TUAC STATEMENT.HTM

 

 

 


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RESULTATS DE LA RÉUNION DU COMITÉ DE LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L'OCDE AU NIVEAU MINISTÉRIEL

Paris, 22-23 juin 1999

ÉVALUATION DU TUAC  

Antécédents 

1. La science et la technologie (S&T) et depuis une période plus récente, la recherche et le développement (R&D), sont l'objet d'un grand intérêt de la part du public, reçoivent des aides publiques et suscitent des activités commerciales. Ils sont considérés comme les facteurs d'innovation et de changement technologique les plus importants et comme des moteurs de productivité, de compétitivité, de croissance économique et d'emploi. De ce fait la capacité de créer, distribuer et exploiter le savoir est capital pour l'économie et la société. 

2. L'importance croissante du savoir a confronté les politiques à de nouveaux défis. Les efforts déployés pour relever ces défis ont conduit à la mise en place de programmes destinés à renforcer les systèmes nationaux d'innovation. En outre, les politiques technologiques ont cherché à accélérer le processus d'innovation et à favoriser les comportements novateurs. En général, les politiques de S&T ont visé essentiellement à renforcer l'efficacité et l'efficience en vue d'améliorer les conditions de transformation du savoir scientifique et technologique en biens et services commercialisables. 

3. Les politiques de S&T ainsi que la réorganisation des institutions publiques et privées de recherche et développement ont réussi, dans une certaine mesure, à accroître la mobilité de l'information, du personnel scientifique et du capital. Mais elles n'ont pas réussi à résoudre un grand nombre des problèmes actuels et à faire face à certaines situations alarmistes comme la persistance d'un niveau élevé de chômage dans de nombreux pays, le changement climatique mondial, l'inégalité et la pauvreté dans les pays les moins développés. Tous ces problèmes ont provoqué un débat public qui remet en question la crédibilité de la science et de la recherche. 

4. C'est dans ce contexte que se sont réunis à Paris, les 22 et 23 juin 1999, les ministres de la science et de la technologie des 29 pays membres de l'OCDE ainsi que les ministres d'Israël, de la Russie, de la République slovaque et de l'Afrique du Sud. La réunion avait pour objet d'examiner « La contribution de la science et de la technologie à la croissance durable et au bien-être social. Nouvelles perspectives et nouveaux enjeux pour les politiques ». 

5. Le document de discussion préparé par l'OCDE pour la réunion proposait d'axer les débats sur trois grands enjeux pour les ministres de la science et de la technologie, à savoir : 

- Comment, en favorisant l'innovation, contribuer au développement durable et à la création d'emplois ?  

- Comment mieux faire face au processus de mondialisation et renforcer la coopération internationale ? et  

- Comment contribuer à la mise en place de structures réglementaires mieux adaptées à la rapidité du progrès scientifique et à l'exploitation des technologies de pointe ?  
 

6. Les ministres ont été invités à examiner les progrès scientifiques et technologiques dans les domaines de la santé et de l'environnement en vue d'étudier quels sont les moyens d'associer plus étroitement les communautés scientifique et industrielle et la société civile à la formulation des politiques. La participation de cette dernière a également été examinée au cours des consultations conjointes qui se sont déroulées avant la réunion. Compte tenu des résultats du Sommet du G8 de Cologne qui s'est tenu le week-end précédent, la question de la sécurité alimentaire a été l'objet d'une très grande attention. 
 

Consultations conjointes avec le BIAC et le TUAC avant la réunion ministérielle 

7. Lors de la préparation des consultations avec le Comité de la politique scientifique et technologique, le TUAC a diffusé une déclaration concernant les récentes tendances de la R&D et les enjeux des politiques de la science et de la technologie. Il a incité les ministres de l'OCDE à prévoir une réorientation des stratégies de promotion de l'innovation et du développement économique afin de parvenir à une croissance socialement et écologiquement viable. Le TUAC a engagé tout particulièrement les ministres à : 

- réorienter la compétitivité de telle sorte que les investissements en main d'oeuvre et les immobilisations incorporelles soient considérés comme des investissements et non pas comme des coûts ; 

- inverser la baisse relative des dépenses de R&D et de l'emploi ; 

- intégrer les politiques de la science et de la technologie aux stratégies de l'emploi fondées sur l'amélioration des compétences et l'accroissement de la productivité ; 

- développer des stratégies participatives associant les salariés et leurs syndicats à l'introduction de nouvelles technologies et au changement d'organisation sur le lieu de travail ; 

- donner la confiance et la sécurité aux chercheurs ; 

- faire en sorte que les politiques macroéconomiques soutiennent les stratégies de croissance à forte intensité de savoir en développant la demande ; 

- éviter la concentration de savoir et de propriété intellectuelle entre les mains de quelques-uns ; 

- soutenir l'élaboration de règlements efficaces relatifs à la main d'oeuvre et à l'environnement dans le cadre du système mondial d'échange et d'investissement ; 

- empêcher la concurrence fiscale dommageable ; 

- réorienter les stratégies de localisation industrielle afin de favoriser les concentrations d'activité économique fondées sur le savoir ; 

- regagner la confiance du public dans la science et la technologie grâce à des systèmes transparents et ouverts d'évaluation des technologies ; 

- améliorer les systèmes réglementaires ; 

- développer le rôle de l'OCDE en matière de travail multidisciplinaire dans les domaines de l'hygiène et de la santé.

8. Pendant les consultations conjointes avec le président et les vice-présidents du Comité de la politique scientifique et technologique, les délégués du TUAC (Gerd Köhler, DGB-GEW, Val Ellis, TUC-IPMS, Roland Schneider et John Evans du Secrétariat du TUAC) ont insisté sur le fait que le développement et l'application de nouvelles technologies ont besoin de la confiance du public. Afin de préserver et de renforcer cette nécessaire confiance, ils ont invité les scientifiques et les chercheurs à agir de manière responsable relativement aux normes éthiques et aux valeurs sociales ainsi qu'aux risques découlant des nouvelles technologies. De plus, ils ont préconisé une approche globale et incité les ministres à procurer les moyens de consulter toutes les parties intéressées au cours du processus de prise de décision en matière de politique de la science et de la technologie, quant à l'incidence sociale et économique des nouvelles technologies. 

9. En ce qui concerne le travail des scientifiques et des chercheurs, les délégués du TUAC ont mis en garde contre les intérêts contradictoires des entreprises privées et du public. Des différends peuvent naître à propos du financement de la recherche et du cadre réglementaire. Les délégués du TUAC ont signalé un danger particulier qui pourrait se produire si l'on privilégie une R&D ayant presque exclusivement des fins commerciales. Afin d'éviter ce danger et de garantir une approche assez large de la R&D, il faut que la recherche indépendante soit financée par les fonds publics. 

10. En outre, les délégués du TUAC ont insisté sur la nécessité de disposer d'un cadre réglementaire de base couvrant aussi bien les obligations sociales que les impératifs écologiques. Ils se sont vivement opposés aux appels en faveur d'une « nouvelle méthode d'action » prônée en particulier par un récent numéro de « Synthèses » de l'OCDE et selon laquelle les pouvoirs publics devraient réduire encore plus leur participation aux efforts de promotion du progrès technologique et laisser davantage agir le marché. Pour confirmer leurs dires, les délégués du TUAC ont indiqué que la réussite dans les domaines de la science et de la recherche ne se traduit pas automatiquement par une réussite économique. Evoquant les résultats de l'ancien programme Technologie/Economie de l'OCDE (TEP), ils ont préconisé que la R&D tienne compte de la totalité des activités scientifiques et technologiques allant de la recherche fondamentale à la maîtrise technologique, de l'invention jusqu'à sa diffusion. 

11. Les représentants du BIAC se sont référés aux tendances récentes et à l'évolution de la science, de la recherche et du développement. Ils ont signalé que la R&D industrielle a été récemment l'objet d'un important recentrage et que l'on attache une attention et une importance particulières à la ‘vitesse’ et aux ‘droits de propriété intellectuelle’ comme étant des aspects essentiels à tous les niveaux du processus d'innovation. Le BIAC considère que ces changements annoncent un nouveau paradigme : la découverte scientifique, l'application industrielle et l'incidence sur la collectivité ne se produisent plus de façon sérielle comme cela était précédemment le cas mais presque simultanément. De plus, ces éléments du processus d'innovation influencent réciproquement leur développement. Etant donné que les politiques et les programmes actuels des pouvoirs publics en matière de science et de technologie ne sont pas allés de pair avec cette tendance, le BIAC a invité les gouvernements à ajuster leurs politiques en fonction du nouveau paradigme. 

12. A l'instar de la présentation du TUAC, celle du BIAC a souligné également le fait que la recherche financée par l'Etat est de plus en plus à court terme et à des fins commerciales. Il n'est guère surprenant de constater que la conclusion à ce sujet s'oriente dans une direction tout à fait opposée. D'après le BIAC, la recherche fondamentale financée publiquement ne devrait plus être considérée simplement comme une activité universitaire mais comme un moyen d'entraîner la création de nouveaux marchés industriels fondés sur des découvertes importantes. Ainsi, pour transformer plus facilement les résultats de la recherche financée publiquement en développements industriels, le BIAC a plaidé en faveur d'une amélioration des consultations entre les responsables des politiques scientifiques, l'industrie et l'université, sur les questions scientifiques et autres qui se trouvent au croisement de la science, du monde économique et d'autres domaines d'action des pouvoirs publics. Une consultation de ce type pourrait intervenir grâce à la création d'un Forum mondial de la science au sein duquel les entreprises veulent être représentées. 

13. S'agissant des débats actuels axés sur les nouvelles possibilités offertes et les risques engendrés par les nouvelles technologies et notamment la biotechnologie, le BIAC s'est plaint de l'absence de détermination politique et d'un manque d'informations crédibles et de réglementation ayant des fondements scientifiques. Dans ces conditions, certains groupes seraient en mesure de manipuler des segments importants de l'opinion publique et de susciter la méfiance du public vis-à-vis des nouvelles technologies, des responsables de la réglementation et des entreprises. Afin de mettre en place de bonnes conditions-cadres propres à stimuler l'innovation, le BIAC a préconisé d'oeuvrer en faveur d'une amélioration de la compréhension de la science et de la communication relative aux risques et aux bénéfices de la biotechnologie et il a été recommandé en particulier d'organiser des consultations entre le Groupe de travail sur la biotechnologie, du CPST, l'industrie et le monde universitaire. 

14. Les représentants du BIAC ne sont pas allés jusqu'à recommander explicitement une approche exclusive refusant d'associer les travailleurs, les consommateurs et le public concerné au débat sur les nouvelles technologies. Toutefois leur présentation est arrivée à la conclusion que par suite de l'existence du nouveau paradigme d'innovation et de développements industriels, qui donne une importance capitale au « délai de mise sur le marché »", un dialogue social sur le changement technologique risquerait d'entraver le progrès technologique. Les ministres, cependant, n'ont pas partagé cette conclusion. 

15. En ce qui concerne l'appel lancé par le TUAC en faveur d'une meilleure participation des parties prenantes aux politiques de la science et de la technologie, les ministres sont convenus de la nécessité d'un dialogue social mettant l'accent sur un large ensemble de questions liées au changement technologique. Au cours d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'issue de la réunion, le ministre suédois de l'Education et de la Science, l'un des vice-présidents du Comité de la politique scientifique et technologique, a souligné qu'il était fondamental que le public ait confiance dans la science et la recherche. Il a déclaré que les ministres s'étaient accordés à penser que les principes d'ouverture et de transparence étaient indispensables pour obtenir la confiance du public. Parallèlement, il a indiqué que l'OCDE devrait favoriser la réalisation d'un dialogue sur le changement technologique, faisant intervenir tous les groupes de parties prenantes. Selon les conclusions finales de la réunion, les ministres sont convenus que le Comité de la politique scientifique et technologique de l'OCDE « devrait jouer un rôle important dans l'identification des pratiques exemplaires pour faciliter de telles interactions entre les différentes parties prenantes ». 
 

Évaluation de la réunion du Comité de la politique scientifique et technologique au niveau ministériel 

16. Au cours de la réunion, les ministres ont tout d'abord examiné, comme cela avait été proposé, quelles sont la nécessité et les possibilités de stimuler l'innovation afin de contribuer au développement durable et à la création d'emplois nouveaux. Ils ont décidé que « des efforts significatifs devraient être consacrés à la recherche scientifique sur des technologies adaptées à une croissance durable qui permettent de contribuer à la solution des problèmes qui se posent à l'échelle planétaire dans des domaines comme l'environnement, la santé, la production alimentaire et l'approvisionnement en énergie ». 

17. Pour ce qui est de parvenir à une meilleure éco-efficience, les ministres se sont montrés plus ouverts à une approche favorisant les mécanismes du marché. Dans la ligne du courant économique dominant, ils ont insisté sur l'importance des conditions-cadres relatives aux institutions, à la réglementation et à la fiscalité qui sont nécessaires pour promouvoir les comportements innovants et l'esprit d'entreprise, lever les obstacles à la recherche en collaboration et à la constitution de réseaux et améliorer l'accès au capital-risque et aux financements à long terme. 

18. Les ministres n'ont pas tenu compte explicitement de l'expérience positive se rapportant aux approches de la promotion de technologies éco-efficientes, tirées par la demande, qui ont été provoquées par les changements du cadre réglementaire. De plus, ils n'ont pas considéré qu'un niveau élevé de flexibilité externe gênerait la mise en oeuvre de systèmes de travail à haute performance et l'acquisition de nouvelles qualifications et compétences. Au contraire, ils ont préconisé à nouveau un meilleur fonctionnement des marchés du travail et un accroissement de la mobilité des travailleurs qui sont indispensables pour que l'amélioration des capacités d'innovation se traduise par la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité. 

19. S'agissant de la promotion de l'innovation, les ministres ont recommandé au CPST d'orienter ses travaux futurs en s'attachant plus particulièrement à : 

- améliorer sa capacité à suivre, à mesurer et à comprendre les évolutions des capacités nationales scientifiques et technologiques et en matière d'innovation et leurs incidences sur les performances économiques et l'emploi, notamment dans le domaine des services ; 

- procéder à l'évaluation comparative et l'identification des politiques exemplaires dans les relations entre l'industrie et la recherche et le développement de l'essaimage d'entreprises issues de la recherche ; 

- assurer une contribution efficace au projet horizontal de l'OCDE sur le développement durable ; 

- évaluer les pratiques visant à mieux associer la société civile à la formulation de la politique concernant l'exploitation et la diffusion des nouvelles technologies ; réexaminer le rôle que les sciences sociales peuvent jouer à cet égard et, d'une manière plus générale, dans l'évaluation et la formulation des politiques.

20. La deuxième partie de la réunion était consacrée à l'examen des réponses apportées par les politiques de la science et de la technologie pour faire face à la mondialisation. Les ministres ont reconnu la nécessité d'inscrire directement les politiques nationales de S&T dans une optique internationale de manière à renforcer la capacité des économies d'accéder aux résultats de l'activité scientifique et technologique mondiale et de les exploiter. En outre, ils ont exprimé leur soutien à des mesures destinées à faciliter la coopération internationale entre entreprises au stade pré-concurrentiel et à favoriser la mobilité internationale des personnels scientifiques et technologiques en prenant dûment en compte les effets néfastes éventuels concernant le drainage des cerveaux. 

21. Les ministres ont fait part de leur satisfaction quant aux travaux accomplis par le Forum Mégascience et ils se sont félicités de la décision de créer un nouveau « Forum mondial de la science, de l'OCDE » qui succédera au Forum Mégascience. Depuis 1992, le Forum Mégascience remplissait cette fonction pour les consultations régulières que réalisaient les hauts responsables de la politique scientifique en matière de Science lourde. Il a formulé des recommandations pratiques et tournées vers l'action afin de favoriser la coopération au niveau des grands projets scientifiques. 

22. Le nouveau Forum réunira deux fois par an les responsables des politiques scientifiques, les directeurs de laboratoires et les spécialistes à qui il revient de gérer et définir de nouveaux projets et programmes scientifiques. Tous seront appelés à participer aux décisions qui exigent la coopération internationale pour améliorer la planification et le financement d'infrastructures scientifiques d'importance vitale dépassant les capacités financières d'un pays isolé. Ce Forum cherchera à identifier et exploiter les possibilités de renforcer l'infrastructure de recherche mondiale (équipements techniques : nouvelles sources de neutrons ; instruments : nouveaux télescopes ou navires de prospection par forage ; bases de données contenant, par exemple, des informations sur la biodiversité ; programmes et réseaux d'enseignement et de recherche). Il s'efforcera de favoriser le partage et l'utilisation plus rationnelle des moyens, anciens ou nouveaux, par les pays participants. 

23. A l'issue d'un débat controversé au cours de la préparation de la réunion ministérielle et à la lumière des discussions du G8, les ministres ont décidé d'approuver les efforts déployés par les pays intéressés et d'encourager les initiatives visant à créer une structure de coordination internationale qui mettrait en place un Centre d'information mondial sur la biodiversité (GBIF). La mission de ce centre est de coordonner la normalisation, la numérisation et la diffusion à l'échelle mondiale (dans un cadre qui tienne compte de façon appropriée des droits de propriété) des données sur la biodiversité à l'échelle de la planète. Les ministres ont reconnu l'importance d'un tel centre dans le domaine de la santé, de la gestion des ressources, de la protection de l'environnement, de l'agriculture et de l'éducation. Les ministres ont également salué les efforts de plusieurs pays pour entreprendre les travaux préparatoires nécessaires à l'établissement du GBIF d'ici le milieu de l'an 2000. 

24. Pendant la dernière partie de la réunion, les ministres ont examiné les moyens d'adapter le cadre réglementaire aux besoins des progrès scientifiques et technologiques. Manifestement, ils se sont accordés à penser que certaines dispositions réglementaires limiteraient la contribution de la S&T à la croissance économique et au développement durable en faisant obstacle aux progrès scientifiques ainsi qu'à la création et la commercialisation de nouvelles technologies. De ce fait, les ministres ont préconisé une réforme réglementaire adéquate pour libérer les capacités d'innovation en encourageant les comportements novateurs et la diffusion du savoir. Mais ils ont noté également que les nouveaux cadres réglementaires doivent tenir compte des objectifs de la politique sociale et environnementale, promouvoir la diversité des choix technologiques et recueillir la compréhension et la confiance du public. D'après les ministres, ceci est notamment le cas dans les domaines où les mutations sont rapides, comme l'application de la biotechnologie à la santé et à l'agriculture. 
 

Conclusions et suivi 

25. Les débats actuels sur la société de l'information et l'économie fondée sur le savoir se caractérisent par l'absence d'une dimension sociale. Nombreuses sont les contributions qui s'appuient encore sur un déterminisme économique et technologique. S'agissant des limites des marchés, on ne peut pas méconnaître le fait que dans la société civile, les domaines des droits politiques doivent être protégés du marché. Une économie fondée sur le savoir ne peut pas reposer sur la supériorité des marchés libres et sur le déterminisme technologique. 

26. Le refus du déterminisme technologique et la reconnaissance des aspects sociaux des nouvelles technologies ont d'importantes conséquences. Ils mettent en évidence le fait que les politiques visant à favoriser une large utilisation des nouvelles technologies « ne peuvent pas et ne devraient pas se limiter à l'intégration économique du changement technologique » comme l'a fait observer un groupe d'experts de haut niveau de la Commission européenne, dans un récent rapport d'orientation. Par conséquent, les politiques de S&T doivent prendre en considération tous les aspects d'une intégration sociale plus large du changement technologique. Le développement et l'emploi de nouvelles technologies et le changement technologique dans son ensemble doivent être considérés comme un processus social. 

27. En ce qui concerne le processus de mondialisation, les syndicats s'inquiètent de voir qu'en matière de nouvelles technologies, l'attention des politiques s'est concentrée essentiellement sur la libéralisation des marchés des produits et des services à base de nouvelles technologies et sur le maintien de la concurrence. Elles ne se sont guère préoccupées de la mise en place et de l'application d'un ensemble de normes sociales communes. Il faut remédier à cette situation. 

28. L'évolution récente des systèmes nationaux d'innovation indique, selon un grand nombre d'intéressés du secteur public et privé chargés de la promotion de la science et de la recherche, de l'enseignement et de la formation ainsi que de l'innovation, que les dépenses liées à la création, l'accumulation et l'application de savoirs nouveaux sont simplement perçues comme des coûts. Les dépenses découlant de ces activités ne sont guère considérées comme des investissements stratégiques et des apports aux actifs existants. Cette perception s'inspire de l'idée selon laquelle la compétitivité est déterminée par l'évolution des coûts et notamment des coûts salariaux. Cette hypothèse n'est pas valable. 

29. Ce qu'il faut, ce sont de nouveaux moyens de mesurer la compétitivité qui reflètent l'idée que la compétitivité n'est pas synonyme de concurrence pour une part de marché. Un concept moderne et convaincant de la compétitivité ne devrait pas tenir compte uniquement de la capacité des entreprises commerciales de produire des biens et des services répondant à la demande des marchés internationaux ; il doit par ailleurs tenir compte des revendications des travailleurs et des citoyens qui souhaitent une amélioration de leur niveau de vie. 

30. La promotion de ce qu'il est convenu d'appeler les « investissements incorporels », l'enseignement et la formation professionnelle ainsi que l'amélioration des compétences, la nouvelle conception des formes tayloriennes traditionnelles d'organisation du travail, l'introduction du travail d'équipe doivent empreindre de leur marque la politique scientifique et technologique. Les stratégies d'une politique de S&T élargie doivent s'accompagner d'efforts pour améliorer les qualifications et les compétences de la main d'oeuvre et des entreprises. Il faut que les compétences et le savoir soient reconnus comme des atouts importants aussi bien pour les entreprises que pour la société. 

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