TUAC STATEMENT

 

 

 


  English text   

 DECLARATION DU TUAC  A LA REUNION DU COMITE DE L'EMPLOI, DU TRAVAIL  ET DES AFFAIRES SOCIALES  AU NIVEAU MINISTÉRIEL, SUR LA POLITIQUE SOCIALE  23 - 24 juin 1998


Les nouveaux enjeux des systèmes de protection sociale et de sécurité sociale à l'ère de la mondialisation  

1. Les Etats providence sont une réussite. Pour un grand nombre de pays de l'OCDE, la création des systèmes de sécurité sociale, définis dans un sens plus large sous le nom d'Etats providence, a représenté la principale réussite sociale de ces cinquante dernières années. Bien que l'équilibre entre l'offre publique et l'offre privée varie d'un pays à l'autre, les bons systèmes publics se sont révélés d'une grande valeur. Les systèmes de santé publics ont été à l'origine d'un accroissement de la durée et de la qualité de la vie, la sécurité sociale a diminué les plus grandes misères et dénuements et, dans de nombreux pays, les systèmes publics de pension ont supprimé l'insécurité et la pauvreté des personnes âgées. Parallèlement, ces systèmes sont devenus de grands employeurs dont les salariés sont très attachés à leur travail et convaincus de sa valeur pour la société. 

2. Pourtant, les pays de l'OCDE sont confrontés à une crise sociale. Pour un grand nombre de familles actives, les dernières années du XXè siècle ont été dominées par une insécurité croissante, la rationalisation, la pression de la concurrence et la crainte du chômage. Les autres - les chômeurs de longue durée, les familles monoparentales et de nombreux jeunes ont été exclus du grand courant de la société et sont pris au piège d'une nouvelle forme de pauvreté et de dénuement. L'inégalité des revenus s'accroît dans les pays de l'OCDE. Il existe un réel danger de rupture de la cohésion sociale. Dans bien des cas, les systèmes de sécurité sociale ont atténué les effets les plus graves de la crise. Mais ces systèmes sont maintenant en butte à des attaques, notamment à cause des réductions de dépenses, de l'augmentation des coûts de santé, du chômage généralisé et, dans certains cas, d'une obsession des politiques pour la "solution du marché". 

3. De ce fait, la stabilité politique se trouve menacée. Eu égard à la mondialisation, l'OCDE a averti que si le progrès social ne va pas de pair avec le développement économique, la stabilité politique se trouvera menacée. Nous en avons la preuve avec la croissance de l'extrémisme politique et du racisme mais aussi avec les réactions violentes de l'opinion publique contre le système mondial des échanges et de l'investissement. L'origine du malaise social et politique n'est pas la mondialisation en tant que telle mais l'incapacité à réglementer et gérer efficacement les marchés mondiaux et mettre au point des politiques nationales appropriées. 

4. Les politiques économiques doivent inclure des objectifs sociaux. Les politiques sociales ont un rôle fondamental à jouer pour résoudre correctement ces problèmes. Mais la politique sociale va au-delà des programmes sociaux et il est essentiel d'assurer la cohérence entre les différents domaines de la politique ce qui n'est pas un processus unilatéral. La politique sociale doit tenir compte des objectifs d'action en matière d'économie et d'emploi mais les politiques économiques doivent inclure des objectifs sociaux. Pour que les politiques sociales réussissent, il faut que les politiques économiques visent à rétablir et soutenir le plein emploi. Il faut également fixer des limites aux pressions de la concurrence mondiale. 

5. Les pays de l'OCDE connaissent une évolution sociale de grande ampleur. Outre la menace immédiate du chômage et l'incidence de la mondialisation, les économies et les sociétés des pays membres de l'OCDE connaissent des changements considérables. Citons entre autres, l'évolution des rôles des hommes et des femmes. Dans la plupart des pays de l'OCDE, la participation des femmes à la population active a augmenté et, dans de nombreux domaines, les femmes représentent maintenant la majorité des salariés. Cette situation entraîne des demandes nouvelles en matière d'aide sociale et de structures d'accueil pour les enfants de même que l'apparition de nouveaux modes de vie et de structures familiales telles que les familles monoparentales qui sont de plus en plus nombreuses. Les réductions opérées dans les systèmes de sécurité sociale ont eu des répercussions négatives disproportionnées sur les femmes, les personnes handicapées et les groupes minoritaires. De plus, les tendances démographiques se traduisent par un accroissement de la population âgée de 65 ans et plus dans la plupart des pays de l'OCDE et des conséquences radicales sur les systèmes sociaux, de soins de santé et d'emploi. 
 
6. Les syndicats sont des parties prenantes essentielles. Nombreux sont les objectifs des systèmes de sécurité sociale que les syndicats cherchent également à atteindre dans le cadre de leurs stratégies de négociation collective et qui peuvent compléter et étendre la protection sociale. Dans plusieurs pays, les syndicats cogèrent les systèmes de sécurité sociale. Les syndicats se font l'écho d'un grand nombre de groupes défavorisés. Ils représentent également ceux qui travaillent dans les systèmes de sécurité sociale. Le mouvement syndical est prêt à travailler avec les ministres de la Politique sociale de l'OCDE en vue de créer un nouveau consensus sur les actions à mener.  


 

La politique sociale est un investissement qui a un sens économique et politique mais aussi social 

7. Le problème du financement. L'apparition du chômage de masse, la croissance des emplois précaires (travail mal payé, emploi à temps partiel et temporaire, travail en indépendant dû à la sous-traitance) et la tendance au raccourcissement de la vie active et notamment l'abaissement de l'âge effectif de départ à la retraite ont chacun influé sur les modalités d'organisation, de financement et de fonctionnement des systèmes de sécurité sociale. Les répercussions de ces tendances sur les recettes fiscales et les cotisations de sécurité sociale ainsi que sur les dépenses en matière de prestations, de pensions au titre d'un régime public et de soins de santé ont été l'élément moteur du débat de l'OCDE sur la réforme des systèmes de sécurité sociale. Les syndicats reconnaissent que ces changements imposent de nouvelles et importantes pressions sur l'Etat providence mais la question au coeur du débat doit être celle de la capacité des systèmes à atteindre des objectifs multiples dans une période de changement. 

8. Les dépenses sociales constituent un investissement. En 1992, la réunion des ministres des Affaires sociales de l'OCDE a qualifié, à juste titre, les dépenses sociales d'investissement. L'Etat providence permet le fonctionnement du système de marché. L'ensemble de la société et non pas seulement ceux qui perçoivent des prestations, profite des bienfaits de l'Etat providence et notamment de la cohésion sociale, de la sécurité et de la stabilité politique. L'individualisation des formes de travail et des modes de vie ainsi que les systèmes permettant l'aménagement du temps de travail ne suppriment pas la nécessité d'avoir des systèmes de sécurité sociale ; plus exactement ils exigent la mise en place et le renforcement de nouvelles formes de solidarité sociale. 

9. Elles soutiennent le développement économique et social. Bien que se différenciant par leur forme et leur structure, les dépenses sociales représentent entre un quart et un tiers du revenu national dans les pays de l'OCDE. En revanche, elles conditionnent le fonctionnement de l'économie. Elles soutiennent le développement de l'infrastructure sociale, des ressources humaines et par là même, favorisent l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée. En outre, les systèmes de sécurité sociale favorisent l'équilibre de la consommation et ont un effet stabilisateur sur la demande des consommateurs comme les "stabilisateurs automatiques" qui diminuent les fluctuations cycliques de l'économie. 

10. Elles remplissent des fonctions sociales et politiques. En contribuant à la justice sociale et en limitant les risques sociaux et l'exclusion, les institutions de l'Etat providence contribuent à la cohésion sociale et à la solidarité. En l'absence d'une cohésion sociale, les économies et les sociétés modernes ne peuvent pas survivre. Il en va de même pour la structure de la fonction démocratique de l'Etat providence. C'est cette fonction qui contribue, dans une large mesure, à l'équilibre des intérêts sociaux divergents et à la stabilité politique. Il faut insister sur le fait qu'elle créé les conditions qui permettent aux hommes et aux femmes de participer, en tant que citoyens, aux débats publics et au processus de prise de décision politique.  

 

Les principes à la base de la modernisation et de la sauvegarde des systèmes de sécurité sociale  

11. Cinq principes doivent permettre d'orienter le changement. Il est nécessaire de procéder à un débat public approfondi pour atteindre un consensus sur les principes devant orienter la réforme des systèmes de sécurité sociale :  (i) La réalisation de la justice sociale et la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce principe prend encore plus d'importance en cette période d'évolution rapide et de mondialisation qui s'accompagne d'une plus grande diversité des débouchés commerciaux. Les prestations sociales et les allocations de chômage doivent assurer la dignité de la vie quotidienne à tous les citoyens. 

(ii) La responsabilité individuelle. Il n'incombe pas à l'Etat providence d'assumer la responsabilité qu'ont les individus de gagner leur vie. Cependant, les autorités publiques ont comme devoir, par le biais des systèmes et des programmes de sécurité sociale et des mesures actives visant le marché du travail, de permettre aux individus de vivre libérés de la crainte de la pauvreté et du dénuement. 

(iii) La cohérence entre les politiques. La restauration du plein emploi doit être la priorité absolue aussi bien pour assurer le progrès social que pour favoriser l'efficacité et la stabilité de l'Etat providence. 

(iv) La politique sociale doit être adaptée aux besoins spécifiques des gens. Les systèmes de sécurité sociale doivent s'adapter à l'évolution des formes de travail et des modes de vie, en particulier au développement du travail à temps partiel et à l'alternance, de plus en plus fréquente, de périodes d'activité rémunérée et de périodes consacrées à la formation continue ou aux responsabilités familiales. 

(v) Promotion de l'égalité des chances, participation et responsabilité. Les périodes de bouleversements économiques et sociaux font appel à la responsabilité sociale et à la participation démocratique. Les droits et les responsabilités de tous les citoyens doivent se compléter. 

 

 

L'OCDE peut jouer un rôle essentiel 

12. Le besoin d'indicateurs. Dans le cadre du débat sur la politique sociale, l'OCDE doit mettre à l'ordre du jour les questions de justice sociale, d'efficience et d'efficacité et examiner les incidences réciproques de la politique sociale et du développement économique. Pour ce faire, il lui faut préparer des indicateurs sociaux comparables et diffuser les résultats des expériences réalisées. En conséquence, le TUAC soutient donc fermement la proposition de renforcement de la surveillance et de l'évaluation, par l'OCDE, des mesures de politique sociale, et d'élaboration de méthodes plus efficaces de comparaisons internationales. 

13. Les limites des marchés. Depuis le milieu des années 80, l'OCDE en tant qu'institution et un grand nombre de gouvernements de l'OCDE ont encouragé la libéralisation par le jeu des mécanismes du marché et la déréglementation dans pratiquement tous les domaines d'action. A l'heure actuelle, on ne croit plus naïvement aux effets du marché pour tous les secteurs. Les syndicats sont conscients du fait que la responsabilité sociale de l'Etat ne se traduit pas nécessairement par des prestations publiques. Les syndicats approuvent également les propositions en faveur d'un Etat habilitant. Mais ils sont résolument opposés aux stratégies de politique sociale guidées par une réflexion idéologique ou égoïste selon laquelle "c'est mieux dans le privé". Malgré la nécessité de modifier le rôle de l'Etat en matière de politique sociale, les marchés ne peuvent pas, à eux seuls, et ne devraient pas, jouer le rôle principal en matière de fixation des programmes d'action relatifs à la prestation des services sociaux. Ni les prestations de soins de santé, ni les mesures de prévoyance pour les besoins des personnes âgées ne peuvent être laissées sur le marché avec ses règles et ses valeurs. En effet, les résultats du marché sont fortement influencés par les inégalités actuelles du pouvoir économique et politique. De plus, l'exemple des dépenses de santé aux Etats-Unis illustre très clairement que les prestations privées n'entraînent pas obligatoirement une amélioration de l'efficacité et des coûts moins élevés que dans les systèmes de santé publics.  

 

La nécessité d'une stratégie intégrée pour restaurer le plein emploi 

14. Les bas salaires ne sont pas une solution. Il est fondamental de coordonner l'action des pouvoirs publics au niveau national et international et cette action doit avoir comme objectif de restaurer le plein emploi sur la base d'emplois de qualité produisant des revenus décents. Le TUAC a accueilli avec satisfaction les conclusions de la réunion des ministres du Travail de l'OCDE, en 1997, qui précisaient que l'on ne peut plus considérer les bas salaires comme étant la solution au problème du chômage mais qu'ils faisaient partie du même problème. Pour lutter contre les bas salaires, il faut que les pouvoirs publics prennent un ensemble de mesures comprenant : des salaires minimums afin de fixer un marché "plancher" ; des prestations liées à l'exercice d'un emploi et des systèmes d'impôt sur le revenu évitant le piège de la pauvreté et le piège du chômage. Comme l'ont montré les travaux de l'OCDE, la conciliation d'objectifs parfois contradictoires peut souvent avoir des incidences sur les dépenses publiques. 

15. Le lien entre allocations de chômage et emploi. Un grand nombre de systèmes de mesures actives du marché du travail se caractérisent depuis longtemps par le lien qui existe entre le droit aux allocations de chômage et l'acceptation d'offres d'emploi ou de formation. Pour que ce dispositif réussisse à réintégrer les chômeurs de longue durée sur le marché du travail et ne soit pas simplement un moyen de réduire les dépenses ou, pire encore, de pénaliser les victimes du chômage, il faut les efforts déterminés des gouvernements et des partenaires sociaux pour gérer de manière rigoureuse les marchés du travail et faire en sorte qu'ils offrent suffisamment de bonnes possibilités d'emplois et de formation. Par ailleurs, il faut offrir davantage de débouchés aux groupes à risque et ne pas les pousser encore plus vers la pauvreté. 

16. L'articulation des stratégies de mise à la retraite et des stratégies d'emploi. Les propositions de l'OCDE visant à neutraliser la tendance à l'abaissement de l'âge effectif de départ à la retraite semblent se fonder sur l'hypothèse qu'il existe de fortes motivations en faveur d'une retraite anticipée et que les décisions favorables à la retraite anticipée traduisent un désir croissant de loisirs. Elles considèrent que les décisions en faveur de la retraite anticipée sont principalement volontaires mais fortement influencées par la générosité des régimes de retraite. On oublie alors que les décisions individuelles de départ anticipé à la retraite s'accompagnent de la décision d'accepter une réduction des droits à pension. De plus, la tendance à la retraite anticipée reflète aussi un changement fondamental des stratégies d'emploi des entreprises (réduction des effectifs, accroissement des charges de travail, plus grande préférence pour la main-d'oeuvre jeune). Qui plus est, on ne décide absolument pas de prendre une retraite anticipée pour profiter de loisirs. Il s'agit plutôt d'une décision prise pour lutter contre le chômage. Face à la collectivité, il est beaucoup plus facile d'accepter d'être retraité et de recevoir une pension réduite que d'être au chômage et de toucher les allocations de chômage. Pour renverser cette tendance à un abaissement de l'âge effectif de départ à la retraite, la mesure la plus importante doit consister à supprimer les pressions en faveur de la retraite anticipée en mettant en oeuvre des politiques économiques davantage tournées vers l'emploi. Lorsqu'il y a peu de chômage, la tendance à la retraite anticipée est faible. 

17. Des marchés du travail favorables à la famille - mais non pas au détriment des familles. Les marchés du travail doivent devenir plus "favorables à la famille". La mise en place de bonnes structures d'accueil pour la garde des enfants ne peut plus être considérée comme une question d'ordre privé. Pour encourager l'égalité des chances et accroître l'emploi des femmes, les gouvernements et les employeurs doivent contribuer à réconcilier la vie de famille et la vie active. Des conventions collectives relatives à la réduction et à l'aménagement du temps de travail, aux contrats de travail à temps partiel et aux contrats à durée déterminée donnent clairement la priorité à cette question. Mais la mise en place de marchés du travail favorables à la famille ne peut pas incomber seulement aux syndicats. Les syndicats sont disposés à travailler avec les employeurs et les gouvernements afin de contribuer à la création d'une infrastructure suffisante ainsi qu'à la multiplication des options pour les salariés.   

Les mesures à prendre pour faire face au vieillissement des sociétés  

18. Retraite : choix individuel plutôt que contrainte économique. Les syndicats soutiennent la mise au point d'une formule souple assurant la transition progressive de la vie active à la retraite. La tendance à la retraite anticipée est souvent un moindre mal que le chômage et la restructuration des entreprises. Hormis la réduction du chômage, les syndicats sont prêts à jouer un rôle fondamental dans le cadre d'efforts concertés afin de tirer partie à nouveau de la grande expérience des travailleurs âgés et d'atténuer la discrimination dont ils sont l'objet. L'organisation du travail et la conception du lieu de travail doivent prendre en considération les besoins des travailleurs âgés. Pour ce faire, il faut non seulement que les possibilités de recyclage et "d'apprentissage à vie" soient mises également à la disposition des travailleurs âgés mais aussi que l'allongement de la vie active soit une décision volontaire des salariés. Il faut également y inclure le droit de refuser la retraite obligatoire. Les gouvernements membres de l'OCDE doivent en tenir compte dans les habitudes d'emploi de leur propre secteur public. 

19. Le rôle capital des régimes publics dans les systèmes de retraite à plusieurs piliers. Le travail que l'OCDE réalise sur le vieillissement des sociétés ne peut pas être considéré comme un projet en vue du remplacement des régimes publics de pension par des régimes privés ou des régimes de pension par capitalisation. Il ne s'agit pas là d'une solution à l'accroissement des coûts des systèmes de pension par suite du vieillissement des sociétés. Les pressions actuarielles seront simplement transférées de l'Etat aux marchés financiers avec les risques correspondants, comme nous l'avons vu lors de la crise financière asiatique. Certains pays de l'OCDE ont déjà entrepris des démarches d'une grande ampleur en vue de stabiliser les régimes nationaux de pensions de retraite. Ces efforts destinés à éviter d'augmenter les cotisations aux régimes de retraite et aux fonds de retraite regroupent, en fonction des contextes nationaux et des circonstances, un large éventail de mesures pratiques de réforme. Ces efforts consistent, entre autres, à élargir l'assiette des cotisations aux caisses de retraite et à passer à des systèmes à deux niveaux ou éléments (piliers multiples), voire plus et à renverser la tendance favorable à une diminution de la vie active et un allongement de la retraite. Le débat et les mesures pratiques indiquent qu'il n'existe par une seule solution qui soit la meilleure. En fait, dans bien des cas, les pays qui ont réduit les dépenses publiques ont en permanence des problèmes d'inégalité et de pauvreté des personnes âgées. La place de plus en plus importante des systèmes à piliers multiples et la grande diversité de mécanismes, nouveaux ou modifiés, révèlent que le déplacement rapide de paradigme - souvent préconisé - vers des régimes (obligatoires) de retraite par capitalisation au lieu de systèmes par répartition constitue un faux débat. Les systèmes publics sérieux sont plus efficaces pour assurer une large couverture et la transférabilité des droits à pension ; leurs coûts administratifs sont plus faibles et ils sont plus équitables.   

Soins de santé : il ne suffit pas d'endiguer les dépenses 

20. La santé est primordiale pour améliorer la qualité de la vie. Le développement des systèmes de soins de santé et les progrès des techniques médicales ont grandement contribué à l'augmentation de l'espérance de vie. Par suite du vieillissement des populations, il est capital de donner la priorité à l'amélioration de la qualité de la vie pendant les années de vieillesse et d'étendre un accès équitable à des soins de santé de bonne qualité. 

21. Six principes de réforme. La réforme doit s'appuyer sur les six principes suivants : 

(i) L'équité doit être au centre des systèmes de soins de santé :    - les revenus des gens doivent être protégés contre les obligations importantes et imprévisibles en matière de dépenses de soins de santé ; 
 - ceux qui ne disposent que de très maigres revenus sont en moins bonne santé que le reste de la société bien que les causes premières en soient le chômage, la médiocrité du logement, de la nourriture et des conditions de travail ; il faut répartir les soins de santé de manière à réduire les inégalités de santé. 
(ii) Les systèmes de santé doivent être incorporés aux politiques de santé :   - les gens veulent avoir des conditions de vie et de travail saines et non pas des soins de santé "correctifs" ; 

 - les causes premières de mauvaise santé doivent être abordées par le biais de politiques sociales de plus grande envergure et d'un glissement vers la médecine préventive ; 

 - l'hygiène et la sécurité du travail dans l'entreprise permettent de mettre l'accent sur l'amélioration de la santé mais les politiques doivent aller au-delà et aborder toute la question de l'organisation du travail. 

(iii) L'efficacité des systèmes de santé est plus importante que les critères étroits d'efficience du "marché" :   - les réformes du marché ont souvent déplacé les coûts vers d'autres parties du secteur public ou les ont renvoyés vers les particuliers mais ne les ont pas réduits ; 

 - l'éthique "sociale" ou du "service public" en matière de prestation de services de santé est en train de se perdre ; 

 - dans bien des cas, les expériences avec la concurrence ne font qu'augmenter les coûts administratifs et créer de la confusion pour les patients et les prestataires de services ; 

 - la coopération et le partage de l'information sont menacés par la concurrence et la mentalité commerciale ; 

 - les réformes de santé devraient se concentrer sur l'amélioration des performances de gestion et la prestation des services de santé. 

(iv) Les travailleurs employés dans les professions de santé doivent être au centre des consultations relatives aux réformes de santé :   - les réductions de personnel et l'accroissement de la pression professionnelle provoquent bien souvent une baisse importante du moral dans les professions des services de santé et des services auxiliaires ; 

 - dans certains cas, la "sous-traitance" des services obligent les travailleurs à proposer à nouveau leurs services à des niveaux inférieurs de rémunération et d'avantages ce qui agit également sur la qualité. 

(v) Faire en sorte que l'offre réponde à la demande :   - les demandes de soins de santé des particuliers sont réelles : on a pu constater qu'une augmentation des redevances payées par les usagers est en général extrêmement régressive et d'une efficacité limitée ; 

 - tous les efforts doivent être destinés à réduire la demande induite par les fournisseurs ; 

 - l'industrie pharmaceutique est un exemple fondamental de secteur pour lequel il faut cibler les efforts. 

(vi) La responsabilité finale du financement des soins de santé et de l'efficacité de leur prestation doit continuer d'incomber au secteur public.  

 

Conclusion 

22. Les syndicats soutiennent la modernisation de l'Etat providence afin de sauvegarder son avenir. Le mouvement syndical reconnaît la nécessité de jouer un rôle anticipatif dans les efforts déployés pour moderniser l'Etat providence par le biais d'une amélioration de son efficience et de sa rentabilité. Il faut que les préoccupations sociales et de protection sociale soient plus effectivement intégrées à des politiques de plus grande envergure en matière économique et budgétaire, de marché du travail et de l'éducation, et de la famille. La politique sociale ne se borne plus à des questions de programmes de dépenses. Pour résoudre complètement les problèmes de vieillissement des sociétés en offrant une solution présentant des perspectives intéressantes, il faut s'appuyer sur la pleine participation des partenaires sociaux.   

 

 Les principaux points d'un nouveau consensus pour l'action 

- La politique sociale doit aller au-delà des programmes de dépenses et les politiques économiques doivent comporter des objectifs sociaux (§ 4). 

- La politique sociale ne se traduit pas seulement par des coûts mais aussi par des bienfaits économiques, politiques et sociaux. Par conséquent, les gouvernements doivent s'engager à accorder le financement nécessaire à la politique sociale comme s'il s'agissait d'un investissement dans la stabilité politique et d'une condition de l'efficience économique (§ 7-10). 

- Un large débat public afin de mettre au point, d'un commun accord, les principes visant à renouveler et réformer de manière équitable et durable les systèmes de sécurité sociale. 

- L'OCDE doit participer activement à la préparation d'indicateurs sociaux comparables et à la diffusion des expériences qui ont été réalisées (§ 6). 

- Il est essentiel de remporter la lutte contre le chômage pour restaurer la cohésion sociale et permettre une mise en oeuvre efficace des politiques sociales (§ 14-17). 

- L'obsession des coûts des régimes publics de pensions n'est pas un bon point de départ pour faire face aux problèmes posés par le vieillissement de la société. Il faut adopter une approche équilibrée pour créer des systèmes de retraite à plusieurs piliers dont un élément fondamental doit être les prestations publiques et il faut prendre des mesures afin d'intégrer les travailleurs âgés et de favoriser leur emploi (§ 18-19). 

- Il faut entreprendre une réforme équitable des systèmes de soins de santé et procéder à leur renforcement (§ 20-21).  

 

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