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DECLARATION DU TUAC
A L'INTENTION DES MINISTRES
DE L'EDUCATION DE L'OCDE
(Janvier 1996)
" Faire de l'apprentissage à vie une réalité
pour tous "
- INTRODUCTION
- L'apprentissage à vie pour tous est aujourd'hui une idée
communément admise. Sans être nouveau, le concept prend un
nouveau relief. L'apprentissage à vie n'est plus considéré
comme une seconde chance pour ceux dont la scolarité a été
un échec, c'est aujourd'hui un tremplin permettant à chacun
de perfectionner sans cesse ses connaissances et sa formation pour s'adapter
aux mutations dans un contexte de rapide mondialisation. L'apprentissage
à vie interpelle tous les acteurs de la société mais
la principale responsabilité en ce qui concerne l'avenir, comme
le passé et le présent, incombe aux gouvernements. Actuellement,
le manque de confiance semble les empêcher de prendre les décisions
nécessaires pour accroître l'investissement dans les systèmes
d'éducation et de formation. Certains conseillers politiques sont
même allés jusqu'à suggérer qu'il était
possible de faire face à ce défi de l'apprentissage à
vie en utilisant plus efficacement les ressources existantes. En réalité,
pour être constructif, il faut trouver davantage de ressources, outre
celles déjà existantes. La société jugera les
gouvernements dans ce domaine non pas sur leurs promesses, leur rhétorique,
mais sur leur action.
- Il faut aujourd'hui mettre en place une politique permettant à
chacun d'avoir accès à l'apprentissage à vie. Ce souhait
rencontre un large consensus, néanmoins, là où il
fait défaut c'est sur la panoplie de mesures et de mécanismes
à mettre en Ïuvre. L'absence de consensus est visible à
travers la gamme de réformes en matière d'éducation
et de formation opérées dans la zone OCDE, chacune voulant
pallier aux échecs antérieurs. Le TUAC se réjouit
de cette approche, mais il met en garde contre l'adoption d'une méthode
dogmatique, qui consisterait à mettre en place des réformes,
du sommet à la base, sans participation des partenaires sociaux.
L'expérience montre qu'une telle pratique conduit invariablement
à un échec aggravé, suivi d'une révision tenant
compte des positions des travailleurs et du patronat. C'est cette prise
en compte que le TUAC qualifie d'approche "partenariale" pour
la mise en place de l'apprentissage à vie. C'est ainsi que des voies
innovantes en matière de financement, et l'élaboration de
politiques pour combattre l'exclusion sociale, peuvent assurer à
tous une approche de l'apprentissage à vie de qualité totale.
Il faut en outre souligner le rôle de premier ordre que joue la dimension
internationale, en ce sens que la mondialisation des économies et
des sociétés offre, dans les domaines de l'éducation
et de la formation, de nouveaux défis et de nouvelles perspectives,
qui ne peuvent être abordés au seul niveau national.
- L'approche du TUAC à l'égard de l'apprentissage à
vie et l'action des décideurs politiques pour mettre en Ïuvre
les mécanismes nécessaires sont exposées ci-après.
La section I introduit le sujet en présentant la réflexion
des syndicats sur les problèmes auxquels sont confrontés
les systèmes contemporains d'éducation et de formation. La
section II, s'appuyant sur des études de cas de "bonne pratique",
expose les vues du TUAC sur le fonctionnement pratique de l'approche "partenariale"
de l'apprentissage à vie. La section III donne une idée du
rôle crucial de la dimension internationale, offrant de nouveaux
systèmes d'éducation et de formation, et son rôle dans
la promotion de la démocratie. La section IV explique comment développer
des voies innovantes pour le financement de l'apprentissage à vie.
La section V met en évidence l'ensemble des politiques nécessaires
pour garantir que l'apprentissage à vie joue un rôle prépondérant
dans le combat contre l'exclusion sociale, comme dans l'étendue
des bienfaits de l'éducation et de la formation à toutes
les couches de la société. La section VI résume les
principaux thèmes développés dans cette déclaration,
et propose de nouvelles voies à l'OCDE pour répondre au défi
que pose l'accès de tous les individus à l'apprentissage
à vie.
- LES SYSTEMES CONTEMPORAINS D'EDUCATION ET DE FORMATION
L'approche de la crise
- Face à la mondialisation, les sociétés et les
économies évoluent à un rythme sans cesse accéléré;
l'emploi dépend de plus en plus du degré de connaissances;
et déjà un tiers des adultes dans la plupart des pays de
l'OCDE, ne possèdent pas actuellement le niveau minimum permettant
de lire, écrire et compter. La demande de personnel non qualifié
est en recul par rapport au personnel qualifié, et la rémunération
des qualifications augmente comparée aux salaires des non-qualifiés,
qui, dans certains pays, ont considérablement chuté.
- Les travailleurs non-qualifiés ne sont pas les seuls à
subir le choc de l'évolution du paysage économique. Tous
les travailleurs sont maintenant confrontés aux réalités
de la "flexibilité" du marché du travail des années
1990. Les cadres moyens, les fonctionnaires ainsi que d'autres travailleurs
professionnels sont "réduits", "reclassés",
"sous-traités" au fur et à mesure que les entreprises
et les gouvernements se débattent avec les problèmes de restructuration
économique et les pressions générées par la
compétitivité. L'insécurité suit les traces
du marché de l'emploi et concerne tous les travailleurs, jeunes
et anciens, intellectuels et manuels.
- La flexibilité du marché du travail et l'insécurité
de l'emploi réduisent les perspectives de formation - et ne
sauraient les favoriser comme certains le prétendent. La formation
du personnel à temps partiel ou temporaire ne suscite pas d'enthousiasme
de la part des employeurs, qui ne perdent pas de vue le principe du rendement
de leur investissement. Les femmes et les minorités ethniques sont
particulièrement affectées, leur formation se fait le plus
souvent de façon informelle, "sur le tas", et a trait
à des qualifications de faible niveau. La flexibilité du
marché du travail dans ces conditions compromet la mise en valeur
des capacités et la formation dont les employeurs ont besoin pour
être compétitifs sur les marchés mondiaux.
- Si l'on y ajoute la situation désastreuse du chômage de
longue durée, le tableau devient encore plus sombre. Dans de nombreux
pays de l'OCDE, le chômage de longue durée étend maintenant
son ombre sur une troisième génération de familles.
Habitant souvent au cÏur des vieux quartiers, ou dans des banlieues
éloignées des nouveaux sites d'emploi, ces chômeurs
sont de plus en plus rejetés en marge de la société
conventionnelle. L'exclusion sociale affecte également les minorités
ethniques dans une large disproportion. Aujourd'hui, avec la ségrégation
professionnelle, l'effondrement de la demande de ce type de main-d'Ïuvre
les pousse toujours davantage vers le bas de l'échelle des possibilités.
- Ces facteurs se conjuguent pour créer un mélange explosif
de désespoir, dont l'élite tire profit au détriment
des exclus et des marginalisés de nos sociétés, dans
lesquelles un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens voient s'amincir
la frontière entre la sécurité sous un toit et le
dénuement sans abri. Dans "La culture du contentement",
ouvrage publié en 1992, John Kenneth Galbraith mentionnait que les
deux tiers de la société vivaient dans une relative abondance
à côté du tiers vivant dans une relative pauvreté.
Mais aujourd'hui, les commentateurs parlent de quarante pour cent de satisfaits,
et de soixante pour cent vivant dans la crainte de perdre leur emploi ou
ayant sombré dans le désespoir. Cette "sous-catégorie",
en perpétuelle augmentation, que l'insécurité et la
pauvreté privent de plus en plus de leurs droits civiques, recherche
souvent une issue à travers les délits, les drogues, ou l'économie
parallèle - qui ne feront que les rejeter plus encore de la société
conventionnelle.
- En ce qui concerne la formation professionnelle dans bon nombre de
pays, le système d'apprentissage, consistant à donner à
ceux qui quittent l'école précocement les qualifications
nécessaires pour s'engager dans la vie active, a failli échouer.
La philosophie des années 80, à savoir que le marché
fournirait la formation professionnelle appropriée, n'a pas abouti,
la plupart des gouvernements n'ayant par conséquent d'autre solution
que de rétablir les systèmes dont leurs propres politiques
avaient entraîné l'effritement. Là où le "système
dual" a prévalu, les résultats en termes d'efficacité
et de rendement au plan économique le plus large ont justifié
l'investissement initial public et privé. Aujourd'hui, cependant,
les pressions sur ces systèmes se font plus fortes, du fait des
changements organisationnels qui apparaissent dans les entreprises. Les
entreprises qui "temporisent" et qui "régressent"
se tournent davantage vers la formation interne pour répondre à
leurs propres besoins, évoquant la pression exercée par les
coûts pour réduire les dépenses consacrées à
la formation professionnelle. L'approvisionnement par sous-traitance contribue
aussi à la réduction des coûts de formation professionnelle,
ce qui est souvent le cas des petites et moyennes entreprises qui ne sont
pas en mesure de financer la formation.
- La politique publique témoigne d'un paradoxe évident.
Il existe un large consensus selon lequel l'éducation et la formation
détiennent les clés du futur, car elles sont parmi les investissements
les plus significatifs qu'une société peut faire pour son
propre avenir. Mais l'investissement public pour l'éducation et
la formation a été réduit, souvent de façon
considérable. Le secteur privé n'a pas compensé cette
perte de l'investissement public, et en fait, il a lui-même réduit
ses propres niveaux d'investissement, pour les raisons évoquées
ci-dessus. Ce contexte a déterminé l'impact de la politique
économique des gouvernements sur le secteur éducatif. Dans
certains pays, les réformes ont tenté d'introduire une concurrence
entre établissements scolaires et collèges techniques visant
à accroître les choix, les ouvertures, les responsabilités
et l'efficacité. Mais après évaluation il s'avère
qu'elles n'ont engendré ni efficacité renforcée ni
création de marchés pour la formation. En fait, des répercussions
négatives ont entravé l'acquisition des compétences,
en particulier le manque de coordination de l'enseignement dispensé,
la limitation des responsabilités politiques professionnelles et
locales, l'introduction de distorsions dans les processus de sélection,
l'accent étant mis sur les résultats.
- En résumé, les systèmes d'éducation et
de formation dans la plupart des pays de l'OCDE approchent de l'état
de crise. D'une part, les gouvernements, pour répondre à
la demande de consolidation budgétaire, réduisent les dépenses
de fonctionnement et de capitaux, et d'autre part les entreprises cherchent
à dispenser la formation minimale requise dans un marché
mondialisé. Les coûts à long terme de cette stratégie
l'emporteront de loin sur les profits financiers à court terme.
Le temps est venu de mettre en Ïuvre le programme syndical pour un
apprentissage à vie.
- FAIRE DE L'APPRENTISSAGE A VIE UNE REALITE : LE PROGRAMME
SYNDICAL POUR LE CHANGEMENT
L'approche partenariale
- De toute évidence, la responsabilité en matière
d'apprentissage à vie dépasse le rôle du gouvernement
central. Les autres parties prenantes, dont les partenaires sociaux, doivent
être impliquées dans la détermination et la mise en
application des politiques pour un apprentissage à vie. C'est le
processus que le mouvement syndical nomme approche "partenariale".
A partir d'initiatives de "bonne pratique" dans des pays de l'OCDE,
il devrait servir de base pour mettre en Ïuvre les divers programmes
de réforme. Par essence, le gouvernement doit travailler en coopération
avec les partenaires sociaux et autres, afin d'analyser les problèmes
actuels et à venir auxquels sont confrontés les systèmes
d'éducation et de formation, puis obtenir un consensus sur les politiques
susceptibles de les surmonter. Suivent trois études de cas illustrant
l'approche "partenariale" du mouvement syndical pour mettre en
Ïuvre les réformes de l'enseignement.
Etude de cas : 1 - L'approche "partenariale"
australienne
En Australie, le processus de réforme découle
de l'accord sur l'enseignement d'octobre 1993, conclu entre le gouvernement
fédéral et les syndicats d'enseignants. Il se concentre sur
10 domaines prioritaires, notamment l'engagement : de mettre en place
au niveau national une stratégie de perfectionnement professionnel
visant à gérer la formation et la promotion des enseignants;
d'encourager les employeurs et les syndicats à négocier des
accords au niveau de l'Etat/du Territoire pour garantir à l'enseignant/au
formateur des disponibilités lui permettant de participer au programme
de perfectionnement professionnel; de travailler ensemble à la détermination
de normes de compétence reconnues pour tout le personnel. C'est
l'illustration d'une bonne pratique mise en place au niveau fédéral
bien qu'elle n'ait pas toujours été appliquée au niveau
national.
L'expérience de l'approche "partenariale"
australienne a été discutée à la conférence
sur le partenariat et la réforme de l'éducation, qui s'est
tenue à Canberra (Australie) en juin 1994. Organisée conjointement
par le gouvernement fédéral australien et le syndicat australien
de l'éducation, la conférence a réuni une grande diversité
d'experts représentant des gouvernements, l'OCDE, l'UNESCO, et des
syndicats. Les participants ont considéré la réforme
de l'éducation comme un facteur clé pour la reprise économique
et sociale des nations. Ils sont convenus de la nécessité
d'un dialogue entre le gouvernement et les syndicats d'enseignants, qui
agirait comme un catalyseur dans la perspective du changement, tout en
supprimant les probabilités de conflit inhérentes à
l'ancien système. Ils ont également admis qu'aucun groupe
ne réussirait en agissant indépendamment, et que la réforme
ne pourrait être fructueuse que par un travail commun dans le cadre
d'une approche "partenariale". Les domaines clés de la
réforme ont été identifiés comme suit :
| une éducation de qualité -- déterminer
des critères évaluant la réussite de l'enseignement
et des études, les mettre en application et les contrôler
au sein des écoles ; |
| la garantie d'un engagement -- à s'ajuster
aux changements et améliorations dans les actions éducatives
; |
| des réformes -- doivent être envisagées,
engagées et soutenues ; |
| l'intégration -- de l'éducation
avec d'autres institutions sociales, comme les services de protection sociale,
de santé, d'éducation de la prime enfance, et autres services
sociaux ; |
| la formation initiale de l'enseignant -- des
méthodes nouvelles et alternatives doivent être recherchées
; et |
| le développement de la technologie --
en particulier le concept et l'usage des technologies informatiques appliquées
à l'enseignement. |
Etude de cas : 2 - L'approche "partenariale"
norvégienne
En août 1994, le gouvernement norvégien
et les partenaires sociaux ont engagé ensemble un processus de réforme
du cycle supérieur de l'enseignement et du système de formation.
Les problèmes suivants se posaient : faible taux de réussite
en fin de scolarité conjugué à un déclin des
opportunités d'enseignement pour les adultes; recul du statut de
la formation professionnelle et indisponibilité générale
de possibilités d'apprentissage; inégalités sociales
et géographiques; inadaptation des programmes et des méthodes
d'enseignement aux besoins futurs, illustrée par un nombre excessif
de points d'entrées dans le système de l'éducation
et de la formation postscolaires.
Dans le contexte norvégien, ce processus
d'approche "partenariale" a abouti aux solutions suivantes :
| tous les étudiants de 16 à 19 ans
ont droit à trois années d'enseignement secondaire, que les
autorités régionales ont l'obligation de dispenser. De plus,
à l'entrée dans l'enseignement supérieur, tous les
élèves ont le droit d'être admis dans l'une des trois
premières structures choisies ; |
| Les "points d'entrée" ont été
réduits de plus de 100 à 13, et au fur et à mesure
que les élèves et les apprentis avancent dans le système,
ils bifurquent vers des orientations plus spécialisées. Le
nouveau système dual de formation professionnelle implique deux
années d'enseignement scolaire associées à deux années
de formation rémunérée au sein d'une entreprise. Les
entreprises qui engagent des apprentis obtiennent le remboursement de la
partie de la formation qui relève de l'enseignement ; |
| les enseignants et leurs syndicats prennent part
à l'élaboration des programmes ; et |
| un fonds paritaire a été créé
par les syndicats et les employeurs, en vue de l'éducation et de
la formation des adultes. |
Etude de cas : 3 - L'approche "partenariale"
irlandaise
Dans le cadre d'une série d'accords conclus
depuis 1987 entre le gouvernement irlandais, les employeurs et les syndicats,
notamment d'enseignants, un processus d'amélioration et de révision
du système éducatif a été entrepris. Tout accord
sur des questions économiques et sociales intègre une section
sur l'éducation à laquelle souscrivent les syndicats d'enseignants,
le Département national de l'Education, et les employeurs. Ces accords
concernent différents aspects de l'évolution et de l'amélioration
du système éducatif, y compris le lien entre l'éducation
et l'emploi, et l'orientation qui peut être prise pour aménager
le système de façon à accroître les débouchés
pour les étudiants. Un accent soutenu est mis sur la notion d'équité
et l'accès aux services éducatifs pour tous. L'éducation
des adultes et l'éducation permanente sont encouragées et
les ressources ciblées sur l'éducation des catégories
de population défavorisées.
Comme conséquence, en partie, des progrès
réalisés par la conclusion de ces accords, un processus de
révision, de remise au point de l'ensemble du système d'enseignement
a pris forme pour culminer en 1995 avec la publication par le gouvernement
d'un "Livre blanc sur l'éducation". C'était la
première grande tentative de réflexion, de reconsidération
et de réorientation du système depuis la fondation de l'Etat
irlandais. Ce "Livre blanc" a été élaboré
à travers un processus de consultation impliquant toutes parties
intéressées dans le système, et les partenaires sociaux.
C'était une initiative sans précédent pour garantir
l'appui du consensus de la société en général
sur l'avenir du système d'éducation. Elle a impliqué
la publication d'un "Livre vert" auquel toutes les parties intéressées
ont été invitées à réagir, la convocation
d'une grande Convention Nationale sur l'Education réunissant également
tous les intéressés, l'organisation d'autres conférences
sur des sujets spécifiques, et finalement la publication d'un "Livre
blanc" basé sur les propositions et les observations. Une autre
consultation a lieu actuellement sur les applications de divers aspects
du "Livre blanc", qui contient l'engagement d'ouvrir des négociations
entre les syndicats d'enseignants, les employeurs et le Département
de l'Education sur les propositions affectant directement les modalités
et conditions d'emploi.
Les enseignants sont représentés
dans tous les comités et groupes de travail qui examinent les questions
relatives aux programmes. Le "Livre blanc" est un document de
grande envergure, qui aborde les principes philosophiques sous-tendant
le service de l'éducation en Irlande, les structures par le biais
desquelles il est dispensé, l'avenir de la profession enseignante,
et qui instaure des systèmes pour le contrôle et l'évaluation
de tous les aspects de ce service.
- Ces cas, relevés en Australie, Norvège et Irlande, ne
sont que trois exemples de l'approche "partenariale" apte à
réformer les systèmes d'éducation et de formation
professionnelle, mise en Ïuvre ou sur le point de l'être au
sein de la zone de l'OCDE. Il y a des leçons à retenir de
ce processus, qui constitue un élément des programmes de
réformes pour l'apprentissage à vie. Mais pour donner aux
jeunes comme aux aînés la confiance leur permettant de prendre
part à ce processus, les gouvernements doivent contribuer à
assurer que la sécurité de l'emploi est comprise dans le
concept d'apprentissage à vie.
- Tout ceci va bien au-delà du vieux concept de la sécurité
de l'emploi. Dans un monde en rapide mutation, les travailleurs, quel que
soit leur emploi, sont susceptibles de changer d'orientation professionnelle
plus fréquemment que dans le passé, en d'autres termes intégrer
ou quitter des emplois et des systèmes d'éducation et de
formation selon une fréquence jamais envisagée auparavant.
Pour faciliter cette mutation, les gouvernements doivent rejeter le programme
négatif de la "flexibilité" du marché du
travail, et adopter le programme syndical d' "adaptabilité"
positive du marché. Une base de dispositions positives en faveur
des travailleurs, mise en Ïuvre avec l'accord des syndicats, et conjuguée
à l'adoption de politiques pour la croissance économique
et l'expansion de l'emploi, garantira l'ancrage de l'apprentissage à
vie dans un climat de confiance. Actuellement, l'insécurité
régnant au sein des marchés du travail signifie que beaucoup
de travailleurs ne sont guère plus éloignés de la
pauvreté que de leur prochaine paie. Il faut inverser cette situation
pour faire de l'apprentissage à vie une réalité.
- L'approche "partenariale" inclut également la question
de la gestion des entreprises et son incidence sur la performance économique.
On a souvent constaté que de nombreux pays tombent dans le piège
de l'équilibre des qualifications, où le problème
est à la fois celui de l'offre et de la demande. Les systèmes
statutaires de formation sont censés accroître la performance
économique en obligeant les employeurs à dispenser la formation
au sein de l'entreprise, plutôt que d'attirer des travailleurs déjà
qualifiés. Cette pratique n'augmente pas forcément la demande
de qualifications car la décision d'un employeur de ne pas faire
de formation peut être une réponse rationnelle à une
politique de production et de coûts de main-d'Ïuvre peu élevés. Les
politiques gouvernementales doivent promouvoir la demande de qualifications
en encourageant les entreprises qui investissent dans la formation et dans
la stratégie industrielle future. Les réformes des systèmes
de gestion des entreprises, en particulier celles visant à encourager
le rôle des syndicats dans ce contexte, favoriseraient à la
fois la demande de qualification et la formation.
LA DIMENSION INTERNATIONALE
- Les systèmes éducatifs reflètent actuellement
l'histoire sociale et culturelle de la nation. Cependant, de même
que l'économie mondiale se développe, nos idées évoluent
sur la façon d'envisager les systèmes éducatifs. Ils
ne se borneront pas à la formation aux langues et à la diffusion
de la nouvelle technologie dans la communauté enseignante. Certaines
écoles expérimentent déjà les autoroutes de
l'information, et leur usage de plus en plus répandu révolutionnera
les méthodes et les pratiques de l'enseignement. Les décideurs
politiques peuvent instantanément exploiter les derniers développements
venus d'autres pays, et les entreprises multinationales transférer
des informations et des programmes de formation à leurs filiales
à travers le monde. Ces seuls facteurs signifient que les décideurs
politiques devront tenir compte de la dimension internationale lors de
la formulation des politiques pour l'apprentissage à vie.
- Les marchés financiers mondiaux existent déjà,
les marchés de produits et de services s'internationalisent de plus
en plus, tandis que les marchés du travail gardent, en majorité,
leur caractère national. Les systèmes éducatifs ont
un rôle clé à jouer en facilitant la mobilité
de l'emploi à travers les frontières. Les apprentis et les
stagiaires devront être capables de passer d'une institution à
l'autre dans divers pays et ensuite avoir la possibilité de travailler
dans le pays de leur choix. Certaines questions politiques se posent, parmi
d'autres. Comment assurer au niveau national des qualifications transférables
et transparentes au niveau international, afin de faciliter la mobilité
de l'emploi ? Une coordination accrue sera nécessaire entre les
responsables chargés de déterminer les normes au niveau national.
Le rôle de l'enseignant/formateur doit être redéfini,
et de nouveaux contenus de formation devront être établis.
Un dialogue et des négociations entre les syndicats et le patronat
seront nécessaires. Il faudra examiner les questions d'accès
en vue de maintenir l'équité entre tous les individus des
sociétés et par-delà les frontières.
- Au niveau international, les systèmes éducatifs ont aussi
un rôle à jouer pour promouvoir la démocratie, une
bonne gestion des affaires publiques, un développement participatif
et les droits de l'homme. Le plein accès à l'éducation
et à la formation pour tous soutiendra le processus démocratique,
et là où il est établi, les gens sont plus susceptibles
de le promouvoir et de le défendre. Il faut inclure dans ce contexte
l'utilisation des nouvelles technologies. Les autoroutes de l'information,
par exemple, pourraient être exploitées pour communiquer les
méthodes d'éducation et de formation "les plus efficientes",
des pays développés aux pays en développement. De
même, les systèmes de vidéoconférence et de
téléconférence pourraient être exploités
pour l'éducation et la formation des enfants comme des adultes,
mais avec un enseignant/formateur opérant à partir d'un autre
pays.
- Pour rester informés de ces développements, les systèmes
éducatifs et leurs acteurs doivent être partie prenante dans
ce processus. La technologie et la formation devront être diffusées
sur une plus grande échelle, et l'approche "partenariale"
facilitera cette évolution. En tant que parties prenantes, les syndicats
peuvent transmettre aux décideurs politiques les dernières
améliorations qu'utilisent leurs organisations partenaires dans
d'autres pays.
FINANCER L'EDUCATION PERMANENTE
L'éducation initiale et postscolaire
- Actuellement, les pays de l'OCDE dépensent, en moyenne, 6,1 %
du PIB pour l'éducation, la part du lion - 4,9 % - revenant au secteur
public. En incluant la participation aux institutions sociales, et en tenant
compte des différences entre pays, c'est approximativement 12 %
des dépenses publiques de la zone de l'OCDE qui sont consacrés
à l'éducation. En termes d'emploi, l'éducation est
un secteur prépondérant dans la plupart des économies
de l'OCDE, représentant jusqu'à 5 % de l'ensemble des
travailleurs. Le secteur de l'éducation est donc dans son ensemble
une industrie clé, étayant un développement économique
plus ample.
- Il n'est pas surprenant, par conséquent, que les ministres des
finances, sous la pression des compressions de dépenses publiques,
cherchent à réduire l'importance et l'étendue des
ressources affectées à l'éducation. Mais la mise en
Ïuvre d'une telle politique, à l'heure actuelle, serait particulièrement
malencontreuse et constituerait un bien mauvais signal si les gouvernements
entendent sérieusement développer l'apprentissage à
vie et le capital humain. Dans de nombreux pays de l'OCDE, les durcissements
budgétaires des années passées ont déjà
amenuisé les ressources affectées à l'éducation
et à la formation, qu'il s'agisse de transferts de paiement ou d'investissements
de capitaux. Confrontées à des budgets gelés ou à
des diminutions de ressources, beaucoup d'institutions répondent
par le licenciement d'enseignants ou de formateurs et du personnel assistant,
ce qui accroît les ratios enseignants/élèves. En outre,
la plupart des investissements de capitaux nécessaires sont perpétuellement
reportés ou annulés, ce qui aboutit à une situation
où beaucoup d'établissements tombent en ruine.
- Dans certains pays les enseignants et les formateurs, premiers concernés
par ces réductions, se trouvent confrontés à un gel
des salaires imposé par le gouvernement, ce qui aggrave l'état
de démoralisation déjà ressenti à travers les
classes toujours plus chargées, l'insuffisance de personnel de soutien,
et d'infrastructure. Le recrutement et le maintien des enseignants/formateurs
devient un réel problème. Le tableau s'assombrit encore dans
les pays qui ont opté pour une éducation "de masse",
mais sans augmentation proportionnée des dépenses. Dans ces
cas, le décalage entre la mise en Ïuvre des réformes
et l'apparition des problèmes en résultant a disparu. Les
faits démontrent que les problèmes soulignés ci-dessus
se sont aujourd'hui manifestement aggravés dans ces pays.
- Confrontés à l'état d'effritement du secteur éducatif,
les parents se tournent de plus en plus vers le secteur privé. Dans
certains pays, les établissements privés ont joué
un rôle en répondant à des demandes d'ordre religieux
ou culturel. Mais il ne peut s'agir d'une réponse généralisée
à la crise de notre système scolaire car, pour ne considérer
que les coûts, l'éducation privée reste dans une large
mesure l'apanage de la richesse, soulevant par là-même des
questions d'équité. D'autre part, l'incidence de la "ségrégation
par l'éducation" sur les écoles du secteur public revêt
tout autant d'importance. Les parents estimeront ne plus avoir à
payer d'impôt pour financer l'éducation publique, d'où
le risque d'affaiblir encore davantage la base des revenus. Il se produira
un exode des familles et des ressources, qui quitteront les écoles
publiques, et la démoralisation des enfants laissés pour
compte ne fera que s'aggraver. L'expérience démontre que
les établissements offrant toute une gamme de capacités éducatives
réussissent mieux que celles dont les élèves reçoivent
en général un faible niveau d'instruction. La "solidarité"
éducative en sera par conséquent davantage ébranlée
aux dépens des plus dépourvus.
- Pour endiguer le développement de cette crise, les gouvernements
doivent en premier lieu et par-dessus tout reconnaître le rôle
central du système public d'éducation en mettant en place
l'apprentissage à vie. Les économies de l'OCDE les plus florissantes
ont reconnu ce fait, comme les tigres dynamiques d'Asie qui ont soutenu
la croissance économique avec une expansion massive des systèmes
d'éducation financés par l'Etat.
- Une clé déterminante de la croissance, à savoir
le développement technologique, est fonction des compétences
de la population active, lesquelles émergent d'une plate-forme d'éducation
et de formation. De plus, les emplois du futur reposeront pour la plupart
sur la connaissance, et exigeront un personnel intelligent, capable de
résoudre les problèmes en temps réel. Les pays qui
reconnaissent cette simple vérité, et le rôle central
qu'y joue un système public d'éducation bien établi,
l'emporteront à la fois économiquement et socialement sur
les pays qui réduisent leurs dépenses d'éducation.
Economiquement, les gouvernements n'ont pas d'autre choix que d'investir
massivement dans le secteur de l'éducation publique s'ils souhaitent
la prospérité et le développement de leur nation.
Une dépendance sur le secteur privé pour compenser les réductions
du financement public, ne saurait donc être une panacée pour
l'ensemble de la société. Ce principe vaut tant pour la scolarité
obligatoire que pour l'éducation postscolaire.
- Ce contexte offre à l'industrie la possibilité de jouer
un rôle dans le financement de l'éducation postscolaire, comme
c'est aujourd'hui le cas dans quelques pays. Mais les finances de l'industrie,
souvent caractérisées par la précarité, sont
généralement orientées vers les domaines scientifiques
ou d'ingéniérie. Par conséquent, si ce type de financement
est le bienvenu, il ne saurait constituer la base permettant d'envisager
une stratégie pour l'extension de l'éducation postscolaire.
L'Etat doit continuer à jouer le premier rôle dans ce domaine.
- Le TUAC est préoccupé par les tendances observées
récemment dans certains pays, où les gouvernements contraignent
les particuliers à partager le coût de l'éducation
postscolaire, par exemple à travers la suppression progressive des
bourses et leur remplacement par des prêts. L'expérience récente
semble indiquer que cette évolution exclut progressivement de l'éducation
postscolaire les personnes appartenant à des familles à faibles
revenus ou à des minorités ethniques. Il en résultera
un renforcement de l'élitisme universitaire, endémique dans
beaucoup de pays, puis un affaiblissement des efforts visant à favoriser
l'accès à l'enseignement supérieur.
- Dans ce domaine, les politiques gouvernementales doivent renforcer
la tendance à une participation plus importante, justifiant le besoin
d'augmenter le personnel enseignant et non enseignant, nécessaire
au maintien des niveaux. Il faut que la formation des enseignants à
de nouvelles méthodes de travail figure en bonne place dans la liste
des priorités, et la conception des programmes implique une totale
collaboration avec les enseignants et leurs syndicats. L'accueil massif
au niveau de l'éducation postscolaire doit aussi prendre en compte
la nécessité d'assurer la plus large participation de toutes
les couches de la société et sortir des voies élitistes
du passé. Il incombe aux gouvernements de concevoir des programmes
qui permettent aux étudiants de passer des cours de type universitaire
à ceux de nature professionnelle et vice-versa.
Formation professionnelle initiale et formation professionnelle
continue
- L'approche "partenariale" de la formation permanente et des
politiques actives du marché du travail visant à ramener
les chômeurs vers l'emploi, induit une nouvelle considération
des systèmes eux-mêmes et, dans ce cadre, de la responsabilité
du financement. Ce sont autant de défis et d'opportunités
pour les gouvernements, les entreprises, les particuliers et les syndicats.
Les rôles respectifs de ces acteurs différeront selon le problème
envisagé.
- Le rôle du gouvernement réside dans plusieurs domaines.
Premièrement, un rôle clé lui revient en élevant
le statut et le prestige de la formation professionnelle en tant que passerelle
vers l'emploi pour les jeunes. Il faudra donc une convergence entre, d'une
part l'enseignement technique et la formation professionnelle (VOTEC),
et d'autre part l'enseignement général, par le biais de l'élimination
des divergences entre les deux systèmes. Il sera nécessaire
dans cette perspective de planifier de manière stratégique
les futurs systèmes et d'assurer le financement à long terme.
- Si l'on considère la multiplicité des systèmes
existants, aucun pays ne possède toutes les réponses. On
peut toutefois indiquer, comme point de départ, que les systèmes
conjuguant l'apprentissage professionnel et l'enseignement en établissement
scolaire semblent offrir la meilleure voie vers le progrès; ce qui
ne veut pas dire que les pays doivent adopter ce système en bloc,
mais ils pourraient l'adapter avec souplesse pour satisfaire leurs propres
besoins. L'un des avantages de ce système dual est sa capacité
à donner une formation générale, contrairement aux
autres systèmes qui dispensent une formation spécifique à
l'entreprise. Compte tenu de l'accélération de la rotation
et de la mobilité des travailleurs, un système dual offrira
à la composante scolaire du système les meilleures chances
de s'adapter aux besoins futurs.
- Avec un enseignement technique et une formation professionnelle jouissant
d'un statut amélioré et d'une assise financière solide,
le nombre des nouveaux arrivants augmentera. De leur côté,
les entreprises seront incitées à investir dans la formation
interne, rassurées de savoir que l'existence d'un vaste réservoir
de personnel formé compensera les tentatives des profiteurs dans
ce domaine. L'acceptation par les employeurs d'un système de prélèvement
pour aider au financement de l'enseignement technique et de la formation
professionnelle contribuera à fixer un plancher dans un cadre compétitif
et à éliminer la tendance inflationniste du marché
du travail. En outre, ce processus facilitera l'élimination des
inéquités existant actuellement dans le domaine de la formation
en entreprise. Des recherches conduites en Norvège, par exemple,
ont montré que seulement 15 % des travailleurs non qualifiés
recevaient une formation adaptée à leur emploi, alors que
le chiffre correspondant pour le personnel de direction est de 44 %.
Ces inégalités d'accès à la formation sont
répandues dans les pays membres de l'OCDE, et les employeurs doivent
accepter de remplir leur rôle social en garantissant une parité
d'accès à la formation pour tous leurs employés.
- Les gouvernements ont aussi un rôle à jouer en incitant
les entreprises et les particuliers à investir dans l'enseignement
technique et la formation professionnelle. L'OCDE devra explorer des voies
permettant que les incitations fiscales fassent pencher la balance en faveur
de l'investissement dans le capital humain. Le TUAC est prêt à
jouer un rôle dans ce processus. Les gouvernements peuvent également
travailler en vue de réformer les règles régissant
les sociétés afin de récompenser les entreprises investissant
dans l'enseignement technique et la formation professionnelle. Actuellement,
les investisseurs boursiers ignorent quelles entreprises investissent dans
la formation de leurs employés. Il faudrait changer cet état
de choses : des recherches menées aux Etats-Unis indiquent que sur
le long terme, les entreprises qui investissent dans leur personnel ont
généralement de meilleurs résultats que celles qui
ne le font pas. Si les investisseurs en sont conscients, ils renforceront
l'incitation à investir dans ces entreprises qui appliquent de "bonnes
pratiques". Dans cette perspective, les entreprises pourraient être
encouragées, ou obligées de publier, dans leurs rapports
habituels, des informations sur leur niveau d'investissement en matière
de formation. Des méthodes harmonisées devraient être
définies pour la mesure et la transparence comptable de ce type
d'investissement afin que toute publication d'informations soit révélatrice
et comparable.
Etude de cas : 4 - L'approche danoise pour
une politique active du marché du travail
Faisant suite à des consultations élargies
avec les partenaires sociaux, le gouvernement danois a adopté en
janvier 1994 trois lois relatives au droit du travail, inaugurant une nouvelle
politique active du marché du travail pour contribuer à la
lutte contre le chômage. Le nouveau système joue en faveur
des besoins des chômeurs, selon les conditions qui caractérisent
les marchés de l'emploi locaux; il prévoit :
| Un ensemble de conseils régionaux composés
des partenaires sociaux et des autorités locales, qui fixent les
principes de fonctionnement du Service de l'Emploi. Chaque conseil a un
budget déterminé, qui peut être utilisé pour
la formation professionnelle, la formation à l'emploi, l'éducation,
les plans de reconversion, etc., selon les caractéristiques du marché
de l'emploi local. |
| Un "Plan d'action individuel", écrit,
qui expose les besoins des chômeurs et assure leurs droits fondamentaux.
|
La législation de 1994 a aussi prévu
l'extension et l'amélioration d'un programme antérieur de
"congé d'éducation" en faveur des chômeurs.
Les employeurs qui participent à ce processus permettent aux travailleurs
de prendre un congé d'éducation, de formation, ou encore
un congé parental ou sabbatique dans la limite d'une année.
Ils sont alors obligés de pourvoir les postes devenus vacants par
l'emploi de chômeurs de longue date. De plus, la Confédération
des syndicats danois (LO-Dk) propose la création d'un fonds pour
l'éducation, égal à un pour cent de la masse totale
des salaires dans l'économie. Cette mesure entrerait progressivement
en vigueur sur une période de cinq ans et permettrait, d'une part
à davantage de travailleurs de prendre un congé d'éducation,
et d'autre part de réintégrer un plus grand nombre de chômeurs
dans le marché du travail.
- S'agissant du rôle de l'individu, dans bien des cas les jeunes
entrant en apprentissage, ou en stage, apportent une réelle contribution
en acceptant une rémunération de stagiaire inférieure
à celle d'un employé qualifié. Le TUAC n'est donc
pas opposé, en principe, à l'idée de travailleurs
apportant ensemble ou individuellement des contributions supplémentaires
à leur formation, mais il conviendrait de satisfaire à certaines
conditions avant qu'ils ne s'engagent eux-mêmes dans cette voie.
Une telle approche doit être négociée, en restant centrée
sur la qualité. En outre, les besoins en formation des économies,
au niveau national, ne seront pas satisfaits par les individus obligés
de financer leur propre formation et recyclage, comme le prétendent
de nombreux employeurs. Par contre, l'Etat, les autorités locales,
et les employeurs, ont une responsabilité à assumer envers
l'individu, en combattant l'exclusion de la formation, c'est un élément
du pacte social devant soutenir la société.
- L'introduction de "banques pour la formation" pourrait contribuer
à élever le niveau de la formation dans les petites et moyennes
entreprises. Les PME ont un rôle prépondérant dans
la création d'emplois; pourtant, l'aspect quantitatif et qualitatif
de leur formation n'est généralement pas parmi les meilleurs.
Des aides financières pour les PME et leurs employés surmonteraient
ce handicap au bénéfice de l'entreprise et de l'économie.
Il convient de faire une distinction concernant la proposition du TUAC
entre des banques pour la formation, visant à aider les entreprises,
et des conseils individuels d'apprentissage auxquels contribueraient les
employés. Ces conseils pourraient être conçus pour
aider à l'orientation des carrières et à la promotion
des employés. Une redéfinition des relations entre les grandes
entreprises et les petites entreprises qui les fournissent serait également
utile. Les grandes entreprises pourraient déléguer des "conseillers"
en formation à leur fournisseurs, qui apporteraient aux PME les
connaissances les mieux appropriées sur les plus récentes
des techniques de pointe. Des mesures favorisant le regroupement de PME
pourraient servir de catalyseur à l'amélioration des niveaux
de qualification, en développant la prise de conscience globale
de l'intérêt de la formation, en rapprochant ces PME des programmes
de financement public, et par suite en les associant à des écoles
d'enseignement technique supérieur et à des centres de recherche
susceptibles de développer de nouvelles techniques de production.
- Ces actions pourraient également contribuer à supprimer
les barrières qui existent généralement entre les
syndicats et les PME. Une grande partie de l'hostilité exprimée
par ces entreprises face aux actions de recrutement des syndicats vient
d'une conception erronée du rôle qu'ils jouent sur le lieu
de travail. Les programmes de financement public à l'intention des
PME, comme le recours plus fréquent à des "conseillers"
de grandes entreprises, pourraient contribuer à informer les dirigeants
des PME de l'intérêt des syndicats. Des prêts aux PME
consentis par une "banque pour la formation" pourraient être
accordés sous condition du droit des travailleurs à la reconnaissance
et à la négociation collective. De telles mesures contribueraient
à créer un climat de grande confiance entre dirigeants, travailleurs,
et syndicats. En Finlande, le gouvernement a introduit, avec le total soutien
des partenaires sociaux, un programme favorable à l'émergence
d'un tel environnement.
Etude de cas : 5 - L'approche finlandaise et
le soutien aux Petites et Moyennes Entreprises (PME)
En Finlande, on a pris conscience des problèmes
particuliers auxquels se trouvaient confrontées les PME, notamment
une insuffisance de professionnels qualifiés et de savoir-faire
en matière de technologie et d'économie. Pour contribuer
à combler cette lacune, un programme tripartite (KEKO) a été
lancé, visant à promouvoir la coopération entre les
PME, et à développer les compétences des professionnels
en chômage, éducateurs, et consultants, en vue de leur engagement
par des PME. Participent à ce programme : le Ministère
de l'Emploi, le Ministère de l'Education et le Ministère
du Commerce et de l'Industrie, les syndicats représentant les professionnels
en chômage, et les organisations d'employeurs représentant
les entreprises participantes. Avec le plein soutien des partenaires sociaux,
les activités sont coordonnées aux niveaux du gouvernement
central et régional.
Ces professionnels et universitaires, en chômage,
suivent un stage de perfectionnement en entreprise tout en participant
à un programme de formation supérieure en université
ou autre institut de formation, conçu pour satisfaire à la
fois leurs propres besoins et ceux de l'entreprise. La durée d'un
programme KEKO varie généralement de six à neuf mois,
dont 20 % de la formation en établissement institutionnel.
Les programmes de formation sont normalement élaborés sur
la base de questions communes, comme par exemple la ligne d'activité
de l'entreprise, la situation géographique, l'aspect qualitatif
du programme ou les besoins du marché à l'exportation. Avec
l'aide du gouvernement, les stagiaires reçoivent l'équivalent
de l'allocation de chômage, plus une allocation de l'entreprise.
Depuis sa mise en place en 1994, ce programme
a bénéficié à près de 1000 intellectuels
en chômage, dont la plupart ont trouvé un emploi permanent
dans l'entreprise où ils étaient placés. Environ 2000
stagiaires sont censés participer en 1996, et pour satisfaire à
la demande le gouvernement a doublé les ressources assignées
au programme.
- En ce qui concerne la formation des chômeurs, beaucoup reste
encore à faire. Dans les pays membres de l'OCDE, la plupart des
aides gouvernementales au chômage sont consacrées à
des mesures passives plutôt qu'actives relatives au marché
du travail. Les politiques gouvernementales devraient viser à transférer
les ressources des mesures passives vers les mesures actives, mais de telle
sorte qu'elles assurent le soutien des chômeurs et ne cherchent pas
à punir les sans-emploi, comme dans le cas de certains travaux qui
leur sont confiés. Les décideurs politiques pourraient tirer
profit de l'enseignement de l'exemple danois lors d'une reconsidération
de leurs propres systèmes.
COMBATTRE L'EXCLUSION SOCIALE
- L'exclusion sociale, par laquelle les travailleurs sont marginalisés
par rapport au grand courant d'activité économique et sociale,
constitue un problème majeur et croissant à travers l'ensemble
de la zone de l'OCDE. Comme indiqué ci-dessus, tous les groupes
d'âge sont touchés, mais plus particulièrement les
travailleurs des minorités ethniques, plus susceptibles d'être
victimes du chômage, et qui connaissent de plus longues périodes
sans emploi. Les raisons qui sous-tendent cette situation sont complexes;
on peut citer la récession, la discrimination dans l'emploi et,
naturellement, la carence d'accès à l'éducation et
à la formation. De nouvelles réflexions et de nouvelles politiques
sont nécessaires pour surmonter ce problème; parmi celles-ci,
l'apprentissage à vie joue un rôle clé.
- Ce rôle de l'apprentissage à vie dans le combat contre
l'exclusion sociale s'observe en considérant parallèlement
la délinquance et la réussite éducative. Des recherches
effectuées dans de nombreux pays mettent en lumière le lien
entre l'exclusion sociale et la montée de la délinquance
qui en découle, l'accroissement du chômage et l'effondrement
des salaires des moins payés. Pour inverser ce processus, il faut
que les gouvernements développent l'activité économique
afin de réduire le chômage et l'insécurité de
l'emploi, qu'ils renforcent les systèmes de salaire minimum et de
protection de l'emploi, et ce dans un cadre de changement structurel à
moyen terme où la croissance économique est induite par des
investissements dans l'infrastructure industrielle et publique.
- Ces actions seront cependant insuffisantes en elles-mêmes, puisque
dans la plupart des cas, ce sont des personnes sans qualification éducative
qui sont entraînées vers la délinquance. C'est ainsi
qu'aux Etats-Unis, en particulier, environ vingt-cinq pour cent de la population
masculine âgée de 18 à 24 ans ne parviennent pas à
terminer la scolarité. Des études révèlent
également que près de 70 pour cent de ce groupe d'âge
en prison ont abandonné l'école. Le lien avec le marché
du travail s'observe dans le fait que les revenus de l'activité
criminelle sont souvent plus attractifs que les très bas salaires
proposés.
- Des politiques appropriées s'imposent pour assurer une scolarité
de qualité à la portée de tous. Les personnes socialement
exclues, qui habitent le plus souvent dans les lotissements des quartiers
pauvres ou des banlieues, ont généralement moins de ressources
pour la scolarité, et les conditions de vie sont plus mauvaises
que dans les quartiers aisés. Il faut s'attaquer à cette
anomalie. En outre, il appartient aux écoles elles-mêmes de
tendre la main aux personnes socialement exclues et de s'impliquer dans
l'élaboration de programmes et de politiques scolaires afin de les
réintégrer dans le système, et qu'ils ne soient plus
considérés comme des marginalisés. S'ils ont le sentiment
qu'ils peuvent trouver un enjeu dans le système scolaire, les exclus
seront plus enclins à y rester pour acquérir des qualifications.
- En quittant l'école, les jeunes ont besoin de sentir que les
voies de l'emploi ou de l'enseignement postscolaire sont ouvertes à
tous. Pour aider les personnes socialement exclues, les conseillers d'orientation
et le personnel du service public de l'emploi doivent être formés
pour comprendre leurs problèmes et les orienter dans une voie correspondant
à leurs besoins. Penser qu'on les oriente simplement vers des emplois
sans issue pour servir les intérêts des autres est inadmissible.
Il faut que la souplesse préside à la mise en place de l'apprentissage
à vie afin de ménager une voie de retour dans le système
à ceux qui quittent l'école sans qualification. Il convient
de rappeler que les jeunes qui ratent leur scolarité sont fréquemment
les victimes d'un système défaillant.
- Pour les personnes socialement exclues, l'apprentissage à vie
peut aussi devenir un outil les préservant de glisser dans le chômage
de longue durée. L'exemple danois exposé ci-dessus montre
qu'on peut faire davantage pour éviter ce type de chômage.
Les écoles et les établissements techniques doivent s'ouvrir
aux chômeurs; il faut regagner leur confiance dans l'apprentissage
à vie, comme étant un moyen de réinsertion dans le
processus de l'enseignement et le monde du travail. Les travailleurs eux-mêmes
auront intérêt à s'y engager, et il incombera aux gouvernements,
pour leur part, de garantir un soutien financier à long terme. Par
ailleurs, lorsque les gouvernements offrent des incitations financières
aux entreprises qui embauchent des chômeurs de longue date, il est
nécessaire de veiller à la haute qualité de la formation
ou de l'accès à l'enseignement offerts.
- La pauvreté au travail peut être atténuée
par l'apprentissage à vie. Les travailleurs peu qualifiés,
ou totalement démunis, se retrouvent fréquemment sur une
voie de garage, ballottés entre le chômage et des emplois
sans issue. L'apprentissage à vie doit constituer un tremplin pour
échapper à ce cycle de désespoir. La création
de "banques pour la formation" et le recours croissant à
des "conseillers", largement utilisés, contribueraient
à soulager la situation.
RESUME ET ACTIONS A MENER PAR L'OCDE
- La présente déclaration du TUAC propose un plan d'action
aux Ministres de l'Education, afin d'offrir avec efficacité à
tous les citoyens la possibilité d'accéder à l'apprentissage
à vie. Des études de cas dans divers pays de l'OCDE y sont
présentées, illustrant la coopération des syndicats
avec les gouvernements et les employeurs pour réformer les systèmes
d'éducation et de formation - processus que le TUAC décrit
sous le nom d'approche "partenariale" pour le changement. Il
s'agit d'une démarche pragmatique pour mener à bien un changement
nécessaire et ouvrir la voie de l'apprentissage à vie.
- Les institutions multilatérales peuvent jouer un rôle
clé dans cette ouverture. La conférence de juin 1994 en Australie,
sur les partenariats dans la réforme de l'éducation, a évoqué
les futurs travaux de l'OCDE encourageant l'approche "partenariale".
La conférence a conclu que l'OCDE pourrait instaurer un dialogue
entre les syndicats et les gouvernements, pour étudier et articuler
des moyens permettant une action conjointe pour réduire le chômage,
contribuer au développement d'écoles plus efficaces, et aider
à répondre au défi de la diversité sociale.
- Le TUAC approuve ces recommandations et demande aux Ministres de l'Education
des pays de l'OCDE d'approuver pareillement l'approche "partenariale"
pour l'apprentissage à vie, telle que proposée dans cette
déclaration, et de l'incorporer dans la charte du Comité
de l'Education de l'OCDE lors du renouvellement de son mandat en 1996.
L'OCDE devrait également jouer un rôle de catalyseur et Ïuvrer
avec le TUAC, ses organisations affiliées, et organisations partenaires
dans le domaines de l'éducation, afin d'établir un cadre
pour la coopération avec le mouvement syndical, et formuler ainsi
que mettre en Ïuvre des propositions politiques pour l'apprentissage
à vie.
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