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DÉCLARATION SYNDICALE
AU CONSEIL DE L'OCDE AU NIVEAU MINISTÉRIEL,
DE L'AN 2000 ET AU SOMMET ÉCONOMIQUE DU G8
À OKINAWA (1)
Juin 2000
Introduction et résumé
1. En ce début de 21e siècle l'économie mondiale
semble amorcer une période de croissance plus rapide après
le ralentissement provoqué par la crise asiatique de 1997. L'augmentation
potentielle de productivité engendrée par l'évolution
technologique offre la possibilité d'une "nouvelle économie"
assortie de niveaux de vie supérieurs. Il faut tirer parti de cette
possibilité pour s'employer, en y consacrant volonté politique
et moyens nécessaires, à résoudre les problèmes
de ceux qui n'ont pas bénéficié de cette économie
mondiale et qui ont vu en fait leur situation relative se détériorer.
Pour la grande majorité de la population mondiale la réalité
se traduit par la persistance de la pauvreté. Les inégalités
globales continuent de croître aussi bien au coeur même des
nations qu'entre celles-ci avec le risque d'un "fossé numérique"
contribuant au clivage social. Nombreux sont les travailleurs et leurs
familles qui se considèrent comme les perdants du processus de mondialisation
et comme exclus de tous les bienfaits du changement. Les travailleurs des
pays en développement, comme certains pays d'Asie, qui ont participé
au miracle économique, continuent de se voir sacrifiés, avec
leurs familles, à une crise financière dont ils ne portent
pas la responsabilité. Dans ce contexte, et celui de l'échec
de la réunion du Conseil ministériel de l'OMC à Seattle
la légitimité des institutions multilatérales est
largement mise en cause de même que le processus d'intégration
économique mondiale.
2. Face à ce défi, les gouvernements doivent prendre des
mesures et abandonner cette approche de la mondialisation fondée
sur la déréglementation des marchés, qui a prévalu
au sein des institutions internationales au cours de la dernière
décennie. Si l'on veut que les économies répondent
effectivement aux attentes des sociétés, elles doivent être
façonnées et gouvernées par les politiques publiques.
Cette observation est tout aussi valable dans un environnement mondial
que national. Les pays de l'OCDE ont appris que les gouvernements doivent
faire preuve d'efficacité pour veiller à ce que leurs économies
parviennent au développement durable, au plein emploi et à
l'intégration sociale. Aujourd'hui, il est également indispensable
d'instaurer un régime économique pour l'économie mondiale
s'appuyant sur des règles identiques pour gérer les marchés
mondiaux et d'établir des institutions économiques internationales
efficaces, transparentes et tenues de rendre des comptes. L'objectif doit
être de mettre en place une forme de développement favorable
à la démocratie et socialement et écologiquement viable.
3. Le Conseil de l'OCDE au niveau ministériel et le Sommet d'Okinawa
donnent l'occasion aux gouvernements de démontrer leur détermination
à atteindre ces objectifs. En augmentant simultanément la
transparence des organisations internationales et leur obligation de justifier
leur action, ils pourront restituer la légitimité publique
du système multilatéral. Les gouvernements doivent en priorité
:
- Prendre des mesures coordonnées pour maintenir et
équilibrer la croissance de la demande dans l'économie mondiale
avec comme objectif de réduire la pauvreté dans le monde
et de restaurer le plein emploi (§ 4-9) ;
- Réglementer à nouveau les marchés financiers
internationaux et lancer un grand débat public en vue de légitimer
la réforme des institutions financières (§ 10-12) ;
- Agir globalement par le biais des politiques d'aide au développement,
de remise de dettes et de l'élaboration de dispositifs de protection
sociale à large participation et des politiques des institutions
financières internationales pour atteindre les objectifs de réduction
de la pauvreté dans les pays en développement (§ 13)
;
- Agir de manière résolue pour faire en sorte que les
systèmes mondiaux d'échanges et d'investissement viennent
renforcer le travail de l'OIT visant à garantir les normes fondamentales
du travail (§ 14-17) ;
- Mettre en place des mécanismes d'application transparents et
efficaces pour les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention
des Entreprises multinationales (§ 18) ;
- Utiliser les avantages de la "nouvelle économie" en encourageant
la voie la plus sûre pour gérer le changement structurel par
le biais d'une amélioration de l'éducation, des niveaux de
compétences et de productivité (§ 19-20) ;
- Veiller à ce que la croissance soit socialement et écologiquement
viable (§ 21-24).
Croissance et cohésion sociale
4. La récente expérience des Etats-Unis a montré
qu'une croissance soutenue de la demande peut entraîner une amélioration
de la productivité et des réductions encourageantes - bien
que longuement différées - des inégalités.
Mais il y a lieu de prendre des mesures complémentaires pour s'assurer
que cette croissance et ses bienfaits sont plus largement partagés.
Il faut renforcer la coordination de la politique économique afin
d'équilibrer la croissance dans le monde entier. Le moment est venu
de maintenir des niveaux supérieurs de croissance et d'emploi en
l'absence desquels il se produira un préjudice à long terme
qui se traduirait par un élargissement de la fracture sociale, une
désaffection de la collectivité et la perte de légitimité
des gouvernements.
5. Le déficit commercial américain reste une source d'instabilité
financière pouvant devenir préoccupante de même que
la variation du prix des capitaux. En s'attaquant à ces questions
les autorités américaines doivent continuer de soutenir la
croissance dans la sphère réelle de l'économie et
ne pas avoir recours à des augmentations importantes des taux d'intérêt
pour faire face à des problèmes très spécifiques.
La politique budgétaire doit être conçue pour soutenir
les priorités structurelles à long terme comme l'infrastructure,
l'éducation et les dépenses de recherche et développement
et parvenir en particulier à une distribution plus équitable
des revenus après impôts au lieu d'accorder des réductions
fiscales malencontreuses aux riches.
6. L'Europe connaît maintenant une croissance plus rapide alors
que le noyau dur de l'inflation reste maîtrisé et que les
effets des augmentations du prix de l'énergie s'atténuent.
Il est possible d'atteindre des taux de croissance soutenue de 3 pour cent
et plus ce qui devrait permettre de réduire le taux de chômage
et d'accroître celui de l'emploi. Une offre de main d'oeuvre abondante
et des hausses contractuelles coordonnées des salaires empêcheront
l'apparition de blocages inflationnistes. L'objectif est de parvenir au
plein emploi et la politique macroéconomique doit en tenir compte.
Alors qu'il existe des possibilités permettant à l'Europe
d'entrer dans une période de croissance plus forte et non inflationniste,
elle est considérablement en retard par rapport à l'économie
américaine. Il est essentiel que la Banque centrale européenne
donne à sa politique monétaire une orientation favorisant
la poursuite d'une croissance plus rapide de manière à tirer
pleinement parti du potentiel de la "nouvelle économie". Une demande
intérieure et une consommation privée soutenues en sont les
principaux piliers et il ne faut pas affaiblir la confiance. Toute stratégie
qui repose sur une croissance lente axée sur l'exportation aboutira
à un échec. Une croissance plus rapide rétablira aussi
la valeur de l'euro et contribuera à rééquilibrer
les disparités de la balance courante entre les principales régions
économiques. L'assouplissement des restrictions budgétaires
au moyen d'un accroissement des recettes publiques offre aux gouvernements
un certain nombre de possibilités pour accorder la priorité
aux investissements d'infrastructure, aux investissements dans les domaines
de l'éducation et des soins de santé et pour prévoir
les évolutions démographiques futures tout en allégeant
le fardeau fiscal des revenus inférieurs.
7. Au Japon, la reprise est la condition préalable d'une croissance
durable des économies asiatiques et d'une croissance équilibrée
dans le monde entier. Cependant, l'augmentation du chômage, la stagnation
des revenus et les risques d'une société vieillissante ont
accru l'insécurité et ralenti la consommation. Le Japon doit
agir avec détermination pour faire disparaître cette insécurité
en mettant au point des régimes de retraite fiables, en améliorant
la formation et le recyclage et en investissant dans de nouveaux domaines
d'activité comme les technologies de l'information, la protection
de l'environnement et les soins de santé. Les autorités devraient
poursuivre leurs efforts pour assurer la reprise et une croissance stable
et pour créer des emplois à l'aide de mesures budgétaires
actives et efficaces pour les domaines susmentionnés et d'une politique
monétaire d'accompagnement.
8. Aux pays en développement d'Asie, d'Amérique latine
et d'Afrique touchés par la crise, il faut donner les moyens de
développer la demande intérieure ce qui contribuera à
restaurer la croissance mondiale et à renforcer la stabilité
politique. Un allégement important de la dette peut contribuer à
la croissance. Les programmes de stabilisation du FMI doivent abandonner
l'austérité afin de soutenir la croissance de la demande
intérieure. Il faut payer les arriérés de salaires
dus aux travailleurs russes pour sortir de ce cercle vicieux qui a entraîné
une moins-value de recettes fiscales et prolongé la crise financière.
9. Les pouvoirs publics doivent maintenir une base d'imposition correcte
afin d'alimenter les finances publiques dans le contexte de la mondialisation.
Le développement des paradis fiscaux extraterritoriaux et la concurrence
fiscale internationale ont entraîné une érosion de
l'assiette fiscale et un glissement du fardeau vers les travailleurs qui
en supportent une part disproportionnée. Les systèmes sont
devenus plus régressifs en raison du transfert du poids de la fiscalité
sur la consommation, au bénéfice des revenus et ils doivent
être révisés. Les pouvoirs publics doivent agir immédiatement
afin d'achever le programme de travail de l'OCDE visant à mettre
fin à la concurrence fiscale déloyale entre les pays.
Règles internationales pour les marchés financiers
10. L'effondrement financier en Asie et les crises financières
répétées de ces dernières années ne
sont pas inévitables mais résultent d'un échec de
la politique. La déréglementation excessive du système
financier international a rendu un grand nombre de pays en développement
vulnérables et pris au dépourvu face aux flux imprévisibles
de capitaux spéculatifs. En Asie, ce sont des opérations
de prêts hasardeuses par des institutions financières internationales
et des emprunts inconsidérés de la part d'entreprises nationales
et d'institutions, associés à l'incertitude des perspectives
pour les investisseurs, qui ont précipité la crise. Ce sont
les travailleurs qui en ont supporté le coût en termes de
perte de moyens de subsistance, de chômage et de pauvreté.
11. Malgré cela, les travailleurs se sont vus refuser une place
à la table des discussions entre les ministères des Finances
et les banques centrales à propos de l'architecture financière.
De ce fait, ces discussions manquent de légitimité et de
crédibilité. La nouvelle attention toute particulière
accordée à la flexibilité des taux de change, à
l'amélioration de l'information, de la transparence et de la surveillance
ainsi que le renflouement d'une partie des pertes des créanciers
privés ne constituent pas une réponse crédible. Les
gouvernements et les institutions financières internationales doivent
mettre en place un mécanisme de consultation avec le mouvement syndical
international, entamer une consultation plus large de l'opinion publique
en matière d'architecture financière et mettre en oeuvre
des politiques pour :
- Réduire l'instabilité des monnaies du G3 qui
ne sont pas en conformité avec les variables fondamentales de l'économie
au moyen d'une coordination effective des politiques entre l'Europe, l'Amérique
du Nord et le Japon ;
- Reconnaître le droit des gouvernements de contrôler les
flux de capitaux étrangers à court terme dans l'intérêt
de la stabilité macro-économique et sociale nationale ;
- Appliquer une taxe sur les transactions en devises étrangères
afin de réduire les flux monétaires spéculatifs et
de se procurer des ressources pour agir en faveur d'un allégement
de la pauvreté ;
- Instaurer des normes internationales contraignantes pour la réglementation
prudentielle des marchés financiers comportant des normes en matière
de réserve de capitaux, des limites aux risques de change à
court terme des devises étrangères, des contrôles et
l'homologation des transactions de produits dérivés et d'autres
formes d'investissement à effet de levier ;
- Elaborer un système efficace d'alerte avancée fondé
sur de meilleurs systèmes d'information en matière de flux
de devises, de dettes privées et de réserves.
12. A la lumière de la crise asiatique, des mesures concrètes
devraient être prises au niveau régional, parallèlement
aux mesures internationales, afin d'éviter toute réapparition
de la crise. Ces mesures devraient comporter l'échange d'informations
et la surveillance des flux de capitaux à court terme dans la région,
la création d'un fonds ou un accord en vue de stabiliser les monnaies,
le développement d'échanges et d'investissements réciproques
et la mise au point de dispositifs de protection sociale. Le gouvernement
du Japon devrait se charger de l'élaboration de ces mesures en collaboration
avec les autres pays asiatiques, par l'intermédiaire de ses programmes
d'APD par exemple.
Le programme social de mondialisation et de développement
13. Les pays du G8 et de l'OCDE doivent réaffirmer leur détermination
à soulager la pauvreté et à atteindre les objectifs
de développement qualitatif qu'ils ont énoncés en
1996 et notamment celui de réduire de moitié la pauvreté
mondiale d'ici 2015. Il faut amplifier encore davantage la récente
reprise de l'APD. L'engagement encourageant pris par certains pays d'annuler
la dette officielle des pays les plus pauvres doit maintenant être
suivi par tous les pays de l'OCDE et le processus doit s'accélérer
afin d'alléger considérablement la dette dans les délais
les plus courts. Les institutions financières internationales devraient
également remettre les dettes des pays les plus pauvres et être
autorisées à se procurer les fonds suffisants pour ce faire.
En tant qu'hôte du Sommet du G8, le gouvernement du Japon devrait
donner l'impulsion dans ce domaine. Les ressources libérées
par la remise des dettes doivent servir à faciliter l'éradication
de la pauvreté, en particulier grâce à des investissements
en matière de soins de santé de base et d'éducation.
Il faut obliger les bénéficiaires à respecter les
droits des travailleurs et autres droits de l'homme comme condition à
l'allégement de leur dette. Les syndicats et autres représentants
de la société civile devraient participer à la surveillance
de l'emploi de ces ressources. Le meilleur moyen d'y parvenir consiste
à établir un fonds indépendant en monnaie locale qui
sera financé grâce au paiement, par le gouvernement endetté,
du montant correspondant au remboursement ordinaire de la dette.
14. Pour garantir la légitimité de la libéralisation
des échanges, il faut que celle-ci soit cohérente avec les
grandes priorités de l'action publique telles que la protection
de l'environnement et le développement durable, l'innocuité
des aliments et des produits et le respect des droits fondamentaux des
travailleurs. Les pays en développement doivent être mieux
intégrés au processus de prise de décision de l'OMC
et il faut leur élargir l'accès aux marchés des pays
industrialisés dans un contexte de respect des normes fondamentales
du travail.
15. La déclaration de 1998 de l'OIT relative aux principes et
droits fondamentaux au travail a été pleinement approuvée
par les syndicats, les employeurs et les gouvernements aussi bien dans
les pays en développement que dans les pays industrialisés.
Il est clair que tous les Etats membres de l'OIT sont dans l'obligation
de respecter les droits fondamentaux des travailleurs. Il faut doter la
déclaration d'un mécanisme de mise en oeuvre solide et efficace
dans le cadre de l'OIT. De plus, cette déclaration constitue une
norme qui doit s'appliquer à "l'ensemble du système" et être
mise en oeuvre dans les programmes des institutions internationales. Il
faut en faire l'un des objectifs du Sommet social 2000 des Nations Unies
à Genève. Les normes fondamentales du travail devraient être
intégrées dans les critères du FMI et les politiques
de développement de la Banque mondiale. Pour acquérir la
légitimité, l'OMC doit prévoir des règles exigeant
que ses membres respectent les normes fondamentales de l'OIT. L'OMC dispose
déjà de règles pour protéger la propriété
intellectuelle et elle ne peut plus ignorer la violation des droits des
travailleurs.
16. Le respect des droits fondamentaux des travailleurs ne supprimerait
pas l'avantage comparatif des pays en développement. Ces droits
accordent à tous les travailleurs de l'économie mondiale
le droit de créer des syndicats pour négocier les salaires
et les conditions d'emploi. Ils donnent le droit aux enfants d'avoir une
enfance, ils interdisent le travail forcé, le travail en milieu
carcéral et la discrimination. Le Rapport de l'OCDE sur le commerce,
l'emploi et les normes du travail et des travaux réalisés
ultérieurement ont révélé que le respect de
ces droits est compatible avec de bonnes performances commerciales et le
développement économique. Le respect des droits fondamentaux
permet aux pays d'emprunter la "voie la plus sûre" du développement
qui aboutit à une répartition plus équitable des bénéfices,
à un accroissement de la responsabilité et à une diminution
de la corruption. Les pays du G8 peuvent soutenir ce processus directement
en révisant le mandat de l'OCDE relatif aux Garanties de crédit
à l'exportation et à l'environnement afin d'y faire figurer
des indicateurs sociaux fondés sur les normes fondamentales du travail
de l'OIT.
17. Un autre enseignement à tirer de la réunion de Seattle
est que les négociateurs commerciaux de l'OMC doivent tenir compte
des plus grandes préoccupations dans toutes les discussions de politique
commerciale. L'OMC doit devenir démocratique et transparente et
les accords multilatéraux sur l'environnement doivent être
respectés. Dans le secteur des services en particulier, les négociations
de l'AGCS qui ont commencé cette année doivent tenir compte
de la nécessité, pour l'Etat, de fournir les services de
base comme l'éducation et les soins de santé, et faire en
sorte que les membres de l'OMC gardent le droit de déclarer ces
secteurs en tant que services publics non négociables.
18. Un élément essentiel de la "dimension sociale" de
la mondialisation doit être la réglementation efficace des
activités mondiales des entreprises multinationales pour faire en
sorte qu'elles respectent les droits professionnels fondamentaux de leurs
employés et favorisent également le développement
économique dans des conditions optimales. Les Principes directeurs
de l'OCDE à l'intention des Entreprises multinationales sont en
mesure de contribuer à la réalisation de cet objectif. Pour
y parvenir, il faut qu'à l'issue du réexamen actuel des Principes
directeurs, les gouvernements et l'OCDE établissent rapidement des
mécanismes d'application transparents et efficaces, en collaboration
avec les syndicats. Un programme de vulgarisation doté de moyens
suffisants doit également être mis en place afin d'étendre
l'application des Principes directeurs au-delà de la zone OCDE.
Les travailleurs et la nouvelle économie
19. Les économies et les sociétés du monde entier
traversent actuellement une période d'évolution technologique
sans précédent occasionnée par les applications de
plus en plus nombreuses des technologies de l'information et de la communication.
Ces technologies ont maintenant une incidence sur les transactions entre
entreprises et génèrent de nouvelles formes de production
et d'échange ainsi que de nouvelles formes de travail. La "nouvelle"
économie fondée sur le savoir peut favoriser le développement
d'une plus grande prospérité et d'une croissance non inflationniste.
Cependant, cette évolution suppose la mise au point de mécanismes
réglementaires nouveaux et actualisés si elle doit nous offrir
un avenir meilleur et plus prospère. Il faut s'attacher tout particulièrement
à combler le fossé "numérique" grandissant qui renforce
et aggrave les inégalités sociales.
20. Il est capital d'investir dans les individus pour faire en sorte
que le passage à une économie fondée sur le savoir
n'aggrave pas les problèmes sociaux actuels de chômage, d'exclusion
et de pauvreté. Les politiques des gouvernements doivent accorder
une grande priorité aux investissements dans le capital humain et
social. Ces politiques doivent en particulier :
- Investir dans l'éducation et des systèmes de
formation appropriés aux besoins d'une économie fondée
sur le savoir et au besoin de qualité de l'emploi. Pour ce
faire, il faut améliorer l'accès aux nouvelles possibilités
d'apprentissage et de formation adaptées aux besoins des différents
groupes cible ;
- Faire en sorte que la "formation permanente" devienne une réalité
et un droit pour tous, non seulement pour aider les travailleurs à
bénéficier de l'évolution économique et technologique
mais aussi pour contribuer à l'épanouissement personnel et
à la cohésion sociale. Pour atteindre cet objectif il faut
agir conjointement par le biais d'un partenariat entre pouvoirs publics,
entreprises et syndicats ;
- Promouvoir des accords entre syndicats et employeurs, axés
sur la gestion du changement. Ces accords contribuent à améliorer
la formation permanente en créant des liens entre les nouvelles
modalités du temps de travail, la rotation d'un emploi à
l'autre et la formation. Ils contribuent en outre aux efforts déployés
pour surmonter les pénuries de qualifications ;
- Encourager la mise en place de relations professionnelles et d'un
dialogue social constructifs dans cette économie fondée sur
le savoir. Il est particulièrement important que les travailleurs
et leurs syndicats aient accès, de droit, aux réseaux d'information
et de communication en ligne, sur leur lieu de travail ;
- Concilier le besoin de sécurité de la main-d'oeuvre
avec l'adaptabilité en apportant un soutien à la protection
sociale au lieu de l'affaiblir ;
- Encourager des méthodes d'organisation du travail qui
permettent d'élargir le contenu des tâches et de valoriser
les qualifications afin de contribuer simultanément à l'accroissement
de la productivité et à la qualité des emplois ;
- En partenariat avec les syndicats et les entreprises, veiller à
ce que les individus puissent accéder, à des conditions abordables,
aux moyens modernes de communication et aux réseaux d'information,
notamment à l'Internet. De plus, les politiques doivent garantir
une bonne confidentialité et la protection des données personnelles
;
- Assurer l'équité en matière d'emploi et l'accès
à l'éducation. Il faut augmenter tout particulièrement
l'accès des femmes à l'éducation si l'on veut que
la société utilise l'un de ses plus grands potentiels humains.
Le développement durable
21. La mise en oeuvre du développement durable telle qu'elle
est définie dans le "Programme Action 21" de la Conférence
des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement qui s'est
tenue à Rio, progresse trop lentement. Il incombe aux gouvernements
du G8 et de l'OCDE de diriger le processus et il leur faut lancer une nouvelle
initiative sur le développement durable avant la réunion
"Rio + 10" des Nations Unies, prévue pour 2002. Pour ce faire, il
est primordial d'intégrer les trois "piliers" du développement
durable d'un point de vue environnemental, économique et social.
22. La viabilité sociale du développement est largement
absente des priorités des pouvoirs publics. Ceci doit changer et
la dimension sociale du développement durable doit devenir une priorité.
L'allégement de la pauvreté, les conséquences de la
transition sur l'emploi, l'accès équitable aux ressources
et l'action au niveau local et sur le lieu de travail doivent désormais
faire partie des réelles préoccupations gouvernementales.
Le changement climatique en est un exemple. Aujourd'hui, on perçoit
très peu quelles sont les incidences, sur l'emploi, de la dégradation
de l'environnement, par rapport aux incidences de la mise en oeuvre du
protocole de Kyoto.
23. Les réactions de l'opinion publique à la biotechnologie
et aux OGM montrent que cela peut coûter cher de ne pas tenir compte
de la dimension sociale du développement durable. La biotechnologie
se développe rapidement dans un grand nombre de secteurs industriels
et il est indispensable d'accorder une plus grande priorité à
la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs
au moyen d'un étiquetage et d'informations exacts notamment en ce
qui concerne le pouvoir allergisant des aliments génétiquement
modifiés. Les répercussions sur les travailleurs qui interviennent
dans les processus de production biotechnologique et la distribution des
produits sont largement négligées et doivent être étudiées
d'urgence. Il est impératif de prévoir des niveaux plus élevés
de financement de base pour les travaux de recherche scientifique indépendants,
assortis d'une approche plus cohérente et rigoureuse de l'utilisation,
par les pouvoirs publics, des avis scientifiques, dans l'élaboration
de leurs politiques. La croissance attendue de la biotechnologie exige
une meilleure transparence de l'industrie et une obligation plus grande
de justifier son action. Il est indispensable de favoriser la participation
des travailleurs et des syndicats aux prises de décisions en matière
de biotechnologie et les syndicats devront être représentés
dans le "Forum international" sur la biotechnologie et la sécurité
alimentaire, proposé par l'OCDE. L'innocuité des aliments
et la sécurité du public peuvent se trouver valorisées
grâce à cette participation qui peut servir de base au soutien
des programmes ayant pour but de traiter les répercussions sociales
de la biotechnologie. Cette nouvelle technologie doit être mise à
profit pour créer des emplois et réduire la pauvreté.
24. Il ne faut pas laisser la biotechnologie aggraver les problèmes
de développement en diminuant l'accès à la propriété
intellectuelle ou au transfert de technologie. Il faut notamment réduire
tout nouveau développement du contrôle concentré sur
le parc génétique des plantes et des denrées alimentaires.
L'octroi de permis pour l'utilisation des droits de propriété
intellectuelle doit se faire de manière à contribuer aux
perspectives de développement à long terme des pays bénéficiaires.
La Convention des Nations Unies sur la Diversité biologique devrait
être renforcée afin d'y faire figurer plus clairement le "principe
de précaution" et il faut vivement encourager sa ratification.
La responsabilité du G8 dans la promotion de la paix et de
la justice sociale
25. Les événements historiques de ces dix dernières
années ont brisé les espoirs d'un monde plus paisible et
plus juste que devait apporter la fin de la guerre froide. Les tensions
territoriales et les conflits ethniques et religieux se sont intensifiés
; le recours aux armes et les ventes de matériel de guerre augmentent
et on a constaté la reprise des essais nucléaires ainsi que
le développement des armes nucléaires. Une telle situation
ainsi que la crise qui touche les organisations internationales, la dégradation
de l'environnement et les crises financières périodiques,
montrent que ce n'est pas uniquement par la coopération des pays
du G8 que l'on pourra résoudre les problèmes actuels. Aussi,
tous les pays, développés et en développement, devraient-ils
coopérer pour s'attaquer à ces difficultés en renforçant
notamment le fonctionnement des organisations internationales. Les gouvernements
du G8 devraient prendre des initiatives pour faire en sorte d'atteindre
cet objectif.
26. Les Nations Unies ont pour mission de régler les conflits
internationaux et de maintenir la paix. Il faut leur donner suffisamment
de moyens et des compétences appropriées pour tenir leurs
engagements. Bien qu'il soit important de pouvoir se procurer des informations
précises et objectives lors du règlement de conflits armés,
les NU ne sont dotées ni du pouvoir ni des mécanismes nécessaires
à l'obtention de ces informations. Et leurs actions sont également
limitées même dans les situations de crise. Il est maintenant
indispensable de procéder tout d'abord à un examen approfondi
des procédures pour que les décisions prises par les NU reçoivent
le soutien général de l'opinion publique, et de renforcer
ensuite les pouvoirs des NU afin de leur permettre de réagir plus
rapidement. La Cour internationale de Justice devrait être également
utilisée sans réserve.
27. Nous sommes inquiets de constater qu'il existe encore dans le monde
de graves cas d'oppression de la démocratie. Nous réaffirmons
en particulier notre protestation contre le régime militaire de
Myanmar. Les gouvernements du G8 devraient apporter leur soutien à
la résolution concernant l'utilisation généralisée
du travail forcé au Myanmar, adoptée à la Conférence
internationale du Travail en 1999 et prendre des mesures adéquates
pour faire en sorte que le gouvernement abolisse le travail forcé
et reprenne le dialogue avec la LND en vue de restaurer la démocratie.
(1) La présente déclaration a été
préparée par la Commission syndicale consultative auprès
de l'OCDE (TUAC) en collaboration avec nos organisations partenaires, notamment
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL),
la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération
européenne des syndicats (CES).