DÉCLARATION SYNDICALE

 

 


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DÉCLARATION SYNDICALE

A LA RÉUNION DE 1997 DES MINISTRES DU TRAVAIL DE L'OCDE

ET A LA CONFÉRENCE DU G8 SUR L'EMPLOI, A KOBÉ

Octobre - novembre 1997

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Introduction et résumé

1. En mars 1994, les ministres participant à la première Conférence du G7 sur l'Emploi, à Détroit, s'étaient fixé comme objectif de "renforcer la croissance pour créer davantage d'emplois de meilleure qualité et réduire le chômage" (1). Pourtant, en 1997, il y a encore 36 millions de chômeurs dans les pays de l'OCDE, les taux de chômage ont augmenté dans la plupart des pays européens, aux Etats-Unis, le salaire réel de 60 pour cent des salariés les moins bien payés est toujours inférieur à celui de 1973 et le Japon est confronté à la récession.

2. Pour un grand nombre de ménages actifs, l'intégration économique internationale de plus en plus poussée s'est accompagnée d'un accroissement de l'insécurité, de la rationalisation, de la pression de la concurrence et de la crainte du chômage. Dans ces circonstances, il existe un réel danger de voir la cohésion sociale se dissoudre et entraîner une réaction de rejet de la part de l'opinion publique, face au système mondial des échanges et des investissements.

3. La cause de ce malaise social n'est pas tant la mondialisation que le fait de manquer d'efficacité dans la gestion des marchés mondiaux et de mettre en place de bonnes politiques intérieures. Les pays industrialisés doivent parvenir à une croissance plus rapide et respectueuse de l'environnement. Ils doivent faire en sorte que celle-ci se traduise par une augmentation du nombre d'emplois. Ils doivent rétablir le lien entre un accroissement du nombre d'emplois et des emplois de meilleure qualité assortis d'une progression des salaires et ils doivent garantir la protection des droits des travailleurs dans le cadre du système multilatéral. Ils se doivent aussi de faire profiter les pays en développement des bienfaits de la croissance durable.

4. Les syndicats ont un rôle capital à jouer pour permettre la réalisation de ces objectifs. Ils sont nécessaires pour assurer la protection des travailleurs face à l'insécurité croissante, pour contrôler la propagation des emplois précaires, aider à lutter contre les bas salaires et à syndiquer les femmes qui sont de plus en plus nombreuses à travailler et les nouvelles catégories professionnelles. Dans leurs stratégies de négociation collective les syndicats ont pris l'initiative, lors des négociations, de donner priorité à l'emploi. Dans de nombreux pays, les syndicats participent activement à la mise en oeuvre de systèmes prévoyant l'apprentissage à vie et l'application de mesures actives visant le marché du travail. Au niveau de l'entreprise, ils peuvent jouer un rôle capital pour permettre aux travailleurs de se faire entendre lorsqu'il est question de changements structurels et technologiques. Les pouvoirs publics et les employeurs doivent accepter et encourager le partenariat actif des syndicats pour gérer les changements dans l'entreprise.

5. La série de réunions internationales à haut niveau, sur l'emploi, qui vont se tenir prochainement - la réunion des ministres du Travail de l'OCDE (en octobre) ; le Sommet de l'Union européenne, sur l'Emploi (en novembre) ; la Conférence du G8 sur l'Emploi, à Kobé (en novembre) ; et la Conférence du G8 sur l'Emploi, à Londres (en février 1998) doivent être l'occasion pour les gouvernements de démontrer que des progrès décisifs ont été accomplis dans la réalisation de ces objectifs. Cette tâche dépasse les attributions classiques des ministres du Travail. Les mesures à prendre pour réduire le chômage, créer des emplois de qualité et combattre l'exclusion sociale doivent être la responsabilité collective des pouvoirs publics par le biais d'une coopération entre tous les ministères et les banques centrales. De concert avec les partenaires sociaux, les gouvernements doivent s'engager à :

- lancer une initiative en faveur d'une croissance durable ;

- mettre en oeuvre une stratégie permettant de traduire la croissance en emplois de qualité :

. en luttant contre les bas salaires,

. en développant les emplois dans le secteur des services,

. en encourageant l'emploi durable,

. en prenant des mesures actives visant le marché du travail,

. en mettant en oeuvre l'apprentissage à vie,

. en établissant un partenariat pour le changement sur le lieu de travail,

. en gérant l'aménagement du temps de travail et en allongeant le temps d'apprentissage ;

- s'adapter à une société vieillissante ; et

- faire respecter les droits des travailleurs dans le cadre du système mondial des échanges et des investissements.


Une initiative en faveur d'une croissance durable

6. Les marchés du travail ne peuvent pas résoudre les problèmes ayant leur origine dans un autre secteur de l'économie. Le maintien d'une croissance plus rapide et d'une conjoncture économique soutenue est essentiel à la création d'emplois bien rémunérés. Il faut surmonter la faiblesse des mécanismes de définition des politiques. Actuellement, les différents gouvernements sont incités à mettre en oeuvre des politiques d'austérité qui leur donnent un avantage particulier sur les marchés mondiaux des obligations. Lorsque tous les pays suivent de telles politiques, il en résulte une grave dérive déflationniste de la politique économique.

7. Il est indispensable d'assurer une véritable coordination au niveau macroéconomique en vue de stimuler la croissance. Au Japon, il faut accroître la demande intérieure. Aux Etats-Unis, une politique monétaire expansionniste a révélé que la croissance pouvait être soutenue. En Europe, il existe des possibilités de croissance plus rapide sans inflation. Une action concertée est nécessaire pour garantir de faibles taux d'intérêt réels et il faut mettre en place, avec la constitution de l'Union monétaire européenne, un cadre efficace favorable à la croissance et à l'emploi. Les réserves de l'Union européenne devraient servir à mettre en oeuvre des projets d'investissement dans les infrastructures, respectueux de l'environnement. Une stratégie de ce type contribuerait aussi à maintenir la croissance dans le monde entier. Elle doit également concorder avec les stratégies relatives à la pérennité de l'environnement et la réduction des émissions de gaz entraînant un effet de serre.

8. Les pouvoirs publics doivent maintenir une base d'imposition correcte afin d'alimenter les finances publiques dans le contexte de la mondialisation. Faute d'avoir suffisamment taxé les entreprises multinationales, le revenu du capital et les bénéfices, il s'est produit une érosion de l'assiette fiscale et un glissement du fardeau fiscal vers les travailleurs qui en supportent une part disproportionnée. Le transfert du poids de la fiscalité sur la consommation, au bénéfice des revenus, a rendu les systèmes plus régressifs. Il faut instituer des accords internationaux pour assurer une imposition équilibrée du capital et des bénéfices tout en mobilisant le soutien de l'opinion publique en faveur d'un régime fiscal équitable. L'OCDE doit jouer un rôle de pionnier pour empêcher une concurrence fiscale préjudiciable.


Traduire la croissance en emplois de qualité

9. Il est indispensable que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics mènent une action conjointe pour faire en sorte que la croissance économique plus rapide se traduise par une croissance des emplois de qualité qui évite les goulets d'étranglement inflationnistes. Pour cela, il faut des marchés du travail adaptables qui encouragent l'innovation, facilitent les investissements en capital humain dans l'ensemble de la population active et pendant toute la durée de la vie active, qui luttent contre l'exclusion sociale et produisent des résultats équitables et rationnels. Ce scénario est bien différent de la déréglementation grossière des marchés du travail qui accroît les inégalités, diminue la protection des emplois et entraîne davantage d'insécurité. Dans le cadre de ce processus de changement, il faut mettre les travailleurs en confiance et qu'ils se sentent en sécurité. Le rôle des syndicats est fondamental pour parvenir à ce résultat.

Lutter contre les bas salaires

10. Augmenter le nombre d'emplois à bas salaire n'est pas une solution acceptable au problème du chômage. Les chômeurs pauvres se transforment en travailleurs pauvres et pays et entreprises élaborent des stratégies de concurrence fondées sur des bas salaires et une organisation du travail désuète. Les travailleurs à bas salaires restent souvent bloqués dans ces emplois, la pauvreté des ménages s'intensifie et la cohésion sociale se trouve menacée.

11. Il y a lieu de mettre au point une stratégie de création d'emplois et de lutte contre les bas salaires. Il faut, pour fixer les salaires plancher qui éliminent l'exploitation des travailleurs à bas salaires, reconnaître le rôle que doivent jouer les salaires minimums fixés par la loi et par les négociations collectives. Un salaire plancher fixé de manière équitable peut encourager l'adoption concertée de mesures destinées à améliorer la productivité des travailleurs, notamment dans les secteurs à bas salaires. L'expérience d'un certain nombre de pays a révélé que les salaires minimums peuvent permettre de lutter efficacement contre la pauvreté sans porter préjudice aux perspectives d'emploi. Le système des prélèvements et prestations a un rôle complémentaire important à jouer. Dans certains pays, les systèmes de crédits d'impôt se sont révélés efficaces pour diminuer la pauvreté des ménages à faibles revenus. Ils représentent une forme essentielle de solidarité mais non pas une panacée pour régler les problèmes d'inégalité occasionnés par le marché du travail.

L'expansion de l'emploi dans le secteur des services

12. Le potentiel de création d'emplois est pratiquement illimité dans les secteurs où les besoins sociaux ne sont pas satisfaits. Il y a une demande croissante de soins de proximité de meilleure qualité pour les personnes âgées et de services de garde pour les enfants d'âge préscolaire. L'éducation, les soins de santé et la protection de l'environnement sont autant de sources nouvelles de création d'emplois. Dans bien des cas, le marché ne peut pas répondre à ces besoins. L'action des pouvoirs publics et les mesures actives en faveur de l'emploi doivent combler ce déficit. Il reviendra au secteur public de continuer à générer des emplois, non seulement en tant qu'employeur direct mais aussi comme régulateur et promoteur de l'emploi dans le secteur privé. Il existe des domaines où de nouveaux systèmes novateurs d'intervention des pouvoirs publics (aide à l'emploi, redevances d'utilisation et marchés publics) peuvent permettre au secteur public d'identifier des besoins à satisfaire en associant prestations publiques et privées. Certains pays ont adopté des méthodes novatrices dans le secteur social et le secteur coopératif. Mais que les services soient de nature publique ou privée, il appartiendra aux pouvoirs publics de garantir le respect de normes déterminées. Les qualifications et les capacités des travailleurs dans ces secteurs sont souvent élevées, tout comme la productivité. Il faudra donc adapter les systèmes d'évaluation pour refléter le niveau réel des compétences et l'accroissement de productivité de ces emplois. A l'avenir, les bas salaires des professions "dites féminines" ne seront plus acceptés. La société doit rémunérer équitablement la prestation de services.

Encourager l'emploi durable

13. Outre la restauration du plein emploi, l'un des grands défis que doivent relever les pays de l'OCDE consiste à parvenir au développement durable et à éviter une modification du climat de la planète. Les marchés du travail seront aussi confrontés à de rapides changements. Les politiques de développement durable doivent aller de pair avec des politiques d'emploi durable. Les ministres du Travail devraient prendre une part beaucoup plus active aux débats sur le développement durable en intégrant les mesures d'hygiène et de sécurité et de protection de l'environnement sur le lieu de travail dans les programmes d'action destinés à assurer un développement durable.

14. Les pouvoirs publics devraient rechercher un "double dividende" en substituant des redevances sur l'exploitation et la consommation des ressources de l'environnement à l'impôt sur le travail. Cependant l'écotaxe n'est pas la panacée et un certain scepticisme demeure quant à la possibilité d'un redéploiement total de la fiscalité. Les nouvelles redevances peuvent avoir des retombées négatives sur l'emploi et les revenus, une incidence sur la compétitivité nationale en l'absence d'accords multilatéraux et on peut se demander si les ressources de l'environnement fourniront, à long terme, une base d'imposition stable. Malgré ces réserves, il est admis que les systèmes actuels de taxation et de réglementation émettent souvent des signaux de prix erronés ce qui freine l'innovation et décourage l'investissement à long terme dans l'environnement. L'importance excessive accordée, dans les décisions financières, aux coûts de main d'oeuvre par rapport à l'utilisation des ressources, entrave également la production durable. Il importe donc que l'OCDE étudie de manière plus approfondie l'efficacité des régimes d'imposition qu'appliquent certains pays de l'OCDE et encourage la réforme de l'écotaxe pour ce qui est de ses retombées sur l'emploi.

Mesures actives visant le marché du travail

15. Les mesures actives visent essentiellement à remettre les chômeurs au travail le plus rapidement possible et, lorsqu'elles réussissent, elles sont de loin préférables à une garantie de ressources reçue dans la passivité. Cependant elles n'ont d'efficacité que sur un marché du travail soutenu et dynamique. Elles doivent avoir un caractère anticipatif - et permettre le recyclage et les mesures de placement avant que le changement ne se produise et sans aucun doute, avant d'entrer dans le chômage de longue durée. L'expérience a montré que la meilleure solution consiste à établir un lien entre les services de l'emploi et les organismes de formation et les services décentralisés. Il est capital que les syndicats participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces mesures.

16. L'attitude des syndicats face aux services de l'emploi et aux organismes de formation dépend de leur impartialité et de leur capacité à servir les travailleurs. Lorsque les travailleurs s'aperçoivent que les services de l'emploi prennent fait et cause uniquement pour les employeurs ou sont utilisés pour pénaliser les travailleurs, les services perdent de leur efficacité. La Convention tripartite de l'OIT, de 1997, sur les agences d'emploi privées prévoit une série de mesures de protection pour les activités des agences d'emploi privées faisant en sorte que les pouvoirs publics conservent finalement le pouvoir de mettre au point la politique du marché du travail.

Mise en oeuvre de l'apprentissage à vie

17. Au cours de leur réunion de 1996, les ministres de l'Education des pays de l'OCDE ont appelé à un "partenariat social" impliquant la participation des syndicats, des employeurs, des parents et des enseignants, pour faire de l'apprentissage à vie une réalité. Il faut maintenant y donner suite en coopération entre les ministres du Travail et de l'Education. Autrement, l'apprentissage à vie restera un slogan creux. Il faut envisager notamment :

- un accroissement de l'investissement public dans l'enseignement de base, ciblé sur l'amélioration de la qualité du système éducatif et visant en particulier les élèves susceptibles d'abandonner leur scolarité et les défavorisés ;

- la concertation en vue de faire évoluer et d'améliorer en permanence les pratiques éducatives ;

- l'élargissement de l'accès à l'enseignement post-scolaire et supérieur et la prise en compte de la formation des adultes ;

- l'introduction d'objectifs ambitieux en matière de formation et de recyclage ;

- la participation des syndicats à l'élaboration, au suivi, à l'évaluation et à la promotion des systèmes relatifs à la certification des qualifications et des compétences garantissant aux individus, leur vie durant, la transférabilité de leurs acquis ;

- le développement des plans de rotation du travail entre les chômeurs de longue durée et les travailleurs souhaitant prendre un congé de formation ;

- la création de banques de formation à l'intention des petites et moyennes entreprises, avec la participation des partenaires sociaux.

La concertation pour gérer le changement sur le lieu de travail

18. Les entreprises peuvent accroître leur compétitivité en devenant des "lieux de travail à haute performance faisant une large place aux connaissances" grâce à l'innovation technologique et aux nouveaux modes d'organisation du travail fondés sur des compétences plus élevées et plus diversifiées, des relations professionnelles d'une grande fiabilité et moins hiérarchisées. Trop peu d'entreprises ont suivi cette voie et un trop grand nombre demeurent obsédées par l'idée de la flexibilité à court terme qui se caractérise par des réductions d'effectifs, la déstratification hiérarchique, et la sous-traitance. La crainte et l'insécurité règnent dans l'entreprise ; la formation est négligée et les travailleurs manifestent plus d'opposition que d'enthousiasme face au changement. Les travaux de l'OCDE ont démontré que les échecs de la direction peuvent empêcher une entreprise d'atteindre des niveaux élevés de performance. Il faut que les syndicats puissent unir leurs efforts à ceux des travailleurs pour faire en sorte que le changement s'opère dans des conditions optimales.

19. Les pouvoirs publics peuvent prendre des dispositions pour faciliter ce changement. Ils devraient créer un climat de sécurité en instaurant une garantie de droits fondamentaux de l'emploi. En associant politique novatrice et mesures d'incitation, ils peuvent encourager la bonne pratique en matière de changement dans l'entreprise.

Gérer l'aménagement du temps de travail et la prolongation de l'apprentissage

20. Au cours des quinze dernières années, la durée moyenne de travail par salarié a augmenté dans de nombreux pays de l'OCDE. Par contre, la baisse traditionnelle enregistrée dans d'autres pays s'est ralentie. Ces tendances aggravent la situation de l'emploi. Les gains de productivité des entreprises devraient être plus largement répartis sous forme d'une diminution générale du temps de travail et de création d'emplois. Cet objectif est réalisable lorsque les travailleurs participent à la réorganisation du travail et à l'aménagement du temps de travail. Dans le cadre de négociations élargies intervenues dans différents pays et secteurs, les syndicats ont conclu des accords sur des temps de travail flexibles en échange de réductions de la durée du travail.

21. Les travailleurs à temps partiel devraient bénéficier des mêmes droits que les travailleurs à temps plein de manière à mettre le travail à temps partiel sur un pied d'égalité avec le travail à temps plein et éliminer le travail à temps partiel et le travail temporaire involontaires. Il serait ainsi plus facile de réaliser un partage socialement acceptable du travail et possible de choisir volontairement le travail à temps partiel. L'exploitation grossière sous forme de "contrats de travail à heure zéro" (zero-hour contracts) et d'emplois occasionnels doit être réglementée.

22. L'économie "fondée sur le savoir" et l'orientation vers une société de l'information allongent le temps d'apprentissage des travailleurs pour qu'ils puissent s'adapter au changement structurel et aux innovations en matière d'organisation des entreprises. Il serait donc utile que la réduction et l'aménagement du temps de travail servent aussi à consacrer plus de temps à l'apprentissage et à la formation par, et dans, les entreprises ce qui peut véritablement faire partie d'une stratégie de l'apprentissage à vie.


S'adapter à une société vieillissante

23. Dans la plupart des pays de l'OCDE, l'évolution démographique pose un grave problème par suite du vieillissement important des populations. Un nouvel élément important à prendre en considération est plutôt celui des rapports de dépendance économique que l'âge de la population proprement dite. Paradoxalement, au cours des vingt dernières années, il s'est produit une baisse sensible du taux d'activité des travailleurs âgés. L'âge moyen de départ en retraite a baissé et les travailleurs âgés ont été les premiers touchés par les licenciements et de ce fait leur taux de chômage et leur taux d'inactivité se situent au-dessus de la moyenne.

24. Il ne faudrait pas encourager les entreprises à mettre les travailleurs en retraite anticipée obligatoire. L'expérience professionnelle des travailleurs âgés n'est pas suffisamment utilisée. Il existe cependant des cas de "bonne pratique" où, suite à l'introduction de nouvelles techniques dans les entreprises, la diversification du cadre de travail a contribué à améliorer la production et le contrôle de la qualité. Des mesures d'incitation pourraient être prises en faveur des entreprises pour qu'elles offrent la possibilité aux travailleurs âgés d'assurer les fonctions de formateurs dans le cadre des dispositifs de formation des entreprises et de participer ainsi activement à la mise en oeuvre de l'apprentissage à vie.

25. Il est souhaitable d'aménager des formules souples de départ volontaire à la retraite et il faudrait en particulier aller plus loin pour réussir à assurer une transition progressive de la vie active à la retraite. Ces dispositions devraient s'insérer dans une approche plus large de la gestion de la durée de la vie professionnelle. Il est nécessaire de prévoir des emplois du temps plus souples, des interruptions de carrière, des congés d'études et de formation pour les hommes et les femmes afin de répondre aux pressions qui s'exercent sur la politique familiale à la suite des changements démographiques et de l'activité de la main d'oeuvre féminine.

26. Le financement des dispositions concernant la vieillesse dépend avant tout de l'évolution de la situation macroéconomique et de la solidarité sociale. La croissance économique, la productivité du travail, le niveau d'emploi et le taux d'activité de la main d'oeuvre déterminent la marge de manoeuvre dont nous disposerons à l'avenir. Mais il faudra peut-être s'adapter, à long terme, pour répondre aux nouvelles conditions sociales et démographiques. C'est pourquoi il faut appliquer le principe d'égalité des droits et des chances pour toutes les générations, et de justice sociale. Il découle de ces considérations que les pouvoirs publics ont l'entière responsabilité de surveiller les systèmes de pensions de retraite. De toutes façons, à l'heure actuelle, ces pensions doivent être financées au moyen de transferts entre les travailleurs et les retraités. La privatisation des systèmes d'Etat a été présentée comme une solution facile pour que les pouvoirs publics échappent à leurs obligations financières ; cependant, les systèmes de retraite par capitalisation transfèrent les risques vers les marchés financiers. Le droit à la sécurité sociale et l'accès à ses différentes prestations devront être placés dans le cadre de régimes d'application universelle, responsables à l'égard du public.

27. Dans les pays de l'OCDE, où les caisses de retraite privées jouent un rôle important dans le versement des pensions, une réglementation plus rigoureuse de la gestion des fonds et du contrôle prudentiel est indispensable. La sécurité des fonds de pension revêt encore plus d'importance compte tenu de la mondialisation des marchés financiers. Dans de nombreux cas, la déréglementation a conduit les gestionnaires des fonds des entreprises soit à investir dans des activités hautement spéculatives avec les risques que cela représente, soit à placer les capitaux dans d'autres investissements inadaptés. Les pensions de retraite constituant une sorte de salaire différé, les travailleurs et leurs syndicats devraient avoir le droit de co-gérer les fonds de pensions.


Garantir les normes fondamentales du travail dans les accords relatifs aux échanges et à l'investissement

28. Les gouvernements sont en train d'étendre à l'échelle mondiale la portée de leurs législations nationales sur la propriété intellectuelle et les droits des investisseurs. Ils n'ont pas fait preuve d'autant d'empressement pour garantir les droits fondamentaux des travailleurs et les droits de l'homme dans le monde entier et en cela ils ont tort. Cette attitude ne fera que renforcer l'opinion selon laquelle la mondialisation est un "nivellement par le bas" qui privilégie la propriété au détriment de l'être humain. Le système multilatéral est tributaire du soutien apporté par les pays. Ce soutien ira en s'amenuisant si l'on ne fait pas cas des préoccupations des travailleurs. Dans le monde entier, il faut faire disparaître le travail dans les ateliers clandestins où la main d'oeuvre est sous-payée (sweat shops). Il faut que les normes fondamentales du travail soient garanties dans les accords relatifs aux échanges et à l'investissement.

29. Il y a eu accord sur la définition des droits fondamentaux du travail comme en atteste la déclaration de Singapour, adoptée lors de la réunion de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) en décembre 1996 et qui a mis l'accent sur : la liberté syndicale et la protection du droit syndical, le droit d'organisation et de négociation collective, la protection contre le travail forcé ou obligatoire et l'abolition du travail forcé, la protection de la main-d'oeuvre enfantine (âge minimum requis), l'égalité de rémunération entre hommes et femmes et la protection contre la discrimination en matière d'emploi et de profession. L'Etude de l'OCDE sur les Echanges et les Normes du Travail a démontré qu'il peut exister une relation bilatérale positive entre ces normes et des politiques d'échanges ouverts. Il reste cependant à résoudre la question de leur application. Dans les zones franches d'exportation et ailleurs, les droits syndicaux sont de plus en plus souvent l'objet de violations. En Corée, la tentative des pouvoirs publics et des employeurs de restreindre encore davantage la liberté syndicale pour réagir à la concurrence mondiale a été rejetée par les travailleurs coréens.

30. La "déclaration de Singapour" a donné mandat à l'OMC et à l'OIT pour qu'elles poursuivent les travaux sur la question des normes du travail. L'OIT devrait renforcer ses procédures de ratification et de contrôle des normes fondamentales du travail. Les Examens des Politiques commerciales menés à bien par l'OMC devraient rendre compte des violations des droits fondamentaux du travail. Il faut renforcer le dialogue entre l'OMC et l'OIT en prévision de la Conférence ministérielle de l'OMC en mai 1998. Les accords commerciaux hémisphériques et régionaux doivent comporter des clauses relatives aux droits des travailleurs. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international devraient intégrer l'obligation de respecter les normes fondamentales du travail dans toutes leurs politiques de prêt et d'ajustement structurel.

31. L'OCDE doit développer son système de surveillance et de pressions par les pairs pour faire respecter les normes fondamentales dans les pays membres et prendre des dispositions pour que la Corée mette rapidement en application les engagements qu'elle a pris. Il faut inclure les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales dans l'Accord multilatéral de l'OCDE sur l'Investissement et insérer une clause sociale contraignante fondée sur les normes fondamentales reconnues à l'échelon international. Suite à la mission qui lui a été confiée, l'OCDE doit poursuivre ses travaux sur les questions des droits des travailleurs, en ce qui concerne l'investissement, les zones franches d'exportation et dans le cadre de son dialogue avec les pays non membres.


Note:

(1) Déclaration succincte de la présidence à la Conférence du G7 sur l'Emploi, Détroit, 15 mars 1994.

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