COMMUNIQUE DE LA REUNION DU COMITE DE L'EMPLOI,
DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES DE L'OCDE,
AU NIVEAU MINISTERIEL
Paris, 14-15 octobre 1997
EVALUATION DU TUAC
Introduction et résumé
1. La réunion des ministres du Travail et des Affaires sociales
de l'OCDE était la première d'une série de réunions
à haut niveau sur l'emploi qui auront lieu dans les prochains mois
et comprennent notamment le Sommet européen de Luxembourg, la Conférence
du G8 sur l'Emploi, à Kobé, en novembre 1997 et une autre
Conférence du G7/G8 sur l'Emploi qui se tiendra à Londres
en février 1998 sous la présidence du gouvernement du Royaume-Uni.
Il se peut que les résultats de la présente réunion
des ministres du Travail de l'OCDE contribuent à donner le ton du
débat lors des prochaines réunions.
2. La réunion était présidée par M. Ad Melkert,
ministre des Affaires sociales et de l'Emploi des Pays-Bas. L'ordre du
jour couvrait les points suivants : les politiques en faveur des bas salaires
et des demandeurs d'emploi peu qualifiés ; le renforcement de l'efficacité
des politiques actives du marché du travail : rationaliser le Service
public de l'emploi ; et l'apprentissage à vie pour rester employable.
Un débat informel a eu lieu également à propos des
conséquences que les changements dans l'organisation des entreprises
peuvent avoir sur l'action des pouvoirs publics. La question de la mondialisation
a aussi été mentionnée.
3. Le communiqué de la conférence de presse finale ainsi
que le ton des discours prononcés lors de cette réunion des
ministres du Travail qui était la première depuis cinq ans,
représentent une évolution en matière d'application
de l'Etude de l'OCDE sur l'emploi. Aujourd'hui, l'emploi à bas salaire
qui est "un problème économique et social en soi"
et la persistance du chômage "menacent de distendre le tissu
social". Le communiqué fait état de la diversité
des dispositions actuellement mises en oeuvre pour aider les travailleurs
à bas salaires et les demandeurs d'emploi peu qualifiés,
qui prennent le pas sur la priorité accordée dans le précédent
programme à la déréglementation du marché du
travail. Pendant la conférence de presse finale, M. Melkert
est allé plus loin en faisant remarquer "l'extraordinaire convergence
de vues des ministres" sur la nécessité de prendre des
mesures pour "encourager les travailleurs à accepter le changement
sans crainte" et sur le rôle positif que jouent les salaires
minimums pour garantir un salaire décent aux travailleurs et à
leurs familles et a constaté en outre qu'un consensus de ce type
n'aurait pas été possible il y a cinq ans. Par ailleurs,
M. Donald Johnston a profité de cette réunion au niveau ministériel
pour annoncer un important projet de l'OCDE en matière de chômage
des jeunes qui pourrait aboutir à la tenue d'une réunion
au sommet vers la fin 1998.
4. En ce qui concerne l'avenir des Services publics de l'emploi il est
apparu que la réponse à apporter passe plutôt par une
réforme que par une révolution. La tentative de l'Australie
de faire approuver par les ministres son système visant à
assurer la contestabilité du marché de tous les services
de réemploi s'est soldée par un échec. En matière
d'apprentissage à vie, le rôle des syndicats a été
reconnu par les ministres qui ont "vu la nécessité d'engager
une action concertée en coopération avec leurs collègues
... et les partenaires sociaux" afin de préparer et mettre
en oeuvre des mesures dans ce secteur essentiel. Il a été
annoncé lors de la conférence de presse finale que l'OCDE
organiserait des consultations avec le TUAC et le BIAC à ce sujet.
5. Il est décevant de constater que les ministres n'ont pas examiné
la proposition contenue dans la déclaration du TUAC aux ministres
et qui avait été appuyée pendant les consultations,
de lancer une initiative en faveur d'une croissance durable afin d'étayer
les changements du marché du travail. En ce qui concerne la mondialisation,
le message est resté flou. D'une part, les ministres ont simplement
"réaffirmé leur détermination à respecter
les normes du travail reconnues à l'échelon international
et attendent avec intérêt les résultats des travaux
que mène actuellement l'Organisation internationale du travail sur
ce sujet" sans annoncer de nouvelles initiatives. D'autre part, "les
ministres ont invité les représentants des travailleurs et
des employeurs à participer activement à la recherche de
solutions économiquement viables et socialement acceptables aux
défis de la mondialisation". La détermination des gouvernements
de l'OCDE à respecter les normes fondamentales du travail sera rapidement
mise à l'épreuve lorsqu'ils prendront la décision
d'accepter ou de rejeter la clause contraignante garantissant les normes
du travail dans l'Accord multilatéral sur l'Investissement qui est
en cours de négociation.
6. Les messages contenus dans le communiqué doivent influer sur
tous les travaux de l'OCDE et en particulier sur la prochaine étape
de mise en oeuvre de la Stratégie de l'OCDE pour l'emploi. Il faut
maintenant porter toute l'attention sur les éléments positifs
contenus dans la première Etude de l'OCDE sur l'emploi, et
notamment au cours du processus d'examen des pays. Le président
de la réunion a préconisé d'adapter les recommandations
de la Stratégie pour l'emploi "car les meilleures mesures prises
restent insuffisamment connues et de ce fait, il est encore possible de
recourir à d'autres moyens d'action". Le TUAC veillera à
ce que les syndicats puissent s'exprimer dans le cadre du travail de suivi
de la réunion ministérielle surtout en matière du
chômage des jeunes et de l'apprentissage à vie.
Politiques en faveur des bas salaires et des demandeurs d'emploi
peu qualifiés (§§ 811)
7. Dans le passé, le TUAC a critiqué le suivi donné
à l'Etude de l'OCDE sur l'emploi parce qu'elle prétendait
que les chômeurs devaient accepter de réintégrer la
vie professionnelle à un salaire moins élevé que précédemment,
compatible avec le marché, et qu'elle proposait à tous les
pays un modèle "unique". Il faut abandonner ce point de
vue négatif. Le communiqué précise que le chômage
et les bas salaires menacent de distendre le tissu social, que le fait
"d'offrir des emplois à bas salaire ne constituerait toutefois
qu'une réponse partielle et temporaire" et que les travailleurs
"sont pris au piège des bas salaires ou bien alternent emploi
mal payé et non-emploi". Le Secrétaire général
de l'OCDE a déclaré à la réunion : "Les
pouvoirs publics doivent de toute urgence élaborer et mettre en
oeuvre des politiques efficaces d'ajustement qui emportent l'adhésion
de tous." Le président de la réunion a mis en garde
les participants contre les efforts pour dérèglementer "les
relations professionnelles en utilisant des moyens qui ne permettraient
pas de concilier les impératifs en matière de qualifications,
de productivité et de motivation de la main d'oeuvre, d'une manière
impartiale". Les pouvoirs publics "ne devraient pas être
idéologiques sur la question de la réglementation du marché
du travail. Il peut être parfois plus stratégique d'opter
pour une réglementation correcte et non pas pour la déréglementation
afin d'établir un rapprochement entre flexibilité et sécurité."
8. Au lieu d'une stratégie "unique" les ministres se
sont accordés à dire "que seule une vaste stratégie
prévoyant des politiques tant macro que micro-économiques
et adaptée aux conditions particulières qui prévalent
dans chaque pays" améliorerait sensiblement le comportement
des marchés du travail. C'est dans cet esprit qu'a été
approuvée une double action en faveur des travailleurs peu qualifiés
afin qu'une fois en poste, on puisse leur donner des motifs et des chances
de faire carrière. Pour ce faire, il est indispensable de mettre
en place un système d'incitations qui encourage les employeurs à
recruter et former des travailleurs peu qualifiés et aide les travailleurs
à accepter des emplois et à investir dans leur carrière.
Le communiqué précise par ailleurs "qu'il incombe tout
particulièrement aux partenaires sociaux d'instaurer une structure
salariale qui favorise la mobilité vers le haut des travailleurs
faiblement rémunérés". A plus long terme, les
stratégies d'apprentissage à vie devraient aider les travailleurs
peu qualifiés.
9. Les ministres ont examiné un certain nombre d'approches différentes
adoptées par les pays membres en vue d'atteindre ces objectifs et
notamment le versement de subventions aux employeurs pour embaucher et
former des travailleurs à bas salaire, le recours à des programmes
de création d'emplois dans le secteur public et de formation et
l'instauration de salaires-planchers assortis d'allégements ou d'exonérations
des charges sociales pour les bas salaires. En ce qui concerne les salaires
minimums, le président de la réunion a déclaré
à la conférence de presse finale qu'ils étaient indispensables
pour augmenter le revenu net des travailleurs afin d'arrêter l'accroissement
du nombre de travailleurs pauvres et que les décideurs n'étaient
plus effrayés par les accusations selon lesquelles ils contribueraient
ainsi à détruire les emplois. Les ministres ont reconnu qu'il
y avait encore insuffisamment d'éléments concrets pour déterminer
quelle serait la panoplie de mesures qui permettrait d'atteindre les objectifs
d'ensemble et ils ont recommandé à l'OCDE d'approfondir les
travaux dans ce domaine.
Politiques actives du marché du travail (§§12-16)
10. Le deuxième thème abordé par les ministres
doit être considéré dans le contexte de la compression
des dépenses publiques qui a frappé les mesures actives prises
dans le cadre des politiques du marché du travail de nombreux pays
de l'OCDE. L'examen de ce thème en lui-même atteste par conséquent
que les ministres se sont efforcés de restimuler et redonner de
l'élan à leur action en faveur d'un moyen d'intervention
utilisé de longue date et qui avait perdu le soutien des ministres
des Finances depuis la dernière réunion des ministres du
Travail de l'OCDE, en janvier 1992. Bien que l'on ne puisse pas s'attendre
à une augmentation sensible des budgets des programmes du marché
du travail dans un proche avenir, les ministres du Travail ont manifestement
mis l'accent sur le renforcement de l'efficacité des politiques
actives.
11. L'amélioration des programmes d'aide à la recherche
d'emploi des Services publics de l'Emploi (SPE) est considérée
comme une mesure essentielle destinée à empêcher les
chômeurs de tomber dans le piège du chômage de longue
durée et de l'exclusion sociale. Le communiqué recommande
de renforcer l'intégration de la mise en oeuvre pratique des politiques
du marché du travail actives et passives (garantie des ressources)
dans les pays où ces organismes relèvent d'institutions différentes.
Les ministres ont souligné l'importance d'une intervention rapide
en matière d'aide à la recherche d'un emploi.
12. Les Services de placement du secteur privé n'ont pas été
considérés comme un substitut éventuel des Services
publics de l'emploi. Au mieux, ils contribuent à exposer certaines
activités du SPE à la concurrence. Les ministres ont estimé
au contraire que la bonne qualité des prestations des services de
placement et autres services connexes représente un élément
essentiel de l'infrastructure d'un pays. Dans la partie du communiqué
qui se réfère aux mesures à prendre, les ministres
recommandent donc à l'OCDE de poursuivre le travail actuel d'examen
des Services publics de l'emploi des pays membres, dans la perspective
de tenir ultérieurement une conférence afin de dégager
des conclusions plus approfondies quant à la ligne d'action à
adopter.
Apprendre à tout âge pour rester employable (§§17-20)
13. Au cours des consultations avec le TUAC, les syndicats ont insisté
auprès des ministres sur le fait que bien que l'Apprentissage à
vie reçoive le soutien de tous, dans bien des cas, il n'est qu'un
"emballage vide" lorsqu'il ne s'accompagne pas de mesures concrètes.
Les ministres ont commencé à donner un véritable contenu
à cette conception en recourant à la formule du partenariat
qui avait été désignée par la réunion
des ministres de l'Education, en janvier 1996, comme la solution pour avancer.
Les ministres ont fait appel à une "action concertée"
en coopération avec leurs collègues des ministères
de l'Education et des Finances, d'autres autorités publiques et,
chose importante, avec les partenaires sociaux.
14. Pour établir un lien entre les initiatives d'apprentissage
à vie dans les écoles, les vastes programmes du marché
du travail et la formation en entreprise, les ministres ont recommandé
de renforcer la collaboration entre le Comité de l'Emploi, du Travail
et des Affaires sociales de l'OCDE et le Comité de l'Education sur
les sujets d'intérêt commun dans le domaine de la formation
continue. Il a également été recommandé que
les ministres des deux ministères concernés se rencontrent
pour examiner ensemble ces questions. Dans sa déclaration aux ministres,
le TUAC appelait de ses voeux cette initiative fort appréciée.
15. Parmi les secteurs où il a été fait appel à
une action concertée avec les partenaires sociaux et d'autres autorités
en matière de formation continue, nous pouvons citer : les questions
d'investissements et de ressources ; l'amélioration des mécanismes
permettant de repérer rapidement les personnes qui ont besoin d'avoir
accès à la formation continue et notamment la définition
de différents critères pour identifier celles qui risquent
davantage de tomber dans le piège du chômage de longue durée
et de l'exclusion sociale ; l'instauration de mécanismes ou l'adaptation
de ceux qui existent tels que les programmes d'action personnalisée
pour faciliter la mobilité entre les formations liées à
des interventions dans le domaine de l'emploi et des formations liées
à des services sans rapport avec l'emploi, comme la formation des
adultes ; la définition de critères plus larges d'évaluation
et de validation des compétences ; et l'établissement de
circuits d'information pour permettre aux individus de juger de la qualité,
du coût et de l'efficacité des différentes formations
offertes.
La mondialisation
16. Il est important de noter que le communiqué contient un paragraphe
sur les effets de la mondialisation sur l'emploi car ce thème n'était
pas inscrit à l'ordre du jour officiel des ministres. Les ministres
ont reconnu la nécessité "d'importants ajustements de
la structure de la production et de l'emploi" et ils ont mis en garde
contre "un risque réel de rejet de la mondialisation par l'opinion
publique" dans la "situation actuelle de persistance d'un chômage
élevé ... et de l'accroissement des inégalités
de salaires et de revenus". La stratégie qu'ils ont adoptée
sur le papier est conforme aux opinions du TUAC selon lesquelles il faut
"aider les travailleurs à accéder à des emplois
hautement productifs et bien rémunérés" pour
répondre à la mondialisation afin que "les travailleurs
du monde entier puissent bénéficier des chances qu'elle offre".
17. "Les ministres ont réaffirmé leur détermination
à respecter les normes du travail reconnues à l'échelon
international" et dans ce contexte, ont largement manifesté
leur soutien aux travaux en cours à l'OIT. Mais aucune nouvelle
initiative n'a été prise. Des revendications de grande portée
de la part de l'Administration des Etats-Unis et de quelques autres gouvernements
en vue de prolonger le mandat de l'OCDE pour travailler sur les normes
des échanges, de l'investissement et du travail, donné par
les ministres des Finances à la réunion du Conseil au niveau
ministériel, en mai 1997, n'ont pas reçu un soutien suffisant.
Les gouvernements doivent maintenant mettre en oeuvre dans la pratique
leurs engagements, au cours des négociations de l'OCDE relatives
à l'Accord multilatéral sur l'Investissement (AMI), du débat
qui se déroule au sein de l'OMC et également de l'Organisation
internationale du Travail. Les ministres du Travail ont invité les
partenaires sociaux à participer "à la recherche de
solutions économiquement viables et socialement acceptables aux
défis de la mondialisation".