Texte en anglais
RESULTATS DE LA RÉUNION DE L'OCDE AU NIVEAU MINISTÉRIEL
SUR LA POLITIQUE SOCIALE
Paris, 23-24 juin 1998
__________
ÉVALUATION DU TUAC
Synthèse
1. Le message contenu dans la déclaration que le TUAC a présentée
aux ministres insistait sur le fait que la mondialisation, l'évolution
démographique, le chômage de masse, l'accroissement de l'insécurité
économique et les nouvelles structures familiales montraient tous
la nécessité d'élaborer un nouveau programme de politique
sociale. La déclaration précisait en outre que la privatisation
des systèmes de sécurité sociale serait catastrophique
et se traduirait par une détérioration des inégalités
et une augmentation de l'insécurité. Les pouvoirs publics
devraient plutôt jouer un rôle primordial en prenant des dispositions
pour garantir la qualité des systèmes publics et en tenant
compte, dans tous les domaines de leur action, des préoccupations
de la collectivité.
2. La réunion ministérielle a souligné le rôle
de la politique sociale et a fait preuve de scepticisme à l'égard
des assertions de ceux qui préconisent la privatisation à
tout crin. Cependant, il reste nécessaire d'accorder une plus grande
importance aux questions sociales au sein de l'OCDE et de lutter contre
la montée de l'exclusion sociale et du dénuement dans les
pays de l'OCDE. Les pouvoirs publics paraissent plus à l'aise lorsqu'il
s'agit de traiter la politique sociale essentiellement en termes d'efficacité
des programmes de dépenses qui visent à atteindre des objectifs
déterminés.
3. Le débat a été dominé dans une large
mesure par la question de l'incidence du vieillissement des sociétés
des pays de l'OCDE sur les régimes de retraite, suite à la
publication, par l'OCDE, du rapport intitulé "Préserver la
prospérité dans une société vieillissante"
au moment de la réunion des ministres des Finances de l'OCDE, au
mois d'avril. La délégation du TUAC à la réunion
a reconnu qu'il fallait moderniser et réformer les régimes
de retraite mais a insisté pour que ce processus ne se fonde pas
sur un abaissement des prestations. Dans le contexte de la crise des marchés
financiers asiatiques qui a fait perdre de l'argent à un grand nombre
de caisses de retraite, elle a mis en garde également contre un
recours excessif aux dispositifs du secteur privé ou du marché
des capitaux. Il serait plutôt nécessaire de protéger
et d'améliorer les régimes de pension publics qui jouent
un rôle important dans le cadre de systèmes à plusieurs
piliers.
Questions abordées par les ministres de la Politique Sociale
4. La réunion OCDE des ministres de la Politique sociale portait
sur "les nouvelles priorités de la politique sociale en vue d'un
monde solidaire" et reflétait l'initiative pour un "Monde solidaire"
prise par le gouvernement du Japon lors du sommet du G7 en 1996. Les discussions
de la réunion ont mis l'accent sur trois points principaux.
5. Premièrement, les ministres ont examiné la nécessité
de mettre en place des "politiques sociales" plus "axées sur l'emploi"
dans un contexte qui se caractérise par : l'augmentation du chômage
des ouvriers non qualifiés ; la croissance du travail "précaire",
occasionnel ou éventuel ; l'évolution des structures familiales
et l'accroissement du nombre de familles monoparentales ; la dépendance
économique de plus en plus grande des jeunes par suite de l'allongement
de la durée de leurs études et de leur formation. Les discussions
ont tourné autour de deux questions : les changements qu'il faut
apporter aux stratégies actuelles pour parvenir à élaborer
des politiques sociales efficaces axées sur l'emploi ; les moyens
à mettre en oeuvre pour que les politiques soient plus favorables
à la famille compte tenu de la nécessité de concilier
les exigences d'un emploi rémunéré avec les responsabilités
familiales.
6. Deuxièmement, les ministres ont examiné la nécessité
d'une viabilité à long terme de la protection sociale et
en particulier des régimes de retraite compte tenu de la tendance
démographique au vieillissement dans presque toutes les sociétés
de l'OCDE. Les deux questions principales étaient les suivantes
: comment pourrait-on "rééquilibrer" les systèmes
de prélèvements et de prestations afin de modifier les choix
individuels en matière d'activité professionnelle tout au
long du cycle de vie ; et pourrait-on garantir la viabilité à
long terme des régimes de retraite ? Ces questions n'ont pas été
examinées dans leur intégralité. En effet, le débat
s'est plutôt focalisé sur la nécessité d'allonger
la vie active en relevant l'âge effectif de départ à
la retraite et en inversant la tendance à la retraite anticipée.
7. Troisièmement, les ministres ont examiné la
question des soins de santé sous l'angle d'un "réaménagement
des soins de longue durée et du traitement des affections chroniques".
Le débat a été dominé par la crainte du fait
que le vieillissement pourrait entraîner une augmentation insupportable
des dépenses de santé et de soins aux personnes âgées.
Les questions présentées par le Secrétariat de l'OCDE
exprimaient déjà ce doute. Les points examinés concernaient
la nécessité de changer la distinction institutionnelle actuelle
entre soins intensifs subventionnés, soins à caractère
social en établissement et soins privés à domicile
avec partage des coûts. Mais, parallèlement, on redoute aussi
un alourdissement des coûts pour les systèmes d'assurance
sociale si les soins dispensés à titre payant venaient à
se substituer aux soins dispensés jusqu'ici de manière informelle
et essentiellement à titre gratuit au sein des familles ou des collectivités.
Le Secrétariat de l'OCDE a alors demandé aux ministres de
se pencher sur les questions suivantes :
- Comment peut-on réduire la dépendance
à l'égard des services d'aide et de soins formels et réduire
le temps passé en établissement pour le traitement d'affections
chroniques ?
- Quel devrait être le rôle des soignants bénévoles
et comment peut-on les aider ?
- Comment les services d'aide et de soins aux personnes âgées
dépendantes devraient-ils être financés ?
Consultations avec le BIAC et le TUAC
8. Le BIAC et le TUAC avaient remis des déclarations avant
la réunion des ministres et ont participé à une séance
de consultations conjointes avant l'ouverture de la réunion. Ces
consultations ont été présidées par la Secrétaire
des Services humanitaires et de santé (Health and Human Services)
des Etats-Unis, Donna Shalala.
9. Le BIAC a préconisé une réforme radicale des
systèmes de sécurité sociale fondée sur le
financement public des prestations de base en matière de santé
et de retraite mais en laissant le secteur privé assurer la prestation
des services. Il a également critiqué le niveau d'imposition
et des coûts de main-d'oeuvre non salariaux et prétend que,
dans l'ensemble, ceux-ci diminuent le nombre d'emplois.
10. Rodney Bickerstaffe, qui conduisait la délégation
du TUAC, a précisé que les syndicats n'avaient aucun doute
à formuler quant à la nécessité de réformer
et de sauvegarder les systèmes de protection sociale. Le TUAC avait
donc présenté des propositions afin de préparer une
nouvelle "Charte de solidarité" pour servir de point de départ
à l'élaboration d'un consensus en matière de réforme.
Pour ce qui est de la persistance du chômage de masse et de la mondialisation,
il a signalé qu'à l'avenir et plus que jamais, l'Etat providence
et la politique sociale deviendront essentiels si les gouvernements veulent
voir le système mondial de marché se développer. Il
a invité les ministres de la Politique sociale, non seulement à
encourager les politiques sociales favorables à l'emploi mais aussi
des politiques économiques favorables à la collectivité
et a mis en garde pour que la politique sociale ne serve pas d'ambulance
lors des accidents de la politique économique.
11. La délégation du TUAC a également critiqué
l'obsession qui existe à propos des coûts des systèmes
de sécurité sociale et la suppression de la responsabilité
sociale des employeurs. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra relever les
défis de la mondialisation et des sociétés vieillissantes.
L'Etat providence n'est pas un obstacle au dynamisme économique
et il ne supprime pas non plus la responsabilité personnelle. Il
s'agit plutôt d'un investissement primordial pour l'avenir. Un grand
nombre des problèmes de financement des systèmes de sécurité
sociale reflètent en fait les problèmes économiques
du chômage. Si les travailleurs âgés avaient davantage
de choix et de possibilités d'emplois, il pourrait s'ensuivre des
effets économiques et sociaux positifs. Mais, actuellement, les
conditions indispensables à la prise de telles mesures sont inexistantes
: il faut réduire le chômage ; améliorer l'hygiène
et la sécurité sur les lieux de travail et offrir des possibilités
nouvelles et plus intéressantes de recyclage aux travailleurs âgés.
12. Pour faire face au problème du vieillissement des sociétés,
il faudrait en outre accroître les possibilités de choix offertes
aux individus au lieu de leur imposer la contrainte économique.
L'allongement de la vie professionnelle devrait être choisie volontairement
par les salariés et aller de pair avec des efforts de mise au point
d'une formule souple pour assurer la transition de la vie active à
la retraite. Lorsque les travailleurs âgés décidaient
de prendre une retraite anticipée, bien souvent il ne s'agissait
pas d'un choix volontaire dans la perspective d'avoir plus de loisirs mais
plutôt d'un effort en vue d'échapper au risque du chômage.
13. En outre, le TUAC a défendu l'éthique du service public
en matière de prestations de santé et de services sociaux.
La méthode qui a été utilisée dans le domaine
des soins de santé et des pensions de retraite et favorisait les
mécanismes du marché, n'a pas abaissé les coûts
ou améliorer l'efficacité des prestations. Le TUAC a fait
valoir de nouveau le soutien que les syndicats apportent à la modernisation
de l'Etat providence afin de sauvegarder son avenir. Le mouvement syndical
a reconnu la nécessité de jouer un rôle anticipatif
dans les efforts qui sont déployés en vue de moderniser l'Etat
providence par le biais d'un accroissement de son efficience et de son
rapport coût-efficacité. Il faudrait des politiques économique
et budgétaire, du marché du travail, de l'éducation
et de la famille de plus grande envergure pour leur permettre de prendre
plus en considération les préoccupations de bien-être
et de protection sociale. La politique sociale ne peut plus se limiter
à des questions de programmes de dépenses. Pour résoudre
complètement les problèmes de vieillissement des sociétés
et ouvrir des perspectives intéressantes, il faut s'appuyer sur
la pleine participation des partenaires sociaux. Les ministres de la Politique
sociale ont donc été invités à déclarer
leur intention de faire participer les syndicats au processus de modernisation
des systèmes de protection sociale.
Résultats de la réunion des ministres de la Politique
sociale
14. Dans le communiqué final, les ministres sont convenus :
- que la réforme structurelle des systèmes de
protection sociale et de santé devrait introduire plus d'équité
et d'efficience dans les systèmes de protection sociale ;
- de favoriser la mise en oeuvre de politiques sociales axées
sur l'emploi pour lutter contre la pauvreté, les inégalités
et l'exclusion ;
- de garantir aux enfants le meilleur départ possible dans la
vie en encourageant l'éducation préscolaire et l'adoption
de politiques favorables à la famille qui permettraient aux parents
de concilier leur activité professionnelle et leurs responsabilités
familiales, et en développant les possibilités d'emploi pour
les parents sans travail ;
- d'oeuvrer en faveur d'une amélioration de l'état de
santé de la population en attachant une plus grande importance à
la prévention et aux facteurs de portée plus générale
qui contribuent aux progrès de la santé et en s'attaquant
aux inégalités persistantes en matière de santé
;
- de faire en sorte qu'une stratégie de "vieillissement actif"
encourage les individus à mener une vie productive dans la société
et l'économie durant leur vieillesse et leur en donne les moyens
;
- de veiller à ce que les réformes nécessaires
des régimes de retraite ne soient pas retardées afin que
ceux-ci puissent garantir un revenu suffisant, et d'assurer leur viabilité
sur le long terme ;
- de coordonner les missions des systèmes de santé et
des systèmes de protection sociale afin qu'ils assurent des soins
appropriés et intégrés aux personnes nécessitant
une prise en charge de longue durée ;
- d'instaurer un bon équilibre entre les droits, obligations
et opportunités des pouvoirs publics aux différents niveaux
d'administration, ainsi que des individus, des familles, des partenaires
sociaux et des collectivités ; et,
- de soutenir la mise au point d'instruments efficaces pour assurer
le suivi et l'évaluation des résultats des programmes, et
d'élaborer des indicateurs sociaux comparables à l'échelon
international.
15. Les ministres ont examiné les besoins de réforme des
systèmes de protection sociale et des politiques sociales et ont
conclu que toute réforme devrait aller au-delà de la maîtrise
des coûts et de l'accroissement de l'efficience. Il est donc précisé
dans le communiqué que la politique sociale devrait contribuer aussi
à accroître les possibilités offertes aux individus
de participer à la société et leur permettre d'exercer
pleinement leur citoyenneté.
16. Eu égard aux propositions visant à préserver
la prospérité dans des sociétés vieillissantes,
les ministres ont accueilli avec intérêt le rapport de l'OCDE
qui avait été présenté aux ministres des Finances.
Ils ont donné suite aux propositions destinées à encourager
les travailleurs à prolonger leur vie active et à supprimer
les prétendues incitations financières à la retraite
précoce mais ont modéré la proposition consistant
à remplacer en grande partie les régimes publics de retraite
par des régimes de retraite par capitalisation. Au contraire, ils
ont déclaré que les régimes de pension publics devraient
continuer à jouer un rôle important dans les systèmes
de retraite à plusieurs piliers. Les ministres ont confirmé
également qu'ils étaient résolus à faire participer
les partenaires sociaux aux efforts à mettre en oeuvre pour atteindre
les objectifs définis pour le vieillissement actif. Ils ont fait
preuve de la même détermination en ce qui concerne les réformes
des soins de santé.
Points essentiels pour le suivi syndical
17. Le mouvement syndical devra continuer de participer au débat
sur l'avenir de la politique sociale en encourageant une conception de
la société fondée sur la solidarité et permettant
d'équilibrer parfaitement les intérêts des jeunes et
des personnes âgées, des personnes en bonne santé et
des malades, des femmes et des hommes. Cette conception doit être
globale et ne pas comprendre des "intégrés" et des "exclus".
Pour ce faire, il faut élaborer constamment de nouvelles idées
de réforme car, avec l'évolution actuelle des conditions
d'emploi, les systèmes ne vont pas dans le sens d'une telle conception.
18. Les syndicats ont également un rôle essentiel à
jouer pour faciliter le passage en douceur de la vie active à la
retraite :
- en multipliant et élargissant les possibilités
de choix des travailleurs en matière de retraite ;
- en négociant des modalités de passage de la vie active
à la retraite modulées en fonction de l'âge (activité
à temps partiel modulée en fonction de l'âge, mise
au point de comptes de temps de travail destinés à faciliter
la transition et de pactes d'emploi conclus au niveau de l'entreprise,
entre les générations de travailleurs) ;
- en contribuant à l'amélioration de l'hygiène
et de la sécurité sur le lieu de travail ;
- en luttant contre la discrimination à l'encontre des travailleurs
âgés.
19. Dans le cadre des discussions relatives aux systèmes de retraite
à plusieurs piliers, outre le développement du "pilier" du
régime de pension public, il peut également s'avérer
nécessaire de développer des idées pour encourager
la participation des travailleurs à la formation d'actifs capitalisés
(ce qui contribue à moyen et long terme à une politique de
redistribution orientée et permet une plus grande égalité
des richesses).