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DÉCLARATION SYNDICALE AU
CONSEIL DE L’OCDE AU NIVEAU MINISTÉRIEL DE 2001
ET AU SOMMET ÉCONOMIQUE DU G8 À GÊNES (1)


Résumé et principales recommandations

1. Les réunions de 2001 du G8 à Gênes et du Conseil de l’OCDE au niveau ministériel prennent place alors que se produit un dangereux ralentissement de la croissance aux Etats-Unis, que la croissance s’essouffle en Europe, que la situation se détériore au Japon et que la croissance de la plupart des pays en développement est faible ou en baisse. A moins que des mesures plus décisives ne soient prises, on risque de voir le taux de chômage augmenter dans l’ensemble de la zone OCDE en 2001, pour la première fois depuis 1993. Dans les pays en développement et les économies émergentes le chômage ou le sous-emploi sont endémiques. Bien que certaines institutions internationales aient accordé une attention toute particulière et encourageante à la réduction de la pauvreté, le nombre de personnes vivant avec moins de 1$ par jour a augmenté entre 1987 et 1998 pour atteindre 1,2 milliard (2). Le nombre de personnes vivant dans l’extrême misère s’est accru dans quatre des six régions en développement et en transition – l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Asie du Sud et l’Afrique sub-saharienne (3) . Les épidémies mondiales absorbent encore davantage les ressources et empêchent ainsi un grand nombre de pays en développement de commencer même à s’attaquer à leurs problèmes de développement et encore moins d’exploiter « l’économie numérique ». La menace qui pèse sur l’équilibre écologique du monde s’est intensifiée et les preuves scientifiques les plus récentes  (4) tendent à démontrer que le réchauffement du climat mondial s’accélère de façon alarmante au moment même où la nouvelle Administration américaine a rejeté le Protocole de Kyoto.

2. Les gouvernements des pays industrialisés qui se réunissent à l’OCDE et à Gênes doivent accepter d’assumer leur responsabilité dans la conduite de l’économie mondiale et la pérennité économique, sociale et environnementale de la croissance. Ils doivent s’attacher principalement à restaurer et maintenir des niveaux élevés de croissance de leur propre économie et de l’économie du monde entier. Ils doivent entreprendre d’améliorer notablement la gestion économique internationale et se lancer dans la réforme démocratique des institutions économiques mondiales afin d’accroître la cohérence, la responsabilité et la transparence. Il faut contrebalancer la puissance des marchés mondiaux par un système international efficace fondé sur des règles, qui doit refléter à son tour un système multilatéral reposant sur des valeurs. Des améliorations importantes doivent être enregistrées d’ici la conférence ministérielle de l’OMC qui se tiendra à Doha en novembre 2001. Le mouvement syndical mondial invite les gouvernements à agir immédiatement pour :

- prendre d’urgence des mesures de stimulation concertées pour que la croissance des pays industrialisés dépasse 3% en 2001-2002 et pour remettre ainsi l’économie mondiale sur le chemin du plein emploi fondé sur un « travail décent » (§ 3-9) ;

- adopter des politiques de développement globales, procéder à des remise de dettes, réformer les institutions financières internationales (IFI), augmenter sensiblement l’aide bilatérale, lancer une nouvelle initiative en matière de santé et d’éducation afin d’atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté dans les pays en développement tout en veillant à ce que les règles des systèmes mondiaux d’échanges et d’investissement donnent accès au marché et augmentent les perspectives de développement, ne portent pas atteinte aux services publics essentiels et renforcent le travail entrepris par l’OIT pour garantir les normes fondamentales du travail (§ 15-23) ;

- tirer le meilleur parti des Technologies de l’information et de la communication (TIC) en prenant des mesures destinées à combler le fossé numérique, spécialement (mais pas seulement) entre le Nord et le Sud, investir massivement dans l’éducation et les compétences et encourager la négociation du changement technologique entre les employeurs et les syndicats (§ 10-14) ;

- veiller à ce que la croissance soit économiquement, socialement et écologiquement viable (§ 24-25) ;

- réglementer à nouveau les marchés financiers internationaux et entamer un grand débat public sur la réforme de l’architecture financière internationale et créer une Commission sur la dimension sociale de la Gestion économique internationale (§ 26-28).


Politiques du plein emploi

Stimuler la croissance

3. Les ministres de l’Emploi du G8, réunis à Turin en novembre 2000, ont déclaré que « le plein emploi dans une société du savoir est notre objectif le plus important ». Des mesures de stimulation doivent maintenant être prises pour remettre les pays industrialisés sur le chemin de cet objectif étant donné qu’il est tout à fait manifeste que les Etats-Unis connaissent un net ralentissement qui coïncide avec la récession au Japon. L’expérience des Etats-Unis dans les années 1990 nous rappelle avec insistance que la croissance soutenue de la demande peut se traduire par un accroissement de la productivité et une diminution du chômage. Les risques pour la croissance et l’emploi ne viennent pas de l’inflation ou des problèmes structurels des marchés du travail mais de l’incapacité de la politique monétaire et budgétaire à encourager la croissance soutenue de la demande.

4. Il faut de toute urgence intensifier la concertation au niveau de la politique économique afin de soutenir la croissance mondiale et réduire le chômage tout en s’attaquant aux déséquilibres monétaires et commerciaux.

5. Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale devrait continuer de réduire les taux d’intérêt. Il est nécessaire d’accorder des réductions d’impôt aux effets rapides afin d’augmenter le pouvoir d’achat de ceux dont les revenus sont inférieurs à la moyenne. La lenteur des prises de décisions et les réductions d’impôts inappropriées qui ont été proposées devraient être rejetées. Il faut soutenir les priorités structurelles à long terme et les accompagner d’une augmentation des dépenses d’infrastructure, d’éducation et de recherche-développement. 

6. L’Union européenne doit se consacrer activement à la mise au point de politiques destinées à favoriser une large croissance de la demande et à faire reprendre la baisse du chômage conformément à sa propre stratégie adoptée à la réunion de Lisbonne du Conseil européen en juin 2000. La Banque centrale européenne n’a pas réagi et doit réduire les taux énergiquement pour soutenir la croissance et donner de l’assurance à l’euro. Cette démarche serait conforme à son objectif conventionnel de soutenir les politiques économiques générales de l’Union. En l’an 2000, la croissance a été supérieure à 3% sans accélération du noyau dur de l’inflation. Le choc pétrolier a été absorbé sans effets indirects sur les salaires et les prix montrant ainsi que les négociateurs syndicaux ont donné la priorité à l’emploi dans les négociations. L’assouplissement des restrictions budgétaires offre aux gouvernements des possibilités de donner la priorité aux investissements en matière d’infrastructure, ainsi qu’à l’éducation et aux soins de santé et de réduire les effets marginaux des taux d’imposition sur les plus faibles revenus.

7. La reprise au Japon est une condition préalable au rétablissement d’une croissance équilibrée dans l’ensemble du monde. Cependant, la déflation actuelle des prix ainsi que l’augmentation du chômage, la stagnation des revenus et un vieillissement rapide de la société, ont accru l’insécurité et le risque d’un effondrement financier. Alors que les taux d’intérêt nominaux sont faibles, les taux d’intérêt réels à long terme sont d’un niveau élevé éprouvant pour l’économie. Les autorités monétaires doivent prendre des mesures afin d’abaisser les taux d’intérêt réels et de réduire le fardeau de la dette au moyen de l’expansion monétaire. Le Japon doit agir aussi avec détermination pour faire disparaître l’insécurité provoquée par le vieillissement en mettant au point des régimes de retraite fiables qui augmenteraient la confiance des travailleurs et des consommateurs.

8. Les programmes de stabilisation inéquitables que le FMI a exigés de la Turquie et de l’Argentine, démontrent l’incapacité du FMI à assimiler les leçons de la crise financière et économique asiatique. Il doit admettre que la croissance de la demande intérieure est la seule politique viable à l’échelle mondiale et que les politiques fondées sur l’austérité ont des répercussions sociales négatives inacceptables et entraînent de ce fait les pays dans l’instabilité. Aux pays en développement d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique qui avaient été touchés par la crise, il faut donner les moyens de développer la demande intérieure ce qui contribuera à restaurer la croissance mondiale et à renforcer la stabilité politique. Il est possible d’augmenter les taux de croissance lorsque des allègements de dette importants et une augmentation de l’aide au développement s’accompagnent de stratégies internes de développement efficaces fondées sur l’application effective des normes fondamentales du travail, la bonne gestion des affaires publiques, des politiques de l’emploi actives et la protection sociale.

9. La Russie doit s’attaquer à sa pauvreté, d’un niveau épouvantable, tout en prenant des mesures pour lutter contre la corruption, renforcer son assiette fiscale et se lancer dans des investissements d’infrastructure terriblement indispensables pour obtenir une croissance économique durable. Tout ceci est particulièrement urgent car un ralentissement de la croissance est prévu pour cette année. Il faut payer les arriérés de salaires dus aux travailleurs russes et le gouvernement doit respecter la liberté d’association par le biais du soutien et de l’application du Code du travail, et renforcer le système de protection sociale au lieu de l’affaiblir. 

10. Les pouvoirs publics doivent maintenir une base d'imposition correcte afin d'alimenter les finances publiques dans le contexte de la mondialisation. Le développement des paradis fiscaux extraterritoriaux et la concurrence fiscale internationale ont entraîné une érosion de l'assiette fiscale et un glissement du fardeau vers les travailleurs qui en supportent une part disproportionnée. Les systèmes sont devenus plus régressifs en raison du transfert du poids de la fiscalité sur la consommation, au bénéfice des revenus et ils doivent être révisés. Les pouvoirs publics doivent poursuivre la mise en œuvre du programme de travail de l'OCDE visant à mettre fin à la concurrence fiscale déloyale entre les pays et interdire les paradis fiscaux.

Investir dans les compétences et gérer le changement

11. Les gouvernements doivent avoir comme priorité essentielle d’augmenter le niveau d’investissement dans l’éducation et la formation et de les adapter l’une et l’autre aux besoins d’une économie et d’une société nouvelles ainsi qu’à l’objectif d’élévation du niveau et de la qualité de l’emploi. Cela signifie qu’il faut élargir l’accès à l’éducation et instaurer un droit général à la formation tout au long de la vie et développer l’accès aux TIC pour faire en sorte que les clivages sociaux existants ne soient pas aggravés par le fossé numérique. Les pouvoirs publics doivent maintenant mettre en œuvre les récentes conclusions des ministres de l’Education de l’OCDE afin d’instaurer un partenariat entre les entreprises et les travailleurs pour que tout le monde ait accès à la formation tout au long de la vie. Il est essentiel d’accroître les investissements dans de bons services de garde pour les enfants et des horaires de travail adaptables contractuels afin d’assurer l’égalité entre les sexes et d’augmenter la qualité des débouchés professionnels des femmes.

12. Des mesures sont nécessaires pour que la gestion du changement sur le lieu de travail soit acceptable par la collectivité. Les gouvernements et les entreprises se doivent de dépasser la notion simpliste de « flexibilité du marché du travail » qui suppose que les travailleurs renoncent à la protection sociale, aux salaires décents ou à la sécurité de l’emploi. Dans l’économie du savoir, l’avantage compétitif reviendra aux pays dotés d’un capital social extrêmement développé – confiance et cohésion sociale s’appuyant sur l’investissement dans l’éducation et la formation ainsi que sur de solides relations professionnelles qui permettent aux travailleurs de s’exprimer réellement. Les gouvernements doivent soutenir les initiatives de négociation du changement sur le lieu de travail et faire en sorte de développer les droits des travailleurs à être informés et consultés.

13. En Europe, il existe des prescriptions d’action détaillées dans les Directives sur l’emploi ainsi que dans le programme d’action sociale qui a été adopté récemment. Il s’agit surtout de les mettre en vigueur de manière à intégrer les objectifs sociaux de réduction de la pauvreté et de plus grande équité aux stratégies économiques visant à maintenir une croissance plus rapide. 

14. Le transfert de technologie ainsi que les politiques et les mesures destinées à combler le « fossé numérique » doivent également faire partie intégrante des propres politiques des pays de l’OCDE et des grandes stratégies de développement. Les gouvernements du G8 et l’OCDE doivent prendre un engagement important de développer l’éducation, la formation, et la formation tout au long de la vie ; de supprimer les différences entre hommes et femmes ; de veiller à ce que les pénuries de compétences dans les pays industrialisés et le risque concomitant de fuite des cerveaux dans les pays en développement et les pays émergents ne sapent pas les efforts déployés pour combler le fossé ; de faire en sorte que le cadre réglementaire nécessaire soit en place pour permettre un accès abordable aux TIC ainsi qu’à l’électricité et à l’eau ; d’encourager les efforts de mise en place d’un contenu local et de l’emploi des TIC ; de prendre des mesures relatives à l’organisation du lieu de travail en suivant les recommandations du Rapport mondial 2001 sur l’emploi, de l’OIT ; et de soutenir grâce aux APD, les efforts des syndicats mondiaux pour mettre en place l’accès des syndicats et de la société civile aux TIC et leur emploi, dans les pays en développement et en transition.
 

Un nouveau programme d’action pour le développement

15. Un nouveau programme d’action pour le développement doit tout d’abord se concentrer essentiellement sur les préoccupations des pauvres, des demandeurs d’emploi et de ceux qui travaillent dur dans le secteur informel en expansion, et faire en sorte que tous ces groupes participent au processus de développement. Celui-ci doit s’appuyer sur la transparence, la démocratie, la bonne gestion des affaires publiques et le respect des droits fondamentaux. Les pays du G8 et de l’OCDE doivent soutenir ce programme en prenant des mesures précises pour mettre en œuvre les objectifs de réduction de la pauvreté et de développement qualitatif qu’ils ont adoptés et notamment celui de réduire de moitié la pauvreté mondiale d’ici 2015. Le fait que le nombre de pauvres a continué d’augmenter indique la nécessité d’un changement beaucoup plus marqué au niveau des politiques qui passe par un allégement de la dette mais doit également aller au-delà.

16. Nous accueillons avec satisfaction la première réaction – encore que longtemps retardée – de la communauté internationale en faveur de l’allégement de la dette. Cependant, l’Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) est conçue pour alléger en partie seulement la dette de 41 pays et parmi ceux-ci, 22 pays seulement (dix-huit en Afrique et quatre en Amérique latine) ont effectivement atteint le « point de décision » pour obtenir un allégement de la dette avant la fin de 2000. Il y a encore beaucoup à faire pour accroître le nombre de pays ayant droit à l’aide de l’initiative PPTE et pour augmenter le niveau de remise de dette accordée à ces pays.

17. L’allégement de la dette ne doit pas se faire aux dépens de l’Aide publique au développement qui a besoin être augmentée et les pays de l’OCDE qui sont pitoyablement peu à avoir respecté la recommandation des NU d’accorder 0,7% de leur PIB à l’APD, doivent œuvrer pour atteindre ou dépasser cet objectif. Il est important que les Lignes directrices de l’OCDE pour la réduction de la pauvreté prennent maintenant en considération la nécessité d’appliquer les droits fondamentaux des travailleurs figurant dans la Déclaration de l’OIT sur les droits fondamentaux au travail et s’engagent résolument à atteindre l’objectif de « travail décent » fixé par l’OIT.

18. Les syndicats et les autres représentants de la société civile devraient participer au contrôle de l’utilisation de ces ressources et de leur mise en oeuvre. Les documents de  stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) exigés du FMI et de la Banque mondiale sont censés être conçus et mis en œuvre avec la participation des organismes de la société civile et notamment les syndicats. Cependant, dans la pratique, presque tous les premiers DSRP qui ont été présentés aux Conseils du FMI et de la Banque Mondiale, n’ont pas fait intervenir les syndicats dans leur élaboration. Les institutions financières internationales devraient maintenant prendre au sérieux les politiques de leur institution en matière de participation de la société civile et ne pas approuver les DSRP lorsque les syndicats n’ont pas été consultés. Il devrait également y avoir des consultations avec les syndicats dans le cadre des réexamens annuels de «l’Article IV » du FMI et une consultation plus large au sujet des politiques d’ajustement structurel Cette consultation ne pourra réussir que si l’on respecte la liberté d’association et les autres droits fondamentaux des travailleurs qui doivent être intégrés aux programmes des IFI.

19. Les pays en développement ont besoin que des améliorations importantes soient apportées au système multilatéral d’échanges pour leur permettre de tirer parti de l’accroissement du commerce mondial. Pour ce faire il faut en particulier :

- faire en sorte que le commerce soit partie intégrante d’une stratégie de développement qui permette aux pays en développement d’accroître leur demande et leur production intérieures ;

- s’attaquer au déficit démocratique interne et externe de l’OMC en introduisant dans ses procédures, la transparence, la démocratie et l’obligation de justifier son action et en créant une structure efficace de consultation avec les syndicats ;

- davantage d’initiatives destinées à améliorer l’accès des pays en développement et en particulier des pays les moins avancés, aux marchés des pays industrialisés (surtout l’agriculture), liées au respect des droits humains des travailleurs ;

- aider les pays en développement à résister aux pressions commerciales visant à faire  promulguer des lois sur les brevets qui empêchent les mesures tenant compte des intérêts de la collectivité en vertu de l’accord ADPIC sur la propriété intellectuelle et réexaminer l’accord afin d’y inclure les préoccupations des pays en développement, en particulier dans le domaine de l’accès aux médicaments salvateurs (comme cela a été mis en évidence par la récente action en justice intentée contre l’Afrique du Sud par les sociétés pharmaceutiques) ;

- un accord multilatéral pour proroger les délais de mise en œuvre de l’Uruguay Round pour les pays en développement en même temps que les pays industrialisés mettent en place des calendriers précis et contraignants pour leurs propres exigences de mise en œuvre au titre de l’Uruguay Round ;

- dans le cadre des négociations du GATS sur les services, à l’OMC, il y a lieu de faire explicitement référence au respect des préoccupations sociales et environnementales afin de garantir la capacité des gouvernements de réglementer ou mettre en œuvre des activités dans le secteur des services, avantageuses pour la collectivité ;

- et améliorer les mesures d’incitation au respect des normes fondamentales du travail au titre des systèmes généralisés de préférences (SGP).


20. L’OMC doit se doter d’une structure officielle pour traiter des questions de commerce et de droits fondamentaux des travailleurs, en étroite collaboration avec l’OIT. Dans un système mondial d’échanges où le nombre de zones franches d’exportation a presque doublé en tout juste cinq ans – et où le pays du monde qui viole le plus, à grande échelle, les droits fondamentaux des travailleurs, la Chine, devrait prochainement devenir membre de l’OMC, il est absolument urgent de prendre des mesures pour protéger les droits fondamentaux des travailleurs du monde entier des conséquences des gouvernements et des employeurs qui violent les normes fondamentales du travail. Indépendamment de sa structure exacte, un organe de ce type doit être mis en place avec un certain soutien officiel de l’OMC et comporter une obligation de rendre compte aux organes de décision de l’OMC. Les rapports et recommandations devraient être soumis à l’examen de la cinquième conférence ministérielle de l’OMC en 2003. Les problèmes sociaux et environnementaux devraient être intégrés aux Mécanismes d’examen des politiques commerciales (MEPC).

21. Un élément essentiel du nouveau programme d’action pour le développement doit être la réglementation efficace des activités mondiales des entreprises multinationales pour faire en sorte qu’elles respectent les droits professionnels fondamentaux de leurs salariés et favorisent également le développement économique dans des conditions optimales. Les Principes directeurs révisés de l’OCDE à l’intention des Entreprises multinationales peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif mais seulement si les gouvernements travaillent de concert avec les syndicats et les employeurs à l’établissement de procédures transparentes et efficaces de mise en œuvre et d’application au niveau national, assorties d’un suivi énergique au niveau de l’OCDE. L’efficacité de l’applicabilité des Principes directeurs au niveau mondial est indispensable pour créer des conditions identiques entre les travailleurs et les multinationales du Nord et du Sud et jusqu’en bas de la chaîne de l’offre. Un programme de vulgarisation doté de moyens suffisants doit par conséquent être mis en place par l’OCDE et s’efforcer de viser tout spécialement les zones émergentes de commerce et d’investissement régionaux. Les entreprises multinationales devraient négocier des accords avec les organisations syndicales mondiales en se servant des Principes directeurs comme référence.

22. Les Principes directeurs devraient servir de point de référence dans tous les instruments intergouvernementaux pertinents pour ce qui est du comportement attendu des entreprises. Dans la Charte additionnelle du Traité sur la Charte européenne de l’Energie il y a lieu d’inclure un engagement de respecter les Principes directeurs et la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Les ministres de l’Environnement du G8, réunis à Trieste, ont recommandé l’application des directives relatives à l’environnement sous forme de conditions impératives pour l’octroi de crédits à l’exportation. L’initiative du groupe de travail de l’OCDE sur les crédits à l’exportation doit maintenant être révisée en conséquence afin d’incorporer un engagement social et environnemental contraignant incluant l’adhésion aux  Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales comme cela a été demandé par les syndicats et la société civile. Il faut également tenir compte de la prédominance des entreprises multinationales sur les marchés des produits de base.

23. Malgré des améliorations importantes de la santé mondiale au cours des quelques dernières décennies, les répercussions des environnements écologiquement non viables du lieu de travail et de la collectivité continuent d’entraver l’amélioration des taux mondiaux de maladies et d’invalidités, notamment dans les pays en développement. L’accès à l’eau propre et aux installations sanitaires ainsi qu’aux services de salubrité de l’environnement et d’hygiène industrielle sont les conditions essentielles requises pour inverser ces tendances. Il faut rechercher la synergie entre la réduction de la pauvreté et une meilleure protection de l’environnement et de la santé des travailleurs et les associer dans le cadre de la réforme des systèmes sanitaires en mettant l’accent sur la prévention des maladies et la promotion de la santé. Le développement des nouvelles technologies comme la biotechnologie, doit se protéger contre leurs répercussions sur la société, les travailleurs et l’environnement et il faut mettre en place des mesures transitoires pour les suppressions d’emplois provoquées par le changement. Les syndicats et la société civile doivent participer plus étroitement aux processus décisionnels pour ces questions qui sont absolument essentielles pour les femmes et les hommes actifs et leurs familles ainsi que pour l’ensemble de la population.
 

Organiser une coalition pour le développement durable

24. Les mesures destinées à faire face à ces problèmes et celles qui concernent la croissance économique et la protection de l’environnement doivent s’influencer de manière solidaire par l’intermédiaire de l’intégration complète des trois piliers du développement durable. Cela doit être un enjeu essentiel dans la perspective de la conférence des Nations Unies Rio+10 qui se tiendra en Afrique du Sud en 2002. Les évaluations des retombées sociales et les mécanismes de mesure des répercussions du changement sur l’emploi ainsi que les mesures destinées à favoriser « uniquement la transition »  doivent devenir une caractéristique des plans de développement durable. Ceux-ci doivent s’appliquer en particulier à l’atténuation du changement climatique, à la gestion des ressources naturelles, aux améliorations agricoles ainsi qu’à la restructuration des secteurs du transport et de l’énergie. Le développement de vastes programmes de transition sociale et de transition en matière d’emploi peut être étayé par le recyclage des produits des écotaxes, par des subventions et des mécanismes financiers. Il est nécessaire de renforcer le principe de précaution dans les cas de différends commerciaux concernant la santé et la sécurité des consommateurs et des travailleurs et les Accords multilatéraux sur l’Environnement doivent être considérés comme l’emportant sur les règles de l’OMC.

25. Les gouvernements doivent s’efforcer de promouvoir un climat d’engagement et de confiance parmi toutes les parties prenantes de la société afin d’engendrer le consensus le plus large possible sur les objectifs et les mesures relatifs au développement durable qui visent à atténuer les effets sur l’environnement et le changement climatique en particulier. Etant donné que les structures de production et de consommation tournent autour des décisions et des mesures prises sur les lieux de travail, il faut encourager la coopération entre les travailleurs, les syndicats et les employeurs de manière à créer des programmes conjoints de changement complétés par des programmes concrets de contrôle et de mise en œuvre. Cette coopération devrait intervenir dans un cadre favorisant la participation, à la prise de décisions, de la société civile et notamment des salariés dans le cadre du lieu de travail.
 

Réformer la gestion économique internationale

26. Il faut lancer une initiative importante pour parvenir à mettre en place une gestion démocratique et concertée efficace de l’économie. Les marchés mondiaux ont besoin de nouvelles règles. Au cours des cinq dernières années, les syndicats mondiaux ont présenté une série de mesures destinées à améliorer la réglementation des marchés financiers internationaux. Ces mesures pourraient être résumées ainsi : 
 

- amélioration de la coordination des politiques budgétaires et monétaires entre les nouveaux blocs de monnaies de réserve du dollar, du yen et de l’euro afin d’obtenir des parités plus stables ainsi que la suppression progressive des grands déficits et excédents des balances courantes à long terme ;

- reconnaissance du droit des Etats de contrôler les afflux et les sorties de capitaux étrangers à court terme dans l’intérêt de la stabilité macro-économique nationale ;

- des normes internationales contraignantes pour la réglementation prudentielle des marchés financiers comportant des normes en matière de réserve de capitaux, des limites aux risques de change à court terme des devises étrangères, des contrôles et l’homologation des transactions de produits dérivés et d’autres formes d’investissement à effet de levier intégrées au crédit ;

- faire en sorte que les systèmes bancaires soient transparents et liés par des critères efficaces de divulgation d’informations ;

- amélioration des informations sur les flux monétaires et les dettes et les réserves privées ;

- un examen sérieux de la mise en œuvre d’une taxe internationale sur les transactions en devises comme cela a été recommandé par la conférence des Nations Unies « Copenhague +5 » (juin 2000) sur la mise en œuvre du Sommet social. Le G8 devrait soutenir l’appel en faveur de « l’analyse de propositions de nouvelles sources novatrices de financement » et notamment de la taxe Tobin.


27. Jusqu’à maintenant le débat sur la réforme des marchés financiers a été maintenu à huis clos par les banquiers et les fonctionnaires des ministères des Finances ce qui a limité la possibilité des syndicats et du public en général, de se faire entendre. En réaction à la crise, les gouvernements ont mis en place des structures de responsabilité plus dispersées pour les travaux concernant l’architecture financière internationale, avec le FMI qui se charge des conséquences pour les orientations de politique générale, au niveau macro, le Forum pour la stabilité financière qui se charge des questions de réglementation et le G20 du dialogue avec les pays en développement. Chacune de ces institutions est effectivement fermée à la discussion avec le mouvement syndical ou la société civile, en dépit de signes timides plus positifs de la part du nouveau directeur général du FMI. En résumé, les travailleurs, ont besoin d’un porte-parole pour faire entendre leur « voix à la table » de ces débats.

28. La négociation de la dimension sociale de la mondialisation dépasse maintenant l’ampleur d’une seule institution internationale. Le G8 devrait recommander la création d’une commission internationale sur la dimension sociale de la gestion économique mondiale, à laquelle le FMI, la Banque mondiale, la CNUCED, l’OCDE ainsi que l’OMC et l’OIT devraient officiellement participer et être effectivement chargées de faire rapport. Le mouvement syndical mondial est prêt à travailler directement avec les gouvernements et les institutions afin de définir un mandat effectif pour cette Commission et il doit y être directement représenté.

1) La présente déclaration a été préparée par la Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE (TUAC) en collaboration avec nos organisations partenaires, notamment la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération européenne des syndicats (CES).

2)  Rapport mondial 2001 sur l’Emploi. Organisation internationale du travail (OIT).

3)  Rapport mondial 2000/2001 sur le développement, Banque mondiale.

4)  Troisième rapport d’évaluation, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), mars 2001.
 


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