tant que tel valorisera l’éducation et la formation à des fins professionnels et dans la perspective d’un emploi. Il contribue aussi à la cohésion sociale et à donner un sentiment d’engagement dans la société.

11. La transition vers une économie du savoir ne sera réussie qu’en présence d’un engagement politique fort et solide en matière d’éducation. Il existe à cet égard un large consensus : on s’accorde généralement à penser que l’éducation et la formation conditionnent l’avenir et sont parmi les investissements les plus importants qu’une société puisse entreprendre dans le cadre de son propre développement. Cependant, dans un grand nombre de pays, les investissements publics en matière d’éducation et de  formation n’ont pas suivi le rythme du développement de la richesse nationale. Par ailleurs, le secteur privé n’a pas été en mesure, proportionnellement, d’augmenter beaucoup ses propres investissements dans les ressources humaines. (1)

12. Les pays de l’OCDE dépensent en moyenne 6,1 pour cent du  PIB pour l’éducation et la part principale – 4,8 % - revient aux établissements d’enseignement, principalement dans le secteur public. Si l’on inclut l’aide apporté aux établissements d’enseignement et compte tenu des différences entre les pays, on constate qu’environ 14 pour cent de l’ensemble des dépenses publiques des pays de l’OCDE sont consacrés à l’éducation. Les efforts déployés pour diminuer la taille et les domaines d’application des ressources publiques consacrées à l’éducation ont fait augmenter le nombre d’élèves par enseignant et détérioré les conditions d’apprentissage et d’enseignement. Le recrutement et la rétention des enseignants et des formateurs posent maintenant un réel problème.

13. Les dépenses publiques actuelles pour l’éducation sont inférieures à ce que devraient risquer les pays membres de l’OCDE. De plus, les tendances actuelles en matière de financement de l’éducation et de la formation contrastent de manière frappante avec les discours concernant leur importance croissante. Indépendamment de ce paradoxe, le renforcement des compétences par le biais de l’éducation et de la formation est considéré comme une solution à de nombreux problèmes, depuis la sous-productivité et la non-compétitivité au chômage et à l’exclusion sociale. Le consensus sur l’importance croissante de l’éducation et de la formation s’accompagne d’un élargissement de la signification du terme de compétence – qui se reflète dans l’emploi de termes tels que “ les compétences de base ”. Parmi les compétences génériques c’est-à-dire celles qui sont nécessaires aux individus pour être des membres efficaces d’une main d’œuvre adaptable et compétitive, figurent les compétences interpersonnelles. L’accent est mis sur un éventail plus large de compétences – l’aptitude à collecter, analyser et organiser l’information, à communiquer, à planifier et organiser des activités, à coopérer avec d’autres et à travailler en équipes, à utiliser des idées, des techniques et la technologie. Ces compétences comprennent également la compréhension inter-culturelle, la capacité de résoudre des problèmes et de faire face aux dangers pour la santé et l’environnement liés à la vie professionnelle, d’utiliser pleinement les droits démocratiques et juridiques dans le cadre professionnel et enfin et surtout l’aptitude et la disposition à approfondir la formation et à appliquer les compétences acquises.

Encourager les compétences indispensables dans la société du savoir

14. Investir dans les compétences pour tous n’est qu’un aspect d’un ensemble plus large de mesures nécessaires à la promotion de la formation tout au long de la vie. Cet  investissement devrait encourager l’acquisition des compétences de base nécessaires à une participation active dans l’économie du savoir, ce qui concerne les adultes en particulier. Il faut faire un gros effort pour surmonter les handicaps actuels dus notamment à un manque d’accès à la formation auquel sont confrontés un grand nombre de salariés et de demandeurs d’emploi.

15. Pour faciliter la formation tout au long de la vie et, notamment, l’acquisition des compétences indispensables dans l’économie du savoir, il faudrait renforcer les liens entre la vie professionnelle et le système éducatif. Il faut améliorer en particulier les possibilités de passage d’un système à l’autre, du travail à la formation et de l’apprentissage au travail. Pour favoriser ces échanges, il y aurait lieu de mettre en place des systèmes d’évaluation et de reconnaissance des compétences acquises qui soient acceptés par l’ensemble des parties intéressées.

16. Au fur et à mesure que s’estompe la distinction entre formation formelle et informelle, s’accroît la nécessité de garantir un contrôle de qualité et la validation des compétences. Il en va de même en ce qui concerne la fiabilité des informations et des conseils en matière de possibilités de formation et d’apprentissage. En raison d’une dynamique de plus en plus grande des mouvements allant de l’éducation et la formation au marché du travail et vice-versa, il y a lieu de renforcer et d’améliorer l’orientation et l’aide psychopédagogique.
 

V. Promouvoir le développement des ressources humaines et du capital social – fondements de la cohésion sociale et du développement durable

17. Le développement des ressources humaines et du capital social n’est pas automatique. L’éducation et la formation professionnelle sont des éléments fondamentaux de leur formation. Les établissements d’enseignement jouent un rôle important dans la cohésion sociale de nos sociétés. Ils encouragent l’élaboration de règles de comportement social et de valeurs culturelles et il est à espérer qu’ils favorisent aussi la coopération et la solidarité.

18. Mais le capital social est également devenu un élément fondamental du développement économique. Il donne un avantage compétitif. Il est donc dans l’intérêt des entreprises de contribuer à la formation de capital social. De plus en plus, les entreprises ont tout intérêt à favoriser la coopération avec leurs salariés ainsi qu’un climat de confiance mutuelle. Les chefs d’entreprise clairvoyants reconnaissent que cela porte ses fruits de respecter les droits de l’homme et du travailleur et de se conformer aux normes minimums sociales et écologiques. Il leur paraît logique d’établir des partenariats avec les syndicats qui jouent un rôle essentiel dans la constitution de capital social puisqu’ils accomplissent leur mission de représentation et de défense pour le compte des salariés. A l’instar des organismes à but non lucratif, les syndicats contribuent aussi au maintien et à la construction du capital social en donnant à leurs membres accès à l’éducation et à la formation.

19. Le besoin d’éducation, de formation et de formation tout au long de la vie va au-delà d’une logique purement économique ; il doit concorder avec les buts et les objectifs aussi bien sociaux que culturels. Cependant, les débats actuels sur les défis à relever par les politiques de l’éducation et de la formation sont marqués par un “ consensus ” plutôt douteux des dirigeants autour de la politique de l’éducation, de la formation et de l’emploi. En vertu de ce “ consensus ”, la politique de l’éducation mise en œuvre par les gouvernements se limiterait à une logique économique, en se concentrant principalement sur des interventions du côté de l’offre destinées à  renforcer les compétences de la population active.

20. Il semble à première vue qu’il y ait eu une diminution des emplois pour les travailleurs manuels non qualifiés par suite d’un glissement de l’activité économique des industries de base vers des produits et des services plus complexes. Cependant, les “ forces du marché mondial ” ne placent pas inévitablement les économies nationales sur la trajectoire des qualifications de niveau élevé. En premier lieu, il est particulièrement frappant de constater qu’en dépit d’une augmentation importante des compétences de la population active au cours de ces dernières années, la proportion d’entreprises utilisant des équipements de pointe à haute performance est restée décevante.(2) En second lieu, un grand nombre de salariés se trouvent “ trop instruits ” par rapport à l’emploi qu’ils occupent et l’on ne peut donc pas considérer que l’offre de qualifications élevées engendre sa propre demande. En troisième lieu, il est important de souligner que dans ce débat  sur la politique de l’éducation, la prise en considération de la demande doit aller au-delà de la demande de formation de l’individu. La demande de compétences de la part des employeurs et l’utilisation insuffisante des compétences existantes doivent être prises en compte au niveau de l’élaboration des politiques d’éducation et de formation. Il faut également établir un lien entre ces politiques et les politiques qui favorisent le développement des nouvelles technologies et l’innovation. Il est vain d’innover si l’on ne se préoccupe pas de former.

21.  Les politiques ayant pour objet de produire une main-d’œuvre hautement qualifiée et très instruite constituent évidemment un élément essentiel de toute stratégie visant à moderniser l’économie et à promouvoir la productivité et la compétitivité ainsi que le bien-être des citoyens. Cependant, elles ne suffisent pas à elles seules à concrétiser cette vision d’une économie fondée sur la cohésion sociale, un niveau élevé de qualifications et une forte valeur ajoutée. Pour ce faire, il faudrait que les pouvoirs publics interviennent à plus grande échelle et de manière plus radicale pour prendre en main non seulement “ l’offre ” à savoir les compétences que possèdent les gens mais, ce qui est capital, les possibilités de travail gratifiant et rémunérateur que les employeurs mettent à leur disposition (“ la demande ”).

22. Par ailleurs, on ne peut pas considérer les êtres humains et les relations sociales qu’en termes d’utilité économique. Les salariés veulent être reconnus comme des êtres humains avec des droits et des libertés, des aspirations et des préoccupations et non pas seulement comme des éléments de production. En outre, bien qu’elles soient de plus en plus importantes pour les objectifs économiques, sociaux et culturels des pays de l’OCDE, l’éducation et la formation ne peuvent pas résoudre les problèmes liés au chômage et à l’inadaptation des compétences. Il n’existe par conséquent pas de substitut aux politiques de l’emploi et du marché du travail destiné à résoudre toutes les questions de promotion de l’emploi dans la nouvelle économie du savoir.

VI. La formation tout au long de la vie doit rester prioritaire pour la politique de l’éducation

23. Il y a cinq ans, les ministres de l’Education des pays membres de l’OCDE faisaient de “ l’apprentissage à vie pour tous ” un principe directeur de leurs politiques. D’après un examen de l’évolution de la situation dans les pays membres depuis lors, il apparaît que la question a été envisagée au niveau politique mais que peu de progrès ont été accomplis dans la pratique. La mise en œuvre de l’objectif laisse encore beaucoup à désirer. Les éléments d’appréciation dont nous disposons montrent que la formation tout au long de la vie est loin d’être une réalité pour de nombreux citoyens et qu’il n’y a pas eu beaucoup de progrès en matière de promotion d’une stratégie globale. Même si, dans l’ensemble, les niveaux d’instruction ont augmenté régulièrement au cours des quelques dernières décennies, la position relative des groupes défavorisés ne s’est pas améliorée.

24. Bien que l’on s’accorde largement à reconnaître que la formation tout au long de la vie a un rôle essentiel à jouer dans l’économie du savoir, peu de progrès ont été accomplis jusqu’à maintenant pour qu’elle existe réellement ou, pour citer le sujet de la réunion ministérielle de l’OCDE en 1996, pour “faire de l’apprentissage à vie une réalité pour tous ”. Cette observation s’applique en particulier à la formation des travailleurs adultes sur leur lieu de travail. Pour progresser davantage, il y a lieu de réexaminer les stratégies actuelles en tenant compte des enseignements à tirer des expériences récentes et en cours, à savoir :

-  La formation permanente renforce généralement les différences actuelles de compétences provenant d’une inégalité d’accès à l’éducation et de fréquentation dans tous les pays.

- Dans la plupart des pays, les salariés sont beaucoup plus nombreux à participer à des formations que les demandeurs d’emploi. Dans presque tous les pays, les travailleurs moins instruits ont beaucoup moins de chances de suivre des formations.

- Les entreprises syndiquées proposent davantage de formations que les entreprises non syndiquées.

- Les travailleurs temporaires et ceux qui occupent des emplois à temps partiel – dont la plupart sont des femmes – ont généralement beaucoup moins de chances de suivre des formations.

- Dans les pays dotés d’un niveau moyen général d’instruction, supérieur, ainsi que dans les pays qui accordent une place plus importante à la Recherche-développement, les travailleurs reçoivent généralement davantage de formation. Très souvent, un taux global de formation élevé s’accompagne d’une répartition plus égale de la formation.

- En général, les résultats laissent à penser que la scolarisation et la formation sont complémentaires ; de ce fait les politiques destinées à améliorer la scolarisation peuvent également favoriser la formation permanente.

- Les grandes entreprises ont davantage tendance à investir dans les ressources humaines par le biais de la formation de leurs salariés.

- L’introduction à la fois de nouveaux systèmes de travail et de nouvelles formes de travail semble résolument en rapport avec une plus grande participation à la formation.


25. La précarité de l’emploi et la déréglementation des marchés du travail diminuent les possibilités de formation au lieu de les augmenter. Les employeurs sont moins disposés à former du personnel à temps partiel et du personnel temporaire car ils ne croient pas à la rentabilité d’un investissement dans la formation de ce type de travailleurs. Les femmes et les minorités ethniques sont particulièrement touchées car leur formation se déroule généralement dans un cadre informel, en cours d’emploi et correspond à des niveaux de qualification peu élevés. A cet égard, la précarité des marchés du travail compromet l’amélioration des compétences et de la formation dont les employeurs ont besoin pour rivaliser efficacement sur un marché à l’échelle de la planète. En revanche, selon les informations disponibles, il apparaît qu’une plus grande stabilité de l’emploi pourrait contribuer à améliorer la rentabilité des investissements des employeurs dans les ressources humaines ; des comparaisons internationales ont souvent montré qu’une plus faible rotation des effectifs correspond à des possibilités plus grandes de formation. (3)

26. C’est dans ce contexte que les employeurs et les syndicats devraient négocier des accords rendant possible, dans la pratique, la participation à la formation tout au long de la vie. Des dispositifs de congés payés, avec la participation active des services publics de l’emploi ainsi que des programmes d’entreprises établis conjointement et accordant aux salariés la flexibilité et le temps nécessaires à l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles sont des exemples de promotion de la formation tout au long de la vie. Cependant, pour encourager la formation tout au long de la vie il faut des incitations spécifiques. Une participation à des cours de formation couronnée de succès devrait s’accompagner d’une récompense financière.

27. En matière de formation tout au long de la vie il faut accorder une attention particulière à la nécessité d’augmenter l’égalité des chances et de combler les écarts entre hommes et femmes dans les domaines de l’éducation, de la formation et de l’emploi. Les systèmes d’éducation et de formation ainsi que le processus d’apprentissage doivent être conçus et organisés de manière à améliorer l’accès des femmes à un emploi et leurs possibilités d’avancement. Il est important de modifier les organisations actuelles plutôt que de permettre simplement aux femmes de s’adapter aux structures existantes. Une offre de formation appropriée peut aider les femmes à réduire l’écart entre hommes et femmes.

28. La formation tout au long de la vie place l’éducation initiale ou enseignement des “ savoirs fondamentaux ” dans un nouveau contexte. Lorsque l’éducation initiale est de grande qualité, elle stimule le désir d’apprendre et de poursuivre l’apprentissage. Une formation initiale médiocre compromet sérieusement les possibilités de formation tout au long de la vie. L’éducation préscolaire doit être considérée comme faisant partie de l’ensemble du système éducatif et constituer la première étape du processus de formation tout au long de la vie. Tous les enfants doivent avoir droit à une place dans l’éducation préscolaire car c’est ce qui favorise l’égalité des chances indépendamment de la situation géographique, du milieu social et de la situation financière. L’offre d’éducation préscolaire pour tous a une valeur intrinsèque et forme la base de la scolarité et de la vie professionnelle qui vont suivre.

Financer la formation tout au long de la vie pour tous

29. Investir dans la formation tout au long de la vie pour tous est la condition d’un passage réussi à l’économie du savoir. Les niveaux actuels d’investissement dans les ressources humaines sont trop faibles. Les ressources financières destinées à la formation tout au long de la vie doivent vraiment être utilisées de façon plus efficace. Cependant, on n’obtiendra pas un bon rapport coût-efficacité en augmentant la charge de travail des enseignants et le nombre d’élèves par enseignant, en négligeant le perfectionnement professionnel des enseignants ou en augmentant la précarité de l’emploi.

30. Le financement de la formation tout au long de la vie doit demeurer une responsabilité essentielle des gouvernements et des employeurs. Il incombe aux gouvernements de donner un enseignement de base à tous les apprenants – quel que soit leur âge. Le financement de l’éducation et de la formation professionnelles a été et reste une tâche essentielle pour les employeurs et il faut maintenir cette responsabilité. Les salariés et les familles actives participent souvent à leurs dépenses de perfectionnement personnel et les syndicats encouragent les efforts allant dans ce sens. Les cadres et les détails précis de ces responsabilités en matière de financement dépendent de la situation nationale ou même locale et varient d’un pays à l’autre. Ils doivent donc être négociés entre les parties. Des cadres appropriés de négociation collective négociés par les employeurs et les syndicats devraient favoriser la formation tout au long de la vie en améliorant notamment l’accès à la formation, en garantissant l’égalité des chances, en permettant le transfert des droits et en améliorant l’accessibilité économique de la formation tout au long de la vie.

31. Cependant, nous sommes fermement opposés aux politiques visant à faire passer la principale responsabilité du financement de la formation tout au long de la vie des gouvernements et des employeurs aux individus. Ces politiques qui font supporter de plus en plus aux salariés et à leur famille, les frais directs et indirects de formation risquent d’amplifier les inégalités et l’exclusion sociale. Les familles actives contribuent déjà en grande partie au financement de l’éducation et de la formation – frais de scolarité, coûts des matériels pédagogiques, coût de la vie des élèves et des étudiants. Ces frais peuvent imposer un lourd fardeau aux familles et il faudrait éviter de l’alourdir encore davantage.
 

VII. Combler le fossé numérique – des mesures urgentes s’imposent

32. Combler le fossé numérique qui existe aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur de ceux-ci, est une question qui doit recevoir une attention particulière. Les inégalités au niveau de l’accès et de l’emploi des TIC accentuent les inégalités existantes. Les données disponibles sur l’accès des foyers à l’Internet pour les pays de l’OCDE montrent que les ménages les plus pauvres, notamment ceux qui possèdent peu d’instruction, ainsi que certains groupes ethniques, sont dépassés par la révolution numérique.

33. Il n’est pas possible de combler le fossé numérique en améliorant simplement l’accès de tous aux technologies de l’information et à l’Internet moyennant la mise à profit du développement de l’infrastructure par le jeu des mécanismes du marché. On a accordé une attention particulière au câblage des pays du Tiers Monde. Mais le fossé numérique n’est pas simplement technique. Il ne s’agit pas que d’une question d’accès aux ordinateurs. Le fossé numérique est occasionné par un grand dénuement sociétal et économique. A cet égard, les ordinateurs et l’Internet n’ont pas engendré un nouveau problème social mais ils ont exacerbé ceux qui existaient déjà.

34. Des marchés des services de télécommunications déréglementés et libéralisés, une baisse permanente des prix du matériel informatique et les initiatives du secteur privé ne représentent pas à eux seuls la panacée qui permettra de réduire le fossé. Les récents développements intervenus dans les pays industrialisés avancés ont prouvé manifestement que les efforts tendant à exploiter le fossé numérique uniquement dans l’intérêt des entreprises sont voués à l’échec. Les initiatives lancées par les entreprises de haute technologie afin de réduire le fossé numérique en offrant gratuitement des ordinateurs et l’accès à l’Internet aux écoles sont les bienvenues. Cependant, elles n’empêcheront pas un grand nombre de citoyens de rester sans accès à l’informatique et  d’être mis hors circuit.

35. Les stratégies destinées à créer des possibilités d’accès aux technologies numériques qui mettent simplement l’accent sur les questions de gestion du commerce électronique (e-commerce) et du gouvernement électronique, telles qu’elles sont actuellement examinées par le Groupe d'experts du G8 sur l'accès aux nouvelles technologies, qu’il est convenu d’appeler GEANT, ne sont pas du tout convaincantes. Pour combler le fossé numérique il faut faire plus que de créer un climat de confiance permettant aux entreprises et aux consommateurs de faire du commerce en ligne. Il faut une approche plus globale et plus efficace assortie d’un large éventail de stratégies et de mesures intégrées dans un cadre général de promotion du développement durable.

36. Pour combler le fossé numérique, les gouvernements doivent se préoccuper de  l’éducation et de la formation ainsi que de la fourniture de contenus locaux ou adaptés aux besoins du pays. En outre, les gouvernements devraient faire intervenir non seulement les entreprises et les organismes du secteur privé dans les initiatives des pouvoirs publics destinées à combler ce fossé mais également les représentants de la société civile et les syndicats en particulier.
 

VIII. L’avenir de l’éducation sera-t-il placé sous le signe de la qualité ou de la commercialisation internationale ? 

37. Il ne faut pas que les objectifs des pouvoirs publics en matière d’éducation soient mis en péril par les pressions de la concurrence et de la commercialisation internationales. Le commerce international des services éducatifs est actuellement un important domaine d’activité en rapide expansion. Dans le secteur où se concentre cette forme de commerce, à savoir l’enseignement supérieur il représentait déjà 27 milliards de $ US en 1995. (4)

38. Cette situation soulève des questions essentielles pour l’enseignement public. A un moment où les syndicats se sont engagés à donner à la mondialisation un “ visage humain ” fondé sur un lien entre les échanges et les normes du travail, où les syndicats se sont engagés dans une campagne pour protéger et promouvoir des systèmes d’éducation publique de qualité pour tous, il est difficile d’ignorer la reprise des négociations du GATS dont les conséquences pourraient être négatives. En fait, les initiatives de l’OMC risquent fort de heurter de front les principes défendus par tous ceux qui sont attachés à un système d’éducation publique de qualité. Il s’agit en particulier du risque que les systèmes éducatifs soient de plus en plus subordonnés aux exigences de profit du secteur privé.

39. Nous craignons qu’une ouverture précipitée des marchés des services éducatifs puisse avoir des conséquences néfastes : une dépendance de plus en plus grande à l’égard des ressources éducatives étrangères, un déclin de la culture locale et l’exclusion dans un grand nombre de pays en raison de l’emploi d’une langue étrangère réservée à l’enseignement, une tendance à la normalisation de l’éducation et, enfin, une certaine limitation de la souveraineté. En outre, l’ouverture du secteur de l’éducation laisserait le champ libre aux entreprises transnationales spécialisées dans l’éducation ;  elles pourraient établir des filiales où bon leur semblerait en utilisant, par exemple, des modules d’enseignement informatisés, prêts à l’emploi et normalisés. 

40. En ce qui concerne le secteur de l’éducation, c’est l’existence même de l’éducation en tant que service public qui, tôt ou tard, pourrait être en jeu. Il est évident que ces questions ont des répercussions sur la nature de l’éducation en général et sur les conditions de travail des enseignants et des travailleurs de ce secteur en particulier et concernent donc ces derniers directement. Par conséquent, ces questions doivent être examinées en priorité par les syndicats auxquels sont affiliés les effectifs du secteur de l’éducation ainsi que par les organisations syndicales internationales. La politique de l’éducation et la réforme de l’éducation doivent garantir aux citoyens leur droit, non seulement à l’éducation, mais aussi leur droit à une éducation de qualité et elles ne doivent pas être mises en péril par la politique du commerce international. Les politiques nationales destinées à protéger la diversité culturelle des communautés, des minorités et des pays ne doivent pas être considérées comme des “ obstacles ” au commerce international.

41. Par ailleurs, il est nécessaire d’élaborer et de mettre en œuvre des système d’assurance qualité ayant comme objectif d’instaurer des normes de grande qualité au niveau de l’offre et du déroulement des cours de formation. Les systèmes d’assurance qualité doivent s’appuyer sur des structures qui traduisent la valeur d’une éducation publique de grande qualité et font intervenir des spécialistes de l’éducation dans la conception de ces structures.
 

IX. Enseignement, apprentissage et gouvernance – la politique de l’éducation doit innover

42. Il est incontestable que le rôle des enseignants et des éducateurs est en train de changer et continuera de changer encore davantage par suite de la révolution de l’information. Les progrès à venir des produits et services des technologies de l’information et de la communication représenteront un aspect important de cette évolution. De ce fait il est important de prendre des mesures en faveur de la mise au point de matériel informatique et de logiciels de grande qualité adaptés aux besoins de l’éducation. Pour ce faire, il est indispensable de permettre aux enseignants de participer directement à ce processus. En ce qui concerne les travaux en cours dans ce domaine, qui sont menés pour le compte du Secrétariat de l’OCDE, nous demandons instamment aux ministres de s’assurer la participation appropriée des syndicats  ainsi que celle du secteur privé.  Cependant, les TIC ne peuvent pas remplacer l’éducation scolaire et c’est une erreur de croire que les TIC réduiront d’elles-mêmes les dépenses et les budgets d’éducation et de formation. Les écoles exercent des fonctions de développement social et culturel qui ne peuvent pas être remplies simplement par la formation électronique ou l’enseignement programmé. L’acquisition des éléments importants des savoirs fondamentaux comme l’aptitude générale à communiquer, à s’intégrer socialement ou à apprendre à se servir des TIC, exige la présence des élèves et des étudiants et un contact direct avec les éducateurs.

43. De ce fait, on ne peut pas remplacer les enseignants par des ordinateurs. Une éducation de qualité ne peut pas s’acheter “ au rabais ”. Il est indispensable que les gouvernements investissent les ressources nécessaires pour faire en sorte que les écoles soient équipées et les enseignants formés pour préparer les apprenants à l’économie du savoir. Il faut souligner que si l’achat du matériel informatique est coûteux, son entretien est tout aussi onéreux. Refuser d’investir dans l’éducation coûte simplement plus cher à long terme.

44. Les investissements destinés à améliorer la qualité des enseignants et de l’enseignement doivent figurer en bonne place dans la réforme actuelle et future de l’éducation à tous les niveaux du système d’éducation et de formation. Nombreux sont ceux qui préconisent l’amélioration de la qualité des enseignants et un grand nombre d’Etats et de collectivités locales affectent des ressources pour faire en sorte que tous les enfants aient accès à des enseignants de qualité. Un grand nombre d’initiatives envisagées par les pouvoirs publics exigent d’augmenter le niveau d’investissement dans les programmes, la formation et les moyens qui permettent aux enseignants d’être en mesure d’améliorer le niveau de formation des étudiants. En conséquence, on espère de plus en plus que les nouveaux investissements se traduiront par des résultats positifs et meilleurs pour les étudiants. Les exigences imposées aux enseignants et aux écoles n’ont jamais été aussi grandes. Pourtant, la journée de travail actuelle de la plupart des enseignants ne leur laisse pas le temps nécessaire pour se mettre à apprendre sérieusement des méthodes nouvelles et novatrices applicables dans leur travail. Il est donc capital que les enseignants disposent du temps suffisant, pendant leur journée de travail, pour se préparer à faire face aux problèmes posés par ces tâches nouvelles.

45. Il est bien trop facile d’imputer aux enseignants les déficiences scolaires qui ont été diagnostiquées. Les ministres doivent également examiner le mode d’élaboration et de mise en œuvre de la politique et le mode de gestion des ressources. Il faut donner aux enseignants les moyens de participer activement à une réforme qualitative de l’éducation. Il faut également leur donner voix au chapitre dans les décisions relatives à l’administration et la gestion qui influent sur les modes d’organisation de leurs établissements en vue d’offrir une éducation et une formation de meilleure qualité, plus efficaces et plus ambitieuses. Pendant la journée scolaire, il faut que les enseignants disposent de plus de temps pour se former et organiser leur perfectionnement professionnel. Par conséquent, la réforme de l’éducation doit aborder aussi bien le mécontentement en matière d’emplois et de carrières que la violence à l’école. Nous n’avons pas besoin d’une réforme de l’éducation superficielle fondée par exemple sur le transfert des dernières modes de la théorie de l’organisation et de l’organisation industrielle aux écoles et aux universités.

46. D’après des enquêtes récentes, la grande majorité du personnel de l’enseignement est nettement en faveur d’une participation à la gestion et l’administration, notamment pour ce qui est de l’application des nouvelles technologies, de l’établissement des programmes et de la dotation budgétaire.

Mettre en place des méthodes novatrices d’enseignement et d’apprentissage

47. Pour relever les nouveaux défis découlant de la mondialisation, des nouvelles technologies et de la transition vers une économie du savoir, il faut mettre en place des méthodes novatrices d’enseignement et d’apprentissage. Cependant, il ne faut pas laisser le marché redéfinir à lui seul le mode de fonctionnement futur de l’enseignement et de l’apprentissage. Un modèle d’éducation et de formation à caractère commercial, du style “ magasin de proximité ” pourra répondre aux besoins de certains mais assurément, il ne répondra pas à tous les besoins de la collectivité.

48. Faire campagne simplement pour qu’un élargissement des “ choix ” offerts par l’éducation publique serve de point de départ à l’amélioration des résultats scolaires n’est pas suffisant.

49. Les gouvernements devraient surtout faire participer les enseignants et leurs syndicats à la réforme de l’éducation ainsi qu’à la gestion et l’administration des établissements d’enseignement. Les praticiens peuvent apporter des connaissances précieuses et considérables ainsi que l’expérience nécessaires à une réforme. Leur participation active assurera le soutien indispensable pour que la réforme de l’éducation et la modification du programme scolaire garantissent effectivement l’acquisition de nouvelles compétences.

 

1)  Se reporter à : Regards sur l’Education, OCDE, Paris, 2000, p. 51  et tableau B1.1a p. 61.

2)  D’après les résultats d’une enquête récente menée en Europe, que l’on appelle Enquête EPOC, seulement 4% des entreprises européennes prennent le travail en groupe au sérieux. Pour plus de détails, consulter Benders et al : “ Useful but unused: Group work in Europe ”, Luxembourg 1999.

3)  Pour de plus amples détails, se reporter aux Perspectives de l’emploi de l’OCDE, 1999,  OCDE, Paris, 1999, p. 171.

4)  Note de référence S/C/W/49 de l’OMC sur les services éducatifs, préparée à la demande du Conseil pour le Commerce des services, 23 septembre 1998.
 
 

 


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