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PREMIERE COMMUNICATION DU TUAC SUR LE RÉEXAMEN DE 1999 DES PRINCIPES DIRECTEURS DE L'OCDE
À L'INTENTION DES ENTREPRISES MULTINATIONALES
Résumé
- Il se produit une violente réaction sociale contre la mondialisation
et ce qui apparaît comme le pouvoir inexplicable des entreprises
multinationales. L'absence d'un cadre stratégique adapté
pour régir l'investissement entretient cette impression.
- Les Principes directeurs de l'OCDE pourraient contribuer à
faire obstacle à cette situation mais on les a laissés tomber
en désuétude.
- Les syndicats et les autres groupes travaillent avec les entreprises
multinationales responsables afin de mettre en place une culture d'entreprise
fondée sur la responsabilité à l'égard de la
collectivité et de l'environnement. Cependant cette solution spécifique
ne peut pas remplacer une réglementation établie et mise
en vigueur par les pouvoirs publics.
- Le réexamen devrait donc viser essentiellement à renforcer
les mécanismes de mise en oeuvre des Principes directeurs.
- Pour atteindre cet objectif, la présente communication fait
un certain nombre de suggestions pratiques et notamment :
. un nouvel appel des pouvoirs publics aux multinationales
pour demander le respect des Principes directeurs ;
. la réforme des Points de contact nationaux ;
. la mise en place d'un processus de contrôle du respect
des Principes directeurs dans le cadre du CIME ;
. la création d'un groupe de travail mixte OIT/OCDE ;
. un rapport annuel sur la mise en oeuvre des Principes directeurs
;
. la mise en relation des Principes directeurs avec un éventuel
cadre multilatéral pour l'investissement.
- La révision du texte devrait être limitée mais pourrait
donner lieu à une mise à jour afin de renvoyer à :
. La déclaration de l'OIT relative aux principes
et droits fondamentaux au travail ;
. La directive de l'Union européenne sur les Conseils
d'entreprise européens ;
. Le Programme Action 21 de la Conférence de Rio sur le
développement durable.
I - Introduction
1. L'actuel réexamen des Principes directeurs de l'OCDE à
l'intention des entreprises multinationales se déroule à
un moment décisif. La croissance de l'investissement étranger
direct a été l'une des principales forces motrices de la
mondialisation depuis le début des années 80. Mais la vitesse
de la mondialisation a dépassé la capacité d'adaptation
de nombreuses structures institutionnelles. Cette situation provient en
partie de l'attitude des pouvoirs publics qui ont considéré
la déréglementation et la libéralisation comme des
fins en elles-mêmes et de l'affirmation que les marchés mondiaux
n'ont pas besoin d'être administrés ou réglementés.
En conséquence, il s'est produit une violente réaction sociale
comme en a témoigné la campagne qui a réussi à
arrêter les négociations de l'Accord multilatéral sur
l'investissement.
2. Le TUAC a lancé un appel aux gouvernements de l'OCDE pour
qu'ils tirent les conclusions qui s'imposent à la suite du fiasco
de l'AMI. L'économie mondiale a besoin de règles multilatérales
pour l'investissement. Mais ces règles doivent trouver le juste
milieu entre les droits et les responsabilités des investisseurs
; les droits des investisseurs et les droits des gouvernements et les droits
d'autres groupes et notamment des travailleurs.
3. Les principes directeurs de l'OCDE pourraient jouer un rôle
mais néanmoins un rôle important dans la recherche de cet
équilibre. La notion d'équilibre était au coeur de
la déclaration de l'OCDE, en 1976, sur l'investissement international
et les entreprises multinationales. Cette déclaration établissait
un équilibre entre, d'une part ce que les entreprises multinationales
pouvaient attendre des gouvernements en vertu de l'instrument du Traitement
national et, d'autre part, ce que les gouvernements, les travailleurs et
les syndicats pouvaient attendre des multinationales dans les Principes
directeurs.
4. Mais les Principes directeurs sont tombés en désuétude
et risquent de devenir largement hors de propos dans le cadre des débats
actuels sur la mondialisation. Le réexamen est donc une occasion
très importante de réaffirmer le bien-fondé des Principes
directeurs. L'enquête menée par le TUAC auprès des
membres affiliés, sur leur expérience des Principes directeurs,
tend à démontrer que peu de pays de l'OCDE disposent d'un
Point de contact national en état de fonctionnement ce qui, par
essence, porte atteinte à l'esprit des décisions du Conseil
à cet égard. Les rares clarifications des Principes directeurs
qui ont été émises récemment par le CIME sont
restées incompréhensibles à toute personne n'ayant
pas participé à leur rédaction. Certaines entreprises
ont ressenti le besoin d'élaborer leurs propres codes d'entreprise
qui varient en qualité et efficacité. Un petit nombre d'entre
eux seulement font référence aux Principes directeurs de l'OCDE. Pourtant, les Principes directeurs auraient pu jouer un rôle
fondamental en tant que point de référence gouvernemental
pour les codes non gouvernementaux.
5. L'objectif essentiel du réexamen devrait donc être de
renforcer les mécanismes de mise en oeuvre des Principes directeurs
et de leur redonner de l'importance afin qu'ils constituent un élément
concret du dispositif mondial de gestion, aux côtés des instruments
appropriés de l'OIT. La conférence des ministres du Travail
du G8, qui s'est tenue à Washington, a donné une forte impulsion
à ce point de vue en faisant remarquer qu'il est nécessaire
de favoriser au niveau international, l'élaboration de règles
et de codes de conduite afin d'encourager les entreprises responsables
vis-à-vis de la collectivité. L'OCDE peut jouer un rôle
à cet effet (1). La Section IV de la présente communication
propose une série de suggestions pratiques pour remplir ce rôle.
6. Les révisions textuelles devraient donc être un élément
très secondaire du réexamen et mettre l'accent sur les questions
qui ont donné lieu à un consensus dans d'autres organisations.
Ceci devrait permettre de procéder à une révision
relativement simple du texte en vue de sa mise à jour. La section
V de la présente communication formule des suggestions selon le
cas, notamment en harmonisant les Principes directeurs avec la Déclaration
de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, la Directive
de l'Union européenne sur les Conseils d'entreprise européens,
et les chapitres correspondants du Programme Action 21 de la Conférence
de Rio sur le développement durable.
II - L'évolution du programme d'action de la mondialisation
« La mondialisation est un fait. Mais je crois que nous avons
sous-estimé sa fragilité. Le problème est le suivant.
L'expansion des marchés dépasse largement la capacité
dont disposent les sociétés et leurs systèmes politiques
pour s'y adapter, encore moins pour diriger leur cours. L'histoire nous
apprend qu'un tel déséquilibre entre les domaines économique,
social et politique ne peut jamais être supporté très
longtemps. » (2)
7. Ce commentaire du Secrétaire général des Nations
Unies suit de près l'analyse du Secrétaire général
de l'OCDE, en 1997, à propos du « paradigme triangulaire »
(3) dans lequel la stabilité politique, l'efficience économique
et le progrès social sont considérés comme interdépendants
et doivent rester en équilibre. Il poursuivait en affirmant que
la mondialisation était en danger parce que l'on n'accordait pas
suffisamment d'attention à l'aspect social du paradigme. Le Secrétaire
général des Nations Unies que nous venons de citer ci-dessus
préconisait dans ce même discours un contrat social avec les
entreprises, au moyen duquel les multinationales chercheraient, dans le
cadre de leurs activités, à se conformer aux normes internationales
relatives à la protection de l'environnement, aux droits de l'homme
et aux normes du travail.
8. L'OCDE et les Nations Unies ont toutes deux raison de mettre en évidence
les réactions de plus en plus marquées à l'encontre
de la mondialisation et ce qui est perçu comme étant des
activités inacceptables et un pouvoir inexplicable des entreprises
multinationales dans ce processus. L'échec de l'AMI en a été
une manifestation. De leur côté, certaines entreprises multinationales
ont pris conscience des problèmes et travaillent à la fois
dans leur intérêt personnel et dans un esprit de coopération,
avec les syndicats et autres parties intéressées afin de
développer leur propre culture d'entreprise fondée sur la
responsabilité à l'égard de la collectivité
et de l'environnement. Alors que le cours en bourse d'une entreprise peut
dépendre en grande partie de son image de marque, cette démarche
relève d'une logique économique. L'initiative de ces entreprises
pour devenir responsables vis-à-vis de la collectivité, s'est
traduite en partie par le développement de codes de conduite des
entreprises. Pour leur part, les syndicats vont travailler pour apporter
leur soutien à ces efforts véritables dans ce domaine. Cependant,
en dépit des progrès accomplis dans certains milieux, on
s'accorde à reconnaître que ces efforts sont, au mieux, une
réponse de circonstance aux problèmes de droits du travail
et d'utilisations abusives de l'environnement dans le monde entier. On
constate, par exemple, que seule une minorité de ces codes prennent
en compte les normes fondamentales du travail reconnues au plan international
et figurant dans la Déclaration de l'OIT relative aux principes
et droits fondamentaux au travail et qu'un grand nombre d'entre eux sont
dépourvus d'un système indépendant de vérification.
En outre, dans les pires cas, on peut les considérer comme une tentative
cynique de se mettre dans une position avantageuse sur le plan des relations
publiques en dépit d'une poursuite des abus. C'est pourquoi les
syndicats considèrent que ces codes de conduite sont les bienvenus
lorsqu'ils sont efficaces mais qu'ils doivent venir s'ajouter à
une gamme plus large de mesures réglementaires.
9. Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises
multinationales pourraient jouer un rôle essentiel dans ce processus.
D'une part, en tant que recommandations non contraignantes adressées
par les gouvernements aux multinationales, les Principes directeurs définissent
la nature de la responsabilité à l'égard de la collectivité
et des bons usages qui devraient être mis en oeuvre. D'autre part,
les gouvernements peuvent aussi transposer les Principes directeurs dans
leur législation et leurs usages nationaux. Déjà,
les gouvernements membres de l'OCDE et les gouvernements non membres qui
sont disposés à le faire, doivent transposer dans leur législation
nationale, les éléments fondamentaux des mécanismes
de suivi et de mise en oeuvre. A ce jour, les 29 gouvernements membres
de l'OCDE ainsi que l'Argentine, le Brésil et le Chili ont accepté
de mettre en place des Points de contact nationaux au sein de leur structure
gouvernementale afin de surveiller les questions de mise en oeuvre des
Principes directeurs. Toutefois, ils ne sont qu'une minorité à
remplir leur mandat. En s'appuyant sur les réponses des membres
affiliés et des syndicats des trois pays non membres, la communication
du TUAC (1) au sujet du réexamen des Principes directeurs propose
une série de propositions pratiques destinées à changer
cette situation.
III - L'enquête du TUAC au sujet des Principes directeurs de
l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales
10. L'enquête du TUAC au sujet des Principes directeurs a été
adressée à tous les membres affiliés du TUAC et, par
le biais de la CISL, aux centrales syndicales nationales en Argentine,
au Brésil et au Chili. Cette enquête comprenait une série
de questions concernant : le fonctionnement et l'efficacité des
Points de contact nationaux ; l'expérience des syndicats en ce qui
concerne l'acceptation, sous une forme ou sous une autre, des dispositions
du chapitre des Principes directeurs relatif à l'emploi et aux relations
professionnelles ; et les expériences similaires en ce qui concerne
le chapitre sur la protection de l'environnement. Nous donnons ci-dessous
un résumé des réponses.
Les Points de contact nationaux
11. Pour l'ensemble des cinq questions, quatre Points de contact nationaux
seulement remplissent leur mandat dans une certaine mesure. La grande majorité
ne sont rien de plus que des coquilles vides. La plupart n'ont pas consulté
les syndicats au sujet de leurs attributions ; ils n'ont pas fait participer
les syndicats à leurs travaux ou l'ont fait a posteriori ; ils n'ont
pas contribué activement à résoudre des cas particuliers
et n'ont pas pris l'initiative de se saisir d'un cas quelconque.
12. L'OCDE devrait être particulièrement préoccupée
de constater que certains membres affiliés du TUAC n'ont pas jugé
très important de répondre à l'enquête. Des
demandes précédentes d'information et d'aide pour résoudre
des problèmes avec certaines multinationales avaient été
passées sous silence ou n'avaient pas eu de suite ce qui les avait
conduit à croire que le Point de contact national avait été
fermé. Cette expérience devrait avoir un effet salutaire
sur ceux qui affirment que les niveaux de satisfaction sont élevés
par suite des contacts peu nombreux que les syndicats ont avec les Points
de contact nationaux. Parmi les réponses caractéristiques
aux questions de l'enquête relatives aux Points de contact nationaux,
nous pouvons citer les suivantes :
« Le Point de contact national est discret au point d'être
caché. Lors de demandes de renseignements auprès du service
gouvernemental concerné celui-ci a répondu que si cet organe
existait, il n'en avait pas eu connaissance. »
Dans un cas, le Point de contact national a interprété
ses attributions de telle manière qu'elles étaient dénuées
de sens :
« Le Point de contact national n'examine pas les questions
d'ordre pratique, ne se prononce pas sur les conflits entre travailleurs
et employeurs ou ne veille pas à l'application des normes de comportement
des employeurs. Les mesures prises par le Point de contact national n'entraînent
aucune conséquence juridique. »
13. Dans le cas des nouveaux membres de l'OCDE, les réponses
ont été inégales. D'après ces réponses,
il apparaît que certains Points de contact nationaux sortent de leur
réserve et s'engagent dans des activités de promotion alors
que d'autres n'ont fait aucun effort pour avoir des contacts avec les syndicats
ou pour s'acquitter de leurs fonctions au sens large. L'expérience
du Secrétariat du TUAC en témoigne. A la suite de l'adhésion
de son pays à l'OCDE, un fonctionnaire désigné comme
Point de contact national a rendu visite à l'Organisation afin d'examiner
la manière de traiter des questions liées aux Principes directeurs.
Déçu par la façon dont certains représentants
gouvernementaux au sein des délégations nationales et certaines
personnes du Secrétariat avaient laissé entendre qu'il ne
fallait pas faire grand cas de ce travail, ce fonctionnaire a pris contact
avec le Secrétariat du TUAC afin d'obtenir de l'aide.
14. En ce qui concerne l'expérience des syndicats avec les Points
de contact nationaux en Argentine, au Brésil et au Chili, c'est
en Argentine et au Brésil que leur existence a provoqué de
la surprise. La déception est venue se joindre à la surprise
lorsqu'il est apparu que les gouvernements n'avaient fait aucun effort
pour informer les syndicats qu'ils avaient adopté les Principes
directeurs et qu'ils s'étaient engagés à mettre en
place un Point national de contact.
Emploi et relations professionnelles
15. L'enquête a donné lieu à une série de
questions pour évaluer dans quelle mesure les entreprises multinationales
se conforment aux dispositions des Principes directeurs relatives à
l'emploi et aux relations professionnelles. La dernière enquête
menée par le TUAC à ce sujet auprès de ses membres
affiliés s'est déroulée en 1996 ce qui permet d'établir
une comparaison.
16. Dans l'ensemble, la situation s'est détériorée
par rapport à ce qu'elle était en 1996. Par exemple, les
plaintes au sujet du comportement général des entreprises
multinationales se sont répandues dans de nombreux autres pays en
dehors de l'Amérique du Nord et leur nombre s'accroît. Les
plaintes se sont également propagées au-delà des entreprises
multinationales basées aux Etats-Unis.
17. En général, la présence d'un syndicat dans
une entreprise multinationale ou sa filiale garantit le respect, par l'entreprise,
des dispositions des Principes directeurs. Inversement, les entreprises
dépourvues de syndicats risquent davantage d'enfreindre les dispositions
des Principes directeurs. Cependant, une présence syndicale ne garantit
plus les bonnes pratiques en matière d'emploi et de relations professionnelles.
Dans un plus grand nombre de pays, les syndicats sont plus nombreux à
rencontrer de graves problèmes d'opposition et d'hostilité
face au recrutement syndical et à l'organisation de campagnes ce
qui est en infraction avec le premier paragraphe. Parallèlement,
l'usage de menaces continue d'augmenter, notamment la menace de relocalisation
afin d'essayer d'influencer le dénouement des négociations.
18. Il est fait état des difficultés croissantes que rencontrent
les syndicats pour obtenir les informations leur permettant de se faire
une idée exacte et correcte des résultats de l'entreprise.
Les entreprises multinationales basées aux Etats-Unis comptent ici
parmi les pires contrevenants mais nullement les seuls. Une raison citée
fréquemment est la fragmentation de la hiérarchie entre les
responsables du siège et leurs filiales ce qui peut témoigner
du fait que de plus en plus de gouvernements ont adopté une attitude
non interventionniste pour la mise en oeuvre de la législation et
des normes du travail. La mise en oeuvre de la directive de l'Union européenne
sur les Conseils d'Entreprise européens est déclarée
utile mais n'est pas une garantie du respect de ses dispositions par l'entreprise.
Il faut noter également qu'un plus grand nombre d'entreprises multinationales
n'avertissent pas dans un délai raisonnable des fermetures, et licenciements
collectifs envisagés et quant aux dispositifs de formation, il sont
en train de se fragmenter.
Protection de l'environnement
19. Lorsque l'on compare les réponses de l'enquête avec
celles de 1996, on constate une détérioration du comportement
des entreprises multinationales face aux obligations du chapitre des Principes
directeurs traitant de la protection de l'environnement. Cette situation
est particulièrement préoccupante d'autant plus que les opinions
s'accordent à reconnaître que ce chapitre manque de force
et est en retard par rapport aux meilleures pratiques dans ce domaine.
Alors qu'en Europe de l'Ouest, la plupart des entreprises respectent les
Principes directeurs dans ce domaine, ailleurs, les problèmes vont
en s'accroissant. Il y a deux raisons à cela. Premièrement,
cela provient du fait que les gouvernements ont adopté une attitude
non interventionniste en matière d'administration des activités
des multinationales. Deuxièmement, il s'agit d'une conséquence
de la tendance à remplacer les réglementations relatives
à l'environnement par des mesures destinées à être
respectées de manière volontaire par les entreprises.
20. Des problèmes de plus en plus nombreux ont été
signalés en Amérique du Nord en particulier mais pas seulement
dans la région limitrophe entre les Etats-Unis et le Mexique, et
les secteurs des "Maquiladoras" (usines de sous-traitance). Il a été
fait spécialement référence aux problèmes liés
à l'augmentation de la pollution de l'eau et de l'air, à
la mise en décharge des déchets dangereux et toxiques et
à d'autres risques pour l'environnement et pour la santé
tels que le choléra, la typhoïde et les malformations congénitales.
En ce qui concerne les dispositions des chapitres relatives aux questions
d'hygiène et de sécurité en général
et de coopération des entreprises avec les autorités compétentes,
dans l'esprit des Principes directeurs, les syndicats sont très
préoccupés de constater que même ces dispositions relativement
faibles sont systématiquement enfreintes.
21. Les syndicats d'Europe centrale rencontrent davantage de problèmes
dans le domaine de l'environnement. Il s'agit en particulier, mais pas
uniquement, des entreprises multinationales non européennes. En
ce qui concerne l'Argentine et le Brésil, la situation s'aggrave
surtout lorsque la privatisation des industries de service public s'est
traduite par une présence étrangère.
22. Les réponses à l'enquête ont mis en évidence
une dimension sectorielle généralisée des problèmes
d'environnement qui touche toutes les régions. Certains des plus
grands contrevenants sont des entreprises travaillant dans les secteurs
des ressources naturelles et notamment, l'exploitation minière,
la sylviculture, le secteur de l'eau ainsi que les industries chimiques.
IV - Réagir à la critique : centrer l'attention sur
la mise en oeuvre
23. En ce qui concerne les mécanismes de mise en oeuvre et les
dispositions des Principes directeurs, l'expérience des membres
affiliés du TUAC et des syndicats argentins et brésiliens
qui ont répondu à l'enquête brosse un tableau très
déprimant de la situation. En outre, une minorité assez grande
de membres affiliés ont complètement renoncé aux Principes
directeurs non pas parce qu'ils sont satisfaits des activités des
entreprises multinationales ou qu'ils ont l'impression que les réglementations
nationales répondent à leurs besoins mais parce qu'ils ont
perdu espoir dans la capacité de leur gouvernement à mettre
en oeuvre les Principes directeurs.
24. L'OCDE doit maintenant réellement réagir à
cette accablante critique. Il ne suffira pas d'apporter des modifications
insignifiantes au seul texte sans une réforme réelle des
mécanismes de mise en oeuvre. Cela montrerait en effet que les gouvernements
continueraient, comme ils l'ont fait jusqu'ici et cette politique a échoué,
à ne pas intervenir dans les mécanismes réglementaires
qui régissent les comportements des entreprises multinationales.
Qui plus est, cette attitude ébranlerait encore davantage la position
des gouvernements aux yeux des familles actives et des syndicats et attiserait
la réaction brutale à l'encontre de l'OCDE.
25. La mise en oeuvre des propositions suivantes indiquerait cependant
que les gouvernements prennent leurs responsabilités au sérieux
dans ce domaine et sont disposés à tenir compte de la critique
du TUAC au sujet des Principes directeurs. Le réexamen devrait par
conséquent conduire à la mise en oeuvre des propositions
suivantes lors de la réunion du Conseil de l'OCDE au niveau ministériel
au printemps 2000.
Initiatives au niveau national
26. Le Rapport de 1996 de l'OCDE sur le commerce, l'emploi et les normes
du travail a formulé des recommandations visant à améliorer
la mise en oeuvre des Principes directeurs : « Les Principes directeurs
de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ont un rôle
à jouer en tant qu'instrument non contraignant destiné à
promouvoir un comportement responsable de la part des entreprises multinationales.
Ce rôle serait plus fort si les pays du siège et les pays
d'accueil faisaient savoir qu'ils s'attendent à ce que les investisseurs
étrangers respectent partout les Principes directeurs et si les
pays non membres de l'OCDE étaient encouragés à souscrire
aux Principes ...Cette inclusion serait un signal clair de l'importance
que les gouvernements de l'OCDE attachent au respect de ces normes. »
(5) Ces recommandations peuvent être appliquées immédiatement.
27. Pour que les Principes directeurs aient du poids et soient efficaces,
les gouvernements doivent s'assurer que les Points de contact nationaux
remplissent leur mandat. Dans la pratique, peu de gouvernements peuvent
y prétendre. Comme le montre clairement l'enquête du TUAC,
la grande majorité des Points de contact nationaux ne sont que des
coquilles vides et dans certains cas compromettent le soutien et la légitimité
des Principes directeurs. Ces critiques s'appliquent en grande partie aux
gouvernements qui ont adhéré récemment à l'OCDE
mais aussi aux gouvernements non membres qui sont censés avoir mis
en oeuvre les Principes directeurs.
28. L'OCDE devrait donner des orientations générales pour
le fonctionnement des Points de contact nationaux. En vertu de ces orientations,
les Points de contact pourraient être encouragés à
devenir des organes tripartites dotés d'un mécanisme permettant
de faire participer les ONG lors de l'examen des questions relatives aux
dispositions des Principes directeurs traitant de l'environnement et des
consommateurs. Cette démarche pourrait stimuler la mise en oeuvre,
la promotion et la diffusion des Principes directeurs tout en donnant un
sens plus large d'appropriation et de responsabilité partagées
à toutes les parties intéressées. Des réunions
des Points de contact tripartites devraient également avoir lieu
régulièrement en dehors des réunions ordinaires du
CIME qui sont axées uniquement sur les questions liées aux
Principes directeurs. Des rapports annuels établis d'un commun accord
par ces organes et précisant les développements intervenus
au sujet des Principes directeurs seraient soumis aux réunions du
Conseil de l'OCDE au niveau ministériel.
Des initiatives au niveau de l'OCDE
29. Le mandat du CIME devrait être révisé de manière
que le Groupe de travail sur les multinationales devienne l'organe de coordination
des Points de contact nationaux reconstitués et rende compte au
comité principal. Il pourrait assurer la coordination des réunions
ordinaires des Points de contact nationaux ainsi que du rapport annuel
aux ministres.
30. Il y aurait lieu de réexaminer sérieusement le processus
de discussion des cas par le CIME. Celui-ci pourrait être amélioré
par la création d'un groupe d'experts qui formuleraient des recommandations
sur les cas particuliers qui leur seraient présentés à
propos du fonctionnement des Principes directeurs et ils seraient ainsi
en mesure de citer des entreprises. Ce groupe pourrait examiner des cas
de respect et de non respect des Principes directeurs. Par ailleurs, il
n'aurait pas besoin de prendre ses décisions à l'unanimité.
31. Un groupe de travail mixte OIT/OCDE pourrait également être
établi pour examiner les travaux communs relatifs à l'avancement
des normes fondamentales du travail.
V - Révisions textuelles
32. Il faut procéder à des révisions limitées
pour moderniser les Principes directeurs. Le chapitre phare sur l'emploi
et les relations professionnelles devra être mis à jour de
la manière suivante. Dans l'introduction, il faut faire un renvoi
à la Déclaration de 1998 de l'OIT relative aux principes
et droits fondamentaux au travail. Il faudrait en outre tenir compte des
éléments de la Déclaration qui ne figurent pas actuellement
dans le texte des Principes directeurs : l'abolition effective du travail
des enfants; l'élimination de toute forme de travail forcé
ou obligatoire ; et l'élimination de la discrimination en matière
d'emploi et de profession. Par ailleurs, il faudrait ajouter dans le texte
les numéros des conventions de l'OIT, par exemple Conventions 87
et 98 sur la liberté d'association et le droit de négociation
collective.
33. Outre ces modifications, il faudrait étoffer le texte afin
d'y introduire les faits récents intervenus en matière d'information
des travailleurs par exemple et des droits de consultation, notamment la
directive de 1994 relative aux Conseils d'entreprise européens et
ses dispositions.
34. L'éclaircissement apporté par le CIME en 1997 au sujet
de la fermeture, par Renault, de son usine de Vilvoorde, a mis en évidence
l'incohérence du texte sur la question de délai raisonnable.
Il faudrait revoir ce point de manière à ce que les travailleurs
et leurs syndicats soient avertis des changements importants envisagés
dans les opérations avant la prise de décision finale sans
possibilité de recours à un refus sous prétexte qu'il
s'agit de circonstances exceptionnelles.
35. Récemment, les mécanismes de commandement et de gestion
des entreprises multinationales sont devenus de plus en plus fragmentés
ce qui a eu pour effet de mettre certains syndicats pratiquement dans l'impossibilité
d'obtenir une réponse effective de la direction lorsque des problèmes
se sont posés. Dans d'autres cas, cette fragmentation a même
provoqué des situations embarrassantes entre la société-mère,
ses filiales et ses sous-traitants. Les Principes directeurs doivent donc
préciser que la société-mère a la responsabilité
finale de surveiller la mise en oeuvre des Principes directeurs par ses
filiales et chose importante, par tous ses sous-traitants comme l'a proposé
le Rapport de 1996 de l'OCDE sur le commerce, l'emploi et les normes du
travail.
36. Il existe un large accord sur la nécessité de mettre
les dispositions du chapitre relatif à la protection de l'environnement
en conformité avec la Déclaration de Rio et le Programme
Action 21. Il faut rédiger un texte nouveau afin de rendre opérationnelles
les dispositions du chapitre 29 : Renforcer le rôle des travailleurs
et des syndicats et du chapitre 30 : Renforcer le rôle des entreprises
et de l'industrie. Les gouvernements signataires ont accordé un
statut d'égalité à ces chapitres.
37. Il devient urgent de renforcer le lien entre les informations concernant
l'hygiène et la sécurité liées à l'environnement
et la manière de les traiter concrètement. Une clause relative
au droit de savoir devrait figurer dans le texte traitant de questions
comme les effets sur l'environnement des produits et traitements, le droit
à un conseil indépendant et le droit d'être consulté
sur les stratégies d'une entreprise en matière d'environnement,
surtout lorsqu'il s'agit de l'emploi de matières dangereuses. Il
faut également introduire une clause relative au droit de refuser,
interdisant les mesures disciplinaires, au cas où l'on estime qu'un
travail présente un danger imminent pour la santé, la sécurité
et l'environnement élargi.
38. Le réexamen des Principes directeurs de l'OCDE devra étudier
quel est le meilleur moyen d'incorporer à ce chapitre le concept
de développement durable. On pourrait modifier le titre du chapitre
afin qu'il reflète mieux cette importante question. Le TUAC formulera
des suggestions plus détaillées sur les questions d'environnement,
d'hygiène et de sécurité au fur et à mesure
du déroulement du réexamen.
(1) Conclusions de la présidence - Conférence
des ministres du Travail du G8 - Les politiques du travail dans une économie
mondiale en rapide évolution. Washington, D.C. 24-26 février
1999.
(2) Kofi Annan, Secrétaire général
des Nations Unies. Discours au Forum économique mondial de Davos,
31 janvier 1999.
(3) Défis et objectifs stratégiques de lOCDE:
1996.
(4) La communication du TUAC a été préparée
en sappuyant sur les réponses à une enquête adressée
à ses membres affiliés, aux SPI/FPI, et par le biais de la
CISL, aux syndicats en Argentine, au Brésil et au Chili. Les réponses
ont été reçues dun échantillon représentatif
de syndicats dun très grand nombre de pays.
(5) Rapport de lOCDE sur le commerce, lemploi et les normes
du travail - Etude des droits fondamentaux des travailleurs et du commerce
international, 1996.