English text
DECLARATION SYNDICALE
A L'INTENTION DE LA CONFERENCE DU "G7"
SUR L'EMPLOI
Lille - Avril 1996
Contexte
- Plusieurs pays du Groupe des Sept enregistrent à nouveau une
hausse des taux de chômage, après quelques légères
baisses observées à la suite des niveaux records qui ont
accompagné la récession du début des annnées
90. Les deux fléaux que sont le chômage et la pauvreté
des travailleurs dégradent les individus, les sociétés
et les économies. Il faut que les principaux pays industrialisés
mettent en Ïuvre une stratégie visant à créer
davantage d'emplois et de meilleure qualité, qu'ils assurent aux
travailleurs la possibilité d'acquérir les compétences
nécessaires, et qu'ils protègent les catégories de
la population les plus défavorisées et les plus vulnérables
dans la société. Le haut niveau des taux d'intérêt
réels, la réduction des dépenses publiques, et la
déréglementation du marché du travail ont eu un effet
inverse. L'affaiblissement des stabilisateurs économiques, l'insécurité
croissante, et la crainte du chômage risquent maintenant de déclencher
une nouvelle récession.
- Il ne s'agit pas de considérations opportunes pour exploiter
les avantages potentiels du changement technologique et de l'émergence
de "la société mondiale de l'information". Les
vrais obstacles à l'exploitation des nouvelles technologies et à
l'innovation sont : le durcissement des politiques économiques,
les tendances déflationnistes que les marchés financiers
internationaux ont introduites dans l'économie mondiale, l'absence
d'investissement dans les compétences et les capacités des
travailleurs, l'insuffisance de la concertation entre patronat et travailleurs
au niveau de l'entreprise, le confinement des techniques de pointe dans
une minorité d'entreprises, et le manque de volonté de réduire
et réaménager le temps de travail.
"Alliance des pays du G7, pour l'emploi"
- La Conférence sur l'emploi, à Lille, doit exprimer clairement
l'engagement du G7 de soutenir, par des actions concrètes, une stratégie
en faveur de l'emploi et de la croissance économique. Autre message
à adresser : les économies dominantes vont rivaliser sur
les marchés mondiaux sur la base d'emplois bien rémunérés
et de haute productivité. Les hommes et les femmes qui travaillent
ont besoin - au moins autant que les marchés financiers -
de la crédibilité des politiques gouvernementales. Dans plusieurs
pays européens, les syndicats ont pris l'initiative de proposer
et de négocier des pactes pour l'emploi. Les employeurs, les gouvernements
et les banques centrales doivent maintenant accepter leurs responsabilités
en concertation avec les travailleurs. Il faut que les gouvernements du
G7 s'engagent dans "une alliance pour l'emploi", reposant sur
quatre piliers :
| la mise en Ïuvre d'un programme économique coordonné
pour écarter le retour de la récession, comprenant :
une très forte réduction des taux d'intérêt,
une vaste série de réformes des marchés financiers,
et un reciblage des dépenses structurelles (§ 4 à
8) ; |
| une action d'envergure, qui créera des emplois de haute qualité
en encourageant l'adaptation et l'innovation au niveau de l'entreprise;
cette initiative fera jouer la participation des travailleurs, l'investissement
dans les compétences, la diffusion d'une bonne pratique, et de nouvelles
dispositions pour réduire et réaménager le temps de
travail (§ 9 à 22) ; |
| la sauvegarde de niveaux de revenus convenables, et des système
de protection sociale, tout en intensifiant les efforts pour insérer
les groupes vulnérables dans le marché du travail (jeunes
et chômeurs de longue date) (§ 23 à 25) ; |
| et le lancement d'un "nouveau contrat" (New Deal) en faveur
des pays en développement, pour une croissance durable, soutenue
par des clauses sociales dans les accords sur le commerce et l'investissement,
afin de créer une relation obligatoire entre développement
économique et progrès social (§ 26 à 29). |
Les pays industrialisés sont beaucoup plus riches qu'ils ne l'étaient
dans les années 30, au moment de la grande crise économique,
et des ressources peuvent et doivent être mobilisées pour
financer ces priorités.
Un programme économique coordonné
- La plupart des économies industrialisées sont confrontées
à un sévère ralentissement de leur performance, et
à la menace d'une nouvelle récession, la croissance économique
et l'expansion de l'emploi étant jugulées par les hauts niveaux
des taux d'intérêt réels, des coupes budgétaires,
et une insécurité croissante. Les perspectives du chômage
demeurent absolument inacceptables. L'objectif de l'Union Européenne,
qui était de réduire de moitié le nombre des sans-emplois
d'ici la fin de la décennie, se trouve sérieusement compromis
avec la nouvelle hausse du chômage. L'insécurité d'emploi
que ressentent les travailleurs mine la confiance des consommateurs. L'inflation
connaît son plus bas niveau depuis des décennies, néanmoins
une "illusion d'inflation" colle aux marchés financiers
et à de nombreuses banques centrales, qui passent au crible toutes
les séries de données économiques pour détecter
le moindre signe d'inflation, et renforcer leur foi dans la vigilance des
politiques monétaires. Les taux d'intérêt réels,
encore trop élevés, jouent à l'encontre de l'investissement
productif, de l'innovation et de la création d'emplois. Les mesures
de consolidation budgétaire et réductions de dépenses
inopportunes renforceront le risque d'émergence d'une nouvelle récession.
En Europe, l'interprétation trop rigide des critères de convergence
du Traité de Maastricht, relatifs aux déficits publics, risque
de détruire les progrès réalisés dans la voie
de l'union économique et monétaire.
- Pour sortir de ce dilemme, les gouvernements et les banques centrales
des pays du G7 doivent mettre en Ïuvre un programme audacieux de réductions
coordonnées des taux d'intérêt à court terme,
dans le cadre de leur contribution à une "alliance pour l'emploi".
En d'autres termes, il faut un retour aux taux d'intérêt réels
qui prévalaient dans la période d'après-guerre, et
qui peut s'effectuer sans réactiver l'inflation étant donné
les marges de ressources inutilisées dont disposent la majorité
des économies du G7. Cette action concertée et coordonnée
devra entraîner les marchés financiers dans son sillage, avec
une réduction des taux d'intérêt à long terme.
Il incombe aux gouvernements du G7 de mettre en place un processus de coordination
des politiques avec les banques centrales, et sous forme bilatérale,
en vue de réduire le chômage dans des proportions notables.
Il faut commencer à élaborer toute une série de dispositions
réglementant les opérations financières sur le marché
mondial, et instituant notamment une redevance sur les transactions internationales.
Le message ainsi adressé aux marchés financiers indiquera
clairement que les gouvernements ne permettront pas aux taux de change,
et autres facteurs financiers d'instabilité, d'entraver l'impact
positif des mesures économiques sur la croissance.
- Il est important que les gouvernements, en coopération avec
le secteur privé, souscrivent à des programmes d'infrastructure
offrant la base nécessaire à l'amélioration de l'environnement,
et lancent des mesures pour stimuler la R. & D. et l'innovation.
En Europe, les programmes d'investissement dans l'infrastructure transfrontière
proposés dans le Livre Blanc doivent être mis en Ïuvre.
- Ce programme jouerait un rôle de catalyseur pour la croissance
économique et l'expansion de l'emploi. Les entreprises effectueraient
les investissements les plus nécessaires, programmeraient des projets
novateurs et des créations d'emplois, au lieu d'en supprimer et
de réduire leur propre dimension. D'autre part, les travailleurs
donneraient l'impulsion attendue à l'activité économique
en augmentant leurs dépenses de consommation.
- Les déficits publics peuvent être atténués
dans le moyen terme en réduisant l'écart entre taux de croissance
et taux d'intérêt; l'intérêt de la dette publique
s'en trouverait diminué. Les pays de l'Union Européenne pourraient
ainsi se préparer pour l'UEM sans menace déflationniste pour
leur économie, tout en permettant aux plus puissantes de réduire
leurs déficits budgétaires structurels en période
de prospérité. De nouvelles sources d'imposition peuvent
aussi être exploitées, notamment les transactions financières
internationales, et l'environnement.
Réaliser l'adaptabilité des marchés du travail
- Au cours de la dernière décennie, les institutions de
négociation salariale et de protection du salaire minimum dans la
plupart des pays du G7 ont été affaiblies, les inégalités
de salaires et de revenus accrues, la protection de l'emploi amoindrie,
l'éligibilité aux prestations de chômage durcie tandis
que leurs niveaux baissaient. Les employeurs déclarent maintenant
que : "... la flexibilité des marchés du travail
est devenue la règle et non l'exception dans la quasi-totalité
des pays membres de l'OCDE ..."(1) . Mais ce changement
n'a pas pour autant réduit le chômage. Au contraire, face
aux incertitudes économiques, de nombreuses entreprises ont profité
de leurs nouvelles libertés pour réduire leurs opérations
et diminuer leurs investissements en capital physique et humain. On est
arrivé à une situation où une pression chronique du
travail et des horaires sur les travailleurs coexiste avec un chômage
considérable. L'insécurité que ressentent les travailleurs
et les consommateurs ne contribue pas seulement à entretenir un
malaise social, elle aggrave également la crise économique.
- La Conférence de Lille doit ouvrir la voie à une approche
nouvelle permettant de gérer le changement et de stimuler l'innovation
au niveau de l'entreprise. Il appartient aux pays du G7 d'utiliser les
nouvelles technologies et l'innovation pour rivaliser sur la base de produits
de haute qualité, et d'emplois à forte productivité
demandant des connaissances de haut niveau. Le mouvement syndical a proposé
un programme d'adaptabilité positive, propre à faire progresser
les économies et à maintenir la cohésion sociale.
Il comprend les éléments suivants :
L'apprentissage à vie pour tous les travailleurs
- Les Ministres de l'Education des pays de l'OCDE, réunis en janvier
1996, ont appelé à un "partenariat social", impliquant
la participation des syndicats, des employeurs, des parents et des enseignants,
pour faire de l'apprentissage à vie une réalité. Il
faut maintenant passer aux actes, et notamment envisager :
| un accroissement de l'investissement public dans l'enseignement de
base, ciblé sur l'amélioration de la qualité du système,
visant en particulier les abandons potentiels de scolarité et les
défavorisés ; |
| la concertation pour les changements continuels et l'amélioration
des pratiques éducatives ; |
| l'élargissement de l'accès à l'enseignement post-scolaire
et supérieur ; |
| l'implication des partenaires sociaux dans l'élaboration, le
suivi, l'évaluation et la promotion des systèmes relatifs
à la certification des qualifications et des compétences,
garantissant aux individus leur vie durant le caractère transférable
de leurs acquis ; |
| la création de banques de formation à l'intention des
petites et moyennes entreprises impliquant la participation des partenaires
sociaux. |
La concertation pour gérer le changement sur le lieu de travail
- Pour maintenir leur compétitivité dans un monde profondément
instable, les entreprises doivent devenir "des lieux de haute performance"
par le biais de l'innovation technologique et de nouveaux types d'organisation
du travail, basés sur des compéptences plus élevées
et plus diversifiées, des relations professionnelles fiables et
moins hiérarchisées. L'active implication des travailleurs
et des syndicats assure des gains de productivité et d'emplois.
- Seule une minorité d'entreprises a suivi cette voie; beaucoup
d'autres demeurent obsédées par l'idée de la flexibilité,
et finissent par réduire leur taille, procéder à des
dégraissages, et recourir à la sous-traitance. L'exploitation,
la peur, l'insécurité, règnent sur le lieu de travail;
la formation est négligée, et les travailleurs manifestent
plus d'opposition que d'enthousiasme face au changement. Les travaux de
l'OCDE ont démontré que des lacunes au niveau des dirigeants
constituent un obstacle majeur aux emplois hautement performants.
- Il est essentiel que les gouvernements fixent un objectif pour que
toutes les entreprises puissent devenir "des lieux de travail de haute
performance" au tournant de l'an 2000. Cet objectif est ambitieux
mais nécessaire pour contribuer à réduire le chômage
et à allier compétitivité et bon emploi. Pour réaliser
cet objectif, il faut que les gouvernements encouragent la réorganisation
des entreprises, avec la participation des travailleurs, en utilisant une
double stratégie. D'une part, ils doivent abandonner la stratégie
qui conduit à une flexibilité et une insécurité
sans cesse grandissantes, faisant jouer des facteurs externes à
l'entreprise - et qui a échoué; en revanche il est indispensable
de créer un climat sécurisant au moyen d'un ensemble de dispositions
législatives garantissant le respect des droits des travailleurs.
D'autre part, au moyen d'une conjugaison de politiques d'innovation, de
mesures fiscales, et de systèmes alliant aides et prélèvements,
les gouvernements peuvent promouvoir une bonne pratique. Aux employeurs
incombe l'adoption de cette approche pour créer des emplois de qualité.
La réduction et l'aménagement du temps de travail,
l'extension de l'apprentissage
- Au cours des quinze dernières années, la durée
moyenne du travail par salarié a augmenté dans plusieurs
pays du G7; dans les autres, la baisse historique de cette durée
a ralenti. Ces tendances aggravent la situation de l'emploi. Les gains
de productivité des entreprises devraient être plus largement
ventilés en faveur de la réduction générale
du temps de travail et de la création d'emplois. Cet objectif est
réalisable par une prise de décision concertée sur
la réorganisation du travail et l'aménagement du temps de
travail. Dans le cadre de négociations élargies, les syndicats
ont conclu des accords sur des temps de travail flexibles, en échange
de réductions de la durée du travail.
- Les heures de travail supplémentaires systématiques doivent
être éliminées. Si les entreprises étaient obligées
d'engager de nouveaux travailleurs au lieu de recourir aux heures supplémentaires,
une proportion considérable de celles-ci pourrait se traduire par
de nouveaux emplois. En principe, les heures de travail supplémentaires
exceptionnelles devraient être récupérées ultérieurement
par un temps de repos compensatoire.
- L'économie "basée sur les connaissances" et
l'orientation vers une société de l'information demandent
aux travailleurs un temps d'apprentissage plus long pour s'adapter au changement
structurel et aux innovations en matière d'organisation. Il serait
donc utile que la réduction et l'aménagement du temps de
travail servent aussi à consacrer plus de temps à l'apprentissage
et à la formation par, et dans, les entreprises.
- Les travailleurs à temps partiel devraient bénéficier
des mêmes droits que les travailleurs à temps plein. Les formes
de travail atypiques, temps partiel, travail temporaire, mises sur un pied
d'égalité avec le travail à temps plein faciliteraient
un partage socialement acceptable du travail, et la possibilité
de choisir volontairement le travail à temps partiel. Une approche
modulée du départ en retraite serait également opportune
dans le cadre d'une stratégie de durée globale de la vie
professionnelle.
L'expansion de l'emploi dans le secteur des services sur la base
de salaires et de conditions de travail décents
- Le potentiel de création d'emplois est pratiquement illimité
dans les secteurs où les besoins sociaux sont insatisfaits. L'évolution
démographique entraîne une demande accrue de services de soins
pour les personnes âgées. Le développement de l'activité
professionnelle des femmes augmente les besoins en services de garde pour
les enfants d'âge pré-scolaire. L'éducation, les services
de santé et la protection de l'environnement sont autant de sources
nouvelles de création d'emplois. La plupart de ces services tombent
directement sous la tutelle du secteur public. A l'avenir, il incombera
à ce secteur de continuer à générer des emplois,
non seulement en tant qu'employeur, mais aussi comme régulateur
et promoteur de l'emploi dans le secteur privé. Il existe des domaines
où de nouveaux systèmes novateurs d'intervention des gouvernements
et d'assistance peuvent permettre au secteur public d'identifier des besoins
à satisfaire par une conjugaison de prestations publiques et privées.
Dans certains pays, des approches novatrices ont été adoptées
dans les secteur social et coopératif, ainsi que dans le cadre d'initiatives
locales d'emploi. Mais que les services soient de nature publique ou privée,
il appartiendra au secteur public de garantir le respect de normes déterminées.
Les qualifications et les capacités des travailleurs dans ces secteurs
sont souvent élevées, tout comme la productivité.
Des systèmes d'évaluation doivent par conséquent être
adaptés pour refléter le niveau réel des compétences
et l'accroissement de la productivité de ces emplois. Le faible
niveau salarial des professions "dites féminines" ne sera
plus accepté à l'avenir. La société doit prévoir
un prix équitable pour la prestation des services.
Le "double dividende" de l'amélioration de l'environnement
et de la stabilité de l'emploi
- Depuis longtemps, les syndicats font observer que le développement
durable ne peut qu'aller de pair avec des politiques d'emploi stable. Les
nations et les entreprises qui l'emportent sont celles qui ont renforcé
les liens entre mesures pour la protection de l'environnement et besoins
en matière d'emploi, et qui ont investi dans le contrôle de
la pollution, la technologie de l'environnement et la formation des compétences
pour l'environnement. Il reste encore beaucoup à faire pour stimuler
l'expansion de l'emploi respectueux de l'environnement. Un soutien gouvernemental
accru doit être apporté au développement des technologies
de l'environnement et à l'industrie des services, y compris aux
produits de consommation écologiques, aux sources d'énergie
renouvelables et aux biotechnologies de l'environnement.
- Un certain nombre de pays industrialisés ont lancé avec
succès des programmes d'assainissement et de remise en état
du milieu naturel, au niveau local et régional, en vue d'offrir
des possibilités d'emploi aux jeunes et aux chômeurs de longue
date. D'autres expériences existent, sous la forme de fonds structurels
et régionaux qui, assignés à l'amélioration
de l'environnement, créent en même temps des emplois.
- Il faudrait que les gouvernements des pays du G7 recherchent un "double
dividende" en substituant des redevances sur l'exploitation et la
consommation des ressources de l'environnement à l'imposition sur
le travail. Mais le système de l'écotaxe n'est pas la panacée
et un certain scepticisme demeure quant à l'opportunité d'un
transfert systématique des taxes. Les nouvelles redevances peuvent
avoir des retombées négatives sur l'emploi et les revenus,
une incidence sur la compétitivité nationale en l'absence
d'accords multilatéraux; et des incertitudes quant à savoir
si les ressources de l'environnement fourniront à long terme une
base de redevances stable. Outre ces réserves, il est admis que
les systèmes actuels de taxation et de réglementation donnent
parfois des signaux pervers sur les prix, ce qui entrave l'innovation et
décourage l'investissement à long terme dans l'environnement.
L'emphase excessive mise, dans les prises de décision financière,
sur les coûts de main-d'Ïuvre par rapport à l'utilisation
des ressources, constitue aussi un obstacle à une production durable.
Il importe donc que le G7 approfondisse l'efficacité des régimes
d'imposition qu'appliquent certains pays de l'OCDE, et explore plus en
détail les retombées sur l'emploi de la réforme de l'écotaxe.
Recréer la solidarité sociale
- "Nous ne pouvons pas édifier une économie efficiente
sur les ruines de la solidarité sociale"(2)
. Les systèmes de sécurité sociale ne constituent
ni un luxe ni une charge, mais une utilité économique. Ils
contribuent à la croissance de productivité du secteur privé
et peuvent donner un sentiment de sécurité en période
de rapide mutation. En tant que stabilisateurs économiques, ces
systèmes ont évité que le chômage massif ne
conduise à l'effondrement de la consommation, mais le poids croissant
du chômage a augmenté leurs coûts et ils sont maintenant
l'objet d'attaques de nature idéologique. Lorsque le système
de protection sociale est faible ou inexistant, les coûts sociaux
du chômage ou de la pauvreté au travail retombent sur la société
sous d'autres formes : aggravation de la santé publique, criminalité,
détention carcérale accrue.
- Dans certains pays du G7, les régimes fiscaux et les systèmes
de prestations sociales nécessitent des réformes, afin de
créer un tremplin pour l'emploi. Les taux d'imposition moyens et
marginaux auxquels sont assujettis les travailleurs à faible revenu
doivent être réduits. Mais la réforme ne doit pas démanteler
les systèmes de salaires minimaux, en remplaçant ceux-ci
par des avantages liés à l'emploi et conjugués à
des mesures qui obligent les chômeurs à prendre n'importe
quel poste, aussi peu rémunéré soit-il. Ce système
conduirait au cercle vicieux salaires médiocres/qualifications médiocres.
Il faut au contraire que le régime fiscal et les prestations sociales
soient déterminés en fonction d'un système de salaire
minimum afin de garantir un débouché sur l'emploi décent.
- Les régimes de sécurité sociale doivent faire
partie de stratégies plus larges pour réintégrer les
groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés
de la société. Il faudrait que chaque pays du G7, dans le
cadre de "l'alliance pour l'emploi", s'engage dans un programme,
une sorte de "Plan Marschall pour les jeunes", assurant leur
insertion dans des emplois décents, dans des projets de formation
ou tous autres projets gouvernementaux constructifs. Pour les chômeurs
de longue date, il est plus qu'urgent de leur trouver des emplois afin
qu'ils ne perdent pas contact avec le marché du travail. L'expérience
danoise, qui permet de destiner à un chômeur de longue date
l'emploi laissé vacant par un congé d'éducation/formation,
devrait être examinée et adoptée par les pays du G7.
La dimension sociale de la mondialisation
- Il appartient aux pays du G7 de décider la mise en Ïuvre
d'un programme de réformes (New Deal) en faveur de l'économie
mondiale. L'extension des programmes d'aide au développement, de
lutte contre la pauvreté et de réduction de la dette est
nécessaire pour assurer un développement durable des marchés,
qui ont besoin de progresser dans le monde entier. Les besoins sont infinis
- enseignement primaire et services de santé, développement
des infrastructures, diminution de la pauvreté. La mondialisation
croissante des économies exige également des mesures commerciales
et des politiques d'investissement, qui reconnaissent les liens fondamentaux
avec les droits des travailleurs, les normes de protection de l'environnement,
et la nécessité de mettre fin à la corruption. Les
pays membres de l'Organisation Mondiale du Commerce devraient s'engager
à respecter les droits fondamentaux des travailleurs. La Déclaration
publiée à l'issue du Sommet Social de Copenhague confirme
qu'il y a maintenant une identité de vues notable sur les droits
fondamentaux des travailleurs particulièrement pertinents, tels
qu'ils sont exprimés dans les Conventions de l'OIT : la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, le droit d'organisation et
de négociation collective, la protection contre le travail forcé
ou obligatoire et l'abolition du travail forcé, la protection des
enfants (âge minimum), l'égalité de rémunération
entre hommes et femmes, et la protection contre la discrimination en matière
d'emploi et de profession.
- Ces droits fondamentaux "devraient être reconnus et appliqués
par tous les pays indépendamment de leur niveau de développement
ou de leurs priorités sociales"(3). Les pays
en développement n'ont rien à craindre, au contraire, le
respect de ces droits peut favoriser un développement soutenu et
équilibré en assurant une plus large participation à
la vie économique et politique, d'où une diminution de la
polarisation, de l'exclusion et de la corruption. Par contre, il existe
de multiples exemples où la concurrence sans merci a très
vite supprimé les droits et miné les pays en développement
qui cherchaient à suivre la "grande voie" de l'expansion.
L'organisation de syndicats reste une tâche difficile et périlleuse
dans de nombreuses régions du monde. La mise en place et la pratique
accrue du "libre-échange", ainsi que le recours aux "zones
franches d'exportation", dans le cadre desquels la protection des
travailleurs est minimale ou même proscrite, compromettent encore
davantage les droits déjà limités des travailleurs.
- La Conférence sur l'Emploi, à Lille, devrait adopter
une position ferme en faveur de l'application de ces droits fondamentaux,
en apportant son appui à la création du comité conjoint OMC/OIT lors de la conférence de l'OMC qui se tiendra à Singapour,
en décembre 1996. Des dispositions commerciales pourraient être
considérées comme faisant partie d'une série d'autres
mesures comprenant une aide positive pour assurer le respect des droits
fondamentaux des travailleurs.
- L'Accord Multilatéral d'Investissement (AMI) que l'OCDE s'efforce
de négocier constituera un instrument supplémentaire très
important dans le système mondial d'investissement multilatéral,
couvrant une grande partie de l'investissement direct étranger (IDE).
Cette couverture sera encore plus étendue si, comme on l'espère,
l'Accord est ouvert aux pays non membres de l'OCDE, dont certains appliquent
des normes non conformes à celles des pays membres. Compte tenu
de ce facteur, qui est parfois associé aux tentatives de dilution
des normes du travail dans certains pays de l'Organisation ou de non-respect
de ses Principes directeurs à l'intention des Entreprises Multinationales
- en vue d'attirer l'investissement direct étranger -
il est essentiel d'introduire les Principes directeurs dans l'AMI. Le soutien
des syndicats à un accord d'investissement dépendra de l'incorporation,
satisfaisante ou non, des Principes dans cet accord. Ce point de vue devrait
être soutenu par les Ministres, lors de leur rencontre à Lille.
(1) Déclaration du BIAC - Comité
Consultatif Economique et Industriel auprès de l'OCDE - à
la réunion des Ministres de l'Education de l'OCDE, 1996.
(2) Jean-Claude Paye, Secrétaire général
de l'OCDE. (Traduction)
(3) Michel Hansenne, Directeur de l'OIT, Mars
1996. (Traduction)
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