L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT
LES PRINCIPAUX PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES
SYNDICATS
Note de synthèse du TUAC à l'attention de ses
membres affiliés - septembre 1997
(Troisième note du TUAC concernant l'AMI faisant suite à
celles de juillet 1996 et février 1997)
Résumé
La date limite pour mener à bien les négociations de
l'AMI, fixée initialement à mai 1997 a été
repoussée jusqu'en avril 1998. Ce retard pourrait être bénéfique
puisqu'il donne au TUAC et à ses membres affiliés la possibilité
de chercher à renforcer la protection conférée par
les normes de l'Accord concernant les travailleurs et l'environnement.
Parallèlement, les syndicats sont très inquiets car ils craignent
que l'AMI n'entrave jusqu'à un certain point la mise en oeuvre de
mesures légitimes de politique nationale ou régionale. Ces
inquiétudes se trouveront plus ou moins confirmées par l'importance
des exemptions négociées dans l'Accord. Un large débat
politique sur l'AMI s'est ouvert dans certains pays et surtout en Amérique
du Nord. Là encore, il s'agit d'un point positif car des débats
éclairés sur les problèmes posés par l'AMI
permettront de dissiper l'impression de secret qui a entouré jusqu'à
maintenant les travaux du Groupe de Négociation de l'AMI.
Cette (troisième) note de synthèse du TUAC actualise
et reproduit une partie des informations de base figurant dans les précédentes
notes sur le champ d'application probable de l'AMI. Elle présente
les positions adoptées par les gouvernements, les entreprises et
les ONG sur les questions qui font actuellement l'objet de négociations.
Elle expose les points de vue du TUAC sur les principaux problèmes
posés par l'intégration des Principes directeurs à
l'intention des entreprises multinationales, les normes du travail et de
l'environnement ainsi que des recommandations sur l'action à mener
par le TUAC et ses affiliés. Elle expose aussi certains des aspects
de l'AMI qui inquiètent particulièrement les syndicats.
Historique
La réunion du Conseil de l'OCDE au niveau ministériel,
en mai 1995, a approuvé l'ouverture des négociations sur
l'Accord multilatéral sur l'Investissement (AMI). Bien que les négociations
se déroulent dans le cadre de l'OCDE, il est prévu que l'Accord
sera autonome et que des pays non membres de l'OCDE pourront y adhérer.
On a appris que le statut d'observateur dans le Groupe de négociation
avait été accordé à l'Argentine, au Brésil,
au Chili (en principe), à Hong Kong et à la Slovaquie ce
qui laisse à penser que ces pays sont intéressés à
adhérer rapidement à l'Accord. L'aboutissement des négociations
de l'AMI déterminera probablement la tenue éventuelle de
négociations sur la libéralisation de l'investissement dans
le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) quoique cette possibilité
reste sujette à controverse et qu'un grand nombre de pays en développement
s'y sont opposés. Toutefois, conformément au communiqué
de la conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue en
décembre 1996, un groupe de travail a été créé
pour examiner les relations existant entre échanges et investissement.
Le premier projet d'Accord a été publié en janvier
1997 et le second en mai dernier. Bien que de nombreuses questions n'aient
pas encore été résolues, ces projets permettent de
procéder à une première évaluation de la portée
de l'AMI. L'AMI réunira en un seul accord qui protégera les
droits des investisseurs étrangers, l'actuelle mosaïque de
traités bilatéraux et régionaux d'investissement existant
dans la zone OCDE. En vertu de l'AMI, les gouvernements ne pourront pas
accorder aux entreprises multinationales et aux investisseurs étrangers
un traitement moins favorable que celui qu'ils accorderaient aux entreprises
nationales (principe du traitement national) (1). Par ailleurs, tout traitement
de faveur accordé à un investisseur devra l'être aussi
à tous les autres (principe de la nation la plus favorisée).
L'expropriation d'un investissement sans compensation est interdite. Les
règlements discriminatoires portant sur des questions comme le contenu
national, les obligations d'exportation, le rapatriement des bénéfices
(que l'on appelle obligations de résultats) entre autres, seront
plus ou moins limités.
La définition de l'investissement sera très large et dépassera
le concept étroit d'investissement direct étranger en tant
qu'investissement matériel pour comprendre la banque, l'assurance,
les services financiers et autres c'est-à-dire les investissements
de portefeuille en général. L'Accord s'étendra au-delà
du secteur manufacturier pour s'appliquer également au secteur des
services. Il sera étayé par une procédure de règlement
des litiges à caractère contraignant qui permettra aux investisseurs
et pas uniquement aux pouvoirs publics de soumettre une réclamation
à un processus d'arbitrage.
Une question essentielle dans ce débat est celle de l'importance
et de la portée des exemptions générales et nationales
prévues dans l'Accord. Le gouvernement des Etats-Unis, qui a été
l'un des premiers partisans de l'AMI, a tout d'abord souhaité un
accord global comportant très peu d'exceptions et, dans une certaine
mesure, c'est ce point de vue qui a prévalu. A la différence
de l'OMC où seuls des secteurs déterminés sont couverts
par un accord (approche ascendante), l'AMI sera plus restrictif en ce sens
que seuls les secteurs explicitement exclus seront exemptés du traitement
national. De plus, en vertu des principes du "statu quo" et du
"démantèlement", après avoir signé
l'accord, les gouvernements n'auront pas la possibilité d'ajouter
des mesures non conformes. En bref, ils n'auront d'autre solution, à
l'avenir, que de libéraliser.
De ce fait, les exemptions générales sont peu nombreuses
et ne s'appliquent qu'en raison de sécurité nationale, d'ordre
public et du maintien de la paix internationale. Des exemptions temporaires
seront autorisées afin de permettre l'imposition de restrictions
du change et de contrôles des capitaux en cas de problèmes
de balance des paiements ou pour des raisons de politique monétaire.
Une autre exception au champ d'application de l'AMI concerne la fiscalité
qui a été exclue de l'Accord. En outre, les gouvernements
pourront prendre des "mesures prudentielles" afin de garantir
la stabilité des systèmes financiers mais uniquement en ce
qui concerne les services financiers. Il est donc primordial de voir dans
quelle mesure les gouvernements chercheront à obtenir des exemptions
au niveau national, dans le cadre de l'AMI. Jusqu'à présent
quelques 600 demandes ont été enregistrées. Mais quelle
que soit la liste définitive, elles feront l'objet ultérieurement
de négociations en matière de libéralisation.
Comme on pouvait s'y attendre, le patronat soutient résolument l'AMI. Dans sa déclaration à la réunion du conseil
de l'OCDE au niveau ministériel, en 1997, le BIAC a félicité
les gouvernements "pour les efforts exceptionnels qu'ils ont déployés
afin de négocier un accord de haut niveau" mais il a fait part
de son inquiétude à propos de l'exclusion de la fiscalité
du champ d'application de l'Accord et de la proposition d'associer les
Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales
avec l'AMI.
Les ONG pour la défense de l'environnement et tout particulièrement
celles des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni mais aussi des groupes
internationaux comme le World Wildlife Fund, ont vivement critiqué l'AMI. Pour reprendre les termes de Friends of the
Earth, il "...
donne de nouveaux droits aux entreprises multinationales et aux riches
étrangers ..." et "... irait à l'encontre de notre
droit démocratique de réglementer nos affaires locales ..." (2)
. Les associations écologiques prétendent que les pouvoirs
publics devraient maintenir et adopter des règlements discriminatoires
à l'intention des entreprises multinationales ce qui signifie que l'Accord, tel qu'il est rédigé actuellement est fondamentalement
imparfait.
Aux Etats-Unis et au Canada, un grand nombre d'ONG ont noté avec
beaucoup d'inquiétude que les administrations des Etats et des provinces
risquent, à l'avenir, de perdre leur souveraineté. Aux Etats-Unis,
la "Western Governors' Association" a présenté
un large éventail de domaines pour lesquels un grand nombre d'Etats
américains appliquent des mesures discriminatoires comme par exemple,
l'obligation d'être propriétaire ou de posséder une
résidence officielle, des restrictions en matière de flottille
de pêche, de banque, d'occupation des sols, de livraisons de pétrole,
de marchés publics (3) . En conséquence,
les Etats-Unis ont déposé une demande de clause générale
d'exemption pour les lois d'Etat et les lois locales en vigueur bien qu'une
telle disposition entraînerait le blocage des lois futures.
Les pays en développement et les ONG qui interviennent en faveur
du développement se sont montrés extrêmement méfiants
à l'égard de l'AMI car ils ont l'impression que les dispositions
de l'Accord leur seront ensuite imposées dans d'éventuelles
négociations futures dans le cadre de l'OMC. Les pays en développement
n'ont pas réussi à s'opposer à la décision
de créer un groupe de travail de l'OMC sur l'investissement qui
a été prise lors de la réunion du conseil de l'OMC,
à Singapour en 1996. Cependant, même en l'absence de négociations
au sein de l'OMC, ils estiment que la simple existence de l'AMI OCDE pourra
contraindre les pays en développement à en accepter ses conditions
pour continuer à recevoir des investissements. Les groupes qui oeuvrent
en faveur du développement sont inquiets de constater en particulier
que l'AMI limitera les possibilités des pays en développement
de protéger leurs marchés intérieurs pendant la période
d'expansion de leurs nouvelles industries. (4).
A l'origine, les négociations de l'AMI devaient s'achever de
manière à présenter et faire approuver ses résultats
lors de la réunion du Conseil de l'OCDE au niveau ministériel,
les 26 et 27 mai 1997. Mais les ministres ont décidé d'allonger
la durée des négociations afin qu'elles soient terminées
pour la réunion du Conseil, au niveau ministériel, en avril
1998. L'accord étant maintenant descendu dans l'arène publique,
on risque d'assister, au cours des prochains mois, à un débat
très agité à propos de l'AMI, notamment en Amérique
du Nord où il sera probablement étroitement lié au
débat sur la question de l'octroi à l'Administration, par
le Congrès, du pouvoir de négociation par la procédure
accélérée (Fast track) en matière d'accords
commerciaux.
Position du TUAC sur les questions relatives aux travailleurs, dans
l'AMI
Tout au long des négociations de l'AMI, le TUAC a fait valoir
que la conclusion d'un simple accord de libéralisation des investissements
qui garantirait les droits des investisseurs mais ne serait assorti d'aucune
disposition visant à protéger les droits des travailleurs
et ne préciserait pas les obligations correspondantes incombant
aux entreprises multinationales serait injuste et déséquilibré
et serait rejeté par les syndicats.
Quatre éléments qui se renforcent mutuellement ont été
proposés pour traiter des questions des droits des travailleurs :
(i) l'inclusion des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention
des entreprises multinationales dans l'AMI en y faisant largement référence
dans le préambule de l'Accord et en annexant le texte complet des
Principes directeurs à l'AMI ;
(ii) l'inclusion, dans l'AMI, de l'obligation imposant à toutes
les parties (pays membres et non membres de l'OCDE) de créer des
Points de contact nationaux pour veiller à la mise en oeuvre des
Principes directeurs ;
(iii) la mention, dans le préambule de l'AMI, de l'engagement
pris par les pays signataires, de protéger, favoriser et faire appliquer
les droits fondamentaux des travailleurs ;
(iv) l'inclusion, dans l'AMI, d'une clause spécifique stipulant
que les pays s'engageront de manière contraignante, à ne
pas chercher à attirer l'investissement étranger en supprimant
les normes nationales du travail ou en violant les droits fondamentaux
des travailleurs qui ont été reconnus à l'échelon
international.
Inclusion des Principes directeurs
Au début des négociations, les pays membres étaient
peu partisans d'associer les Principes directeurs (propositions (i)-(iii))
qui resteraient volontaires, à un AMI ayant force exécutoire.
On a maintenant l'impression de voir apparaître un consensus sur
cette question de l'inclusion, en partie grâce aux démarches
entreprises par plusieurs membres affiliés au TUAC, auprès
de leurs gouvernements.
Certains critiques de l'AMI ont rejeté l'idée d'associer
les Principes directeurs à l'AMI comme n'étant pas valable
puisque les Principes n'auraient pas un caractère contraignant.
Le TUAC ne partage pas ce point de vue.
Bien que le respect des Principes directeurs soit purement volontaire,
ils ont une force morale car ils expriment les attentes collectives des
pays de l'OCDE à l'égard du comportement et des activités
des entreprises multinationales. Le chapitre des Principes directeurs sur
l'emploi et les relations professionnelles qui a été rédigé
il y a plus de vingt ans, énonce clairement ce que doivent être
de bonnes pratiques de relations professionnelles et reste tout à
fait d'actualité. Dans le contexte de la mondialisation, l'importance
potentielle des Principes directeurs s'est renforcée depuis l'époque
où ils ont été adoptés, il y a vingt ans.
La principale critique formulée par le TUAC à l'encontre
des Principes directeurs portait sur le manque d'attention accordée,
au fil des ans, par les pouvoirs publics et les entreprises, à leur
mise en oeuvre. L'OCDE elle-même l'a reconnu dans son Rapport sur
le commerce, l'emploi et les normes du travail (5) qui précisait
que : "Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention
des entreprises multinationales ont un rôle à jouer en tant
qu'instrument non contraignant destiné à promouvoir un comportement
responsable de la part des entreprises multinationales. Ce rôle serait
plus fort si les pays du siège et les pays d'accueil faisaient savoir
qu'ils s'attendent à ce que les investisseurs étrangers respectent
partout les Principes directeurs et si les pays non membres de l'OCDE étaient
encouragés à souscrire aux Principes. ... Ceci indiquerait
clairement l'importance que les gouvernements de l'OCDE attachent au respect
de ces normes." Il est donc vraiment indispensable de redonner de
l'élan à la mise en oeuvre des Principes directeurs.
Le TUAC a reconnu que dans les circonstances actuelles, il ne serait
pas réaliste de faire des Principes directeurs un instrument juridique
au niveau de l'OCDE. Il est très improbable que tous les gouvernements
soient disposés à réécrire leur législation
relative aux relations professionnelles afin de l'adapter complètement
à la teneur des Principes directeurs, sans en affaiblir le contenu.
Toutefois, l'inclusion dans l'AMI ferait une différence. L'inclusion
des Principes directeurs dans l'AMI et ses procédures de suivi permettrait
de les mettre en évidence de façon à contribuer à
leur mise en application. Si les Principes directeurs n'étaient
pas inclus, ils risqueraient de tomber dans les oubliettes de l'arsenal
de l'OCDE. L'inclusion, dans l'AMI, de la Décision relative aux
Points de contact nationaux pourrait renforcer leur rôle en tant
que mécanisme de contrôle et d'application des Principes directeurs
et, de manière plus générale, d'organe de surveillance
de l'investissement international. Mais il faut que les gouvernements et
les entreprises des pays membres de l'OCDE se rendent compte qu'ils doivent
prendre les Principes directeurs au sérieux.
Il reste à savoir quelle sera la "solidité"
de cette association et si les parties à l'AMI seront obligées
de mettre en place des Points de contact nationaux pour faire appliquer
les Principes directeurs - une obligation qui incombe actuellement aux
membres de l'OCDE et que le TUAC juge essentielle. Le TUAC met en garde
contre un excès d'optimisme et incite les membres affiliés
à rester en étroite relation sur cette question, avec les
négociateurs de leur gouvernement.
La nécessité d'inclure dans l'AMI une clause sur les
droits des travailleurs
Les Principes directeurs de l'OCDE constituent un instrument parallèle
à la Déclaration tripartite de l'OIT sur les entreprises
multinationales et la politique sociale qui n'a pas non plus de caractère
obligatoire et reprend certains éléments de plusieurs Conventions
principales de l'OIT sur les droits fondamentaux des travailleurs. Toutefois,
les Principes directeurs ne s'adressent pas aux gouvernements mais aux
entreprises multinationales.
Il est donc proposé que les gouvernements s'engagent, dans le
préambule de l'AMI, à protéger, encourager et faire
respecter les droits fondamentaux des travailleurs. Il faut ajouter, en
outre, une clause spéciale relative aux questions des droits des
travailleurs par laquelle les gouvernements s'engageraient à ne
pas chercher à attirer l'investissement étranger en réduisant
les normes nationales du travail ou en violant les droits fondamentaux
des travailleurs reconnus au niveau international. Il y a analogie ici
avec l'article 1114 de l'ALENA sur les normes relatives à l'environnement
bien qu'il soit question à la fois de normes internationales et
de normes nationales.
Une telle clause permettrait de lutter contre la violation des normes
fondamentales du travail et équilibrerait la protection des droits
des investisseurs et ceux des travailleurs.
D'autres propositions de textes pour les clauses interdisant de réduire
les normes du travail ont été examinées par le Groupe
de négociation de l'AMI au cours de la réunion de juin/juillet
1997 et une démarche parallèle a été entreprise
en ce qui concerne les normes relatives à l'environnement. On estime
que quatre pays seulement (l'Australie, la Corée, le Mexique et
la Nouvelle-Zélande) s'opposent à toute forme de texte. Les
autres se répartissent de façon égale entre ceux qui
soutiennent une clause contraignante et ceux qui accepteraient seulement
une formulation non contraignante. Mais parmi ces derniers, il y aurait
plusieurs pays importants y compris les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne.
Un pays qui s'opposait autrefois à l'inclusion de clauses relatives
aux droits des travailleurs - le Royaume-Uni - a maintenant un nouveau
gouvernement qui a déclaré s'engager à soutenir des
clauses "fortement contraignantes" en matière de droits
des travailleurs et de protection de l'environnement (6).
L'évolution de l'attitude des gouvernements vis-à-vis
de l'AMI et des questions des droits des travailleurs est significative.
Toutefois, le TUAC voudrait mettre en garde contre un excès d'optimisme.
Il faut continuer à faire pression sur les gouvernements avant les
réunions de septembre et d'octobre du Groupe de négociation
pour ce qui est des Principes directeurs et d'une clause interdisant une
réduction des normes.
Opinions des membres affiliés du TUAC à propos des
éléments plus généraux de l'AMI
Certains membres affiliés du TUAC débattent actuellement
de la question de savoir s'il faut soutenir ou s'opposer à l'AMI
au niveau national et s'il faut exercer une pression sur les gouvernements
pour qu'ils émettent des réserves nationales ou demandent
des exemptions au titre de certaines dispositions du traité.
Au cours de sa session plénière de mai 1997, le TUAC a
réaffirmé que le Secrétariat du TUAC continuerait
de concentrer ses efforts afin d'obtenir le meilleur traitement possible
pour les questions de l'Accord concernant les droits des travailleurs mais
il a reconnu que ses membres affiliés choisiraient la position qu'ils
adopteront vis-à-vis de leur gouvernement et de l'ensemble de l'AMI
en fonction des exemptions nationales qui auront été négociées.
Il a été convenu en outre que le Secrétariat du TUAC
servirait à centraliser les préoccupations des membres affiliés
à propos de l'AMI.
Au Canada, le CLC a réalisé des analyses générales
de l'AMI ainsi que des évaluations plus précises de son incidence
potentielle sur les services publics et sociaux (7). Il est très
préoccupant de constater que l'AMI va restreindre la capacité
des administrations des Etats et des provinces, en particulier, à
réglementer les multinationales dans des domaines comme la protection
de l'environnement, les abus des droits de l'homme dans des pays tiers
et la création d'emplois locaux.
En dehors de l'Amérique du Nord, peu de syndicats ont pris position
officiellement sur les aspects de l'AMI qui ne concernent pas les droits
des travailleurs. Toutefois, le fait que tous les pays de l'OCDE aient
pu progresser jusqu'à maintenant dans les négociations révèle
qu'il n'y a plus qu'un très petit nombre de pays membres qui considèrent
que les contrôles discriminatoires nationaux à l'encontre
des multinationales ou des investisseurs étrangers en général
sont des moyens d'action importants. En Europe les syndicats cherchent
plutôt à renforcer les contrôles multilatéraux
ou régionaux par exemple par le biais de la législation de
l'Union européenne.
Depuis la parution du projet de texte révisé de l'AMI
en mai 1997, ses grandes lignes apparaissent maintenant clairement. Il
reste cependant à résoudre des questions essentielles notamment
en ce qui concerne la négociation des exemptions. On croit savoir
que parmi les questions les plus litigieuses à résoudre mention
peut être faite de :
La culture : la France, le Canada et la Belgique sont en
faveur d'une exception générale au principe du Traitement
national pour des secteurs comme les médias, le cinéma et
l'édition alors que les Etats-Unis s'opposent vivement à
une exception générale ;
Zones d'intégration économique régionale :
l'Union européenne veut que ces zones bénéficient
de l'exception au principe de la nation la plus favorisée pour lui
permettre d'accorder un traitement préférentiel aux investisseurs
d'autres Etats de l'Union européenne ;
Lois de l'Etat et lois locales : les Etats-Unis cherchent
à faire exempter les lois de l'Etat et les lois locales existantes
(principe de l'antériorité) ;
Boycottage des investissements secondaires : l'Union européenne,
le Canada et d'autres pays cherchent à interdire le boycottage des
investisseurs du fait de leurs activités dans des pays tiers, à
la lumière de la loi Helms-Burton aux Etats-Unis et aussi de l'affaire
de l'Union européenne et du Japon - dans le cadre de l'OMC -
contre l'Etat du Massachusetts et contre les sociétés investissant
en Birmanie. Les Etats-Unis y sont opposés ;
Les services publics et la privatisation : il y a contestation
sur la question de savoir si les offres d'actions de privatisation qui
sont limitées aux ressortissants devraient être exemptées
de l'AMI. La Hongrie a fait une proposition en ce sens mais les Etats-Unis
y sont opposés. D'un point de vue plus général, alors
que les monopoles publics et les entreprises d'Etat sont formellement autorisés,
en vertu de l'AMI, le CLC craint que certaines associations à but
non lucratif qui opèrent dans des secteurs comme la santé
et les services sociaux puissent être considérées comme
discriminatoires et il a demandé qu'une large exemption soit accordée
par l'AMI, aux services sociaux, (une clause d'exemption existe dans le
cadre de l'ALENA bien qu'il s'avérera peut-être qu'elle manque
de rigueur) (8) ;
Dispositions relatives à l'environnement : jusqu'à
présent le Groupe de négociation de l'AMI a travaillé
sur la base d'un traitement parallèle des questions relatives aux
droits des travailleurs et de l'environnement, comme nous l'avons précisé
ci-dessus. Sous la pression des associations écologiques, les Etats-Unis
ont toutefois travaillé sur des propositions complémentaires
qui, d'après ce que l'on sait, viseraient à nuancer la portée
du traitement national par l'adjonction de termes comme "dans des
circonstances analogues" et à ajouter des éléments
de l'accord annexe sur l'environnement de l'ALENA. Ces propositions seront
examinées lors des prochaines réunions du Groupe de négociation.
Hormis ces questions d'ordre général, on a appris que
quelques 600 réserves à l'Accord ont été formulées
par des membres de l'OCDE. Le nombre de réserves varie d'un pays
à l'autre et s'élève à 4 pour le Danemark,
9 pour la Belgique, 12 chacun pour le Japon et le Royaume-Uni, 24 pour
les Etats-Unis, 27 pour la République tchèque, 29 pour l'Australie
et 48 pour le Canada (9). Néanmoins, le nombre de réserves
présentées par un pays ne donne pas une image très
nette de la situation car certaines sont des exceptions très précises
alors que d'autres concernent le retrait de vastes secteurs, de l'Accord.
Conclusion : nécessité de poursuivre l'action
Il est primordial que les membres affiliés maintiennent leur
pression sur leurs gouvernements afin de les inciter à plaider en
faveur d'un traitement "énergique" des questions des droits
des travailleurs dans le cadre de l'AMI. (Une liste des principaux responsables
a été adressée aux affiliés avec la circulaire
du TUAC du 10 janvier 1997). Si les questions relatives aux droits des
travailleurs ne sont pas traitées de manière satisfaisante,
les membres affiliés du TUAC pourront alors s'opposer à la
ratification, par leur parlement, de tout Accord multilatéral éventuel
sur l'investissement.
Pour que cette question soit traitée de manière satisfaisante,
il faut :
- que dans le préambule de l'AMI les pays affirment clairement
leur soutien aux normes fondamentales du travail et aux Principes directeurs ;
- que le texte complet des Principes directeurs soit annexé à
l'AMI ;
- établir des Points de contact nationaux pour veiller au respect
des Principes directeurs qui devraient constituer un élément
contraignant de l'Accord ;
- rédiger le texte de manière à ce que les pays
non membres adhérant à l'AMI souscrivent automatiquement
aux Principes directeurs ;
- inclure dans l'AMI une "clause" contraignante "sur
les droits des travailleurs" qui fasse explicitement référence
aux normes fondamentales universelles du travail et aux normes nationales ;
- transférer la procédure de suivi des questions relatives
aux droits des travailleurs au "Groupe des Parties" qui s'occupera
de l'AMI, avec les mêmes procédures de consultation qui existent
actuellement pour le TUAC dans le cadre du processus du Comité OCDE
de l'investissement international et des entreprises multinationales (CIME).
Outre l'intérêt qu'il porte aux membres du Groupe de négociation,
le TUAC va travailler avec les ONG qui oeuvrent en faveur de la protection
de l'environnement ainsi que d'autres ONG en vue d'examiner les nouvelles
propositions qui ont été faites dans le domaine de l'environnement
et de chercher à maintenir un traitement parallèle pour les
questions relatives aux droits des travailleurs.
Hormis les questions des droits des travailleurs et de la protection
de l'environnement, les membres affiliés du TUAC sont instamment
invités à présenter à leurs gouvernements les
exemptions souhaitées dès l'instant qu'ils ont l'impression
que l'AMI entravera les actions légitimes des pouvoirs publics.
Le TUAC continuera de centraliser les points de vue des membres affiliés
sur ces questions et cherchera à avoir des consultations avec le
Groupe de négociation à propos des principales exemptions
en vue de renforcer, dans la mesure du possible, la position des affiliés.
Le TUAC continuera de travailler en relation étroite avec la
CISL en particulier afin que les préoccupations des syndicats des
pays en développement soient prises en compte lors des négociations.
Notes:
(1) Adopté en 1976 dans le cadre de la Déclaration
et des Décisions sur l'Investissement international et les Entreprises
multinationales.
(2) Ten Reasons To Be Concerned About The Multilateral Agreement
on Investment (Dix raisons de s'inquiéter de l'Accord multilatéral
sur l'Investissement), Friends of the Earth, 1997.
(3) Multilateral Agreement on Investment : Potential
Effects on State and Local Government, ( Accord multilatéral sur
l'Investissement : répercussions éventuelles sur l'Etat
et les organes d'administration locale), Western Governors' Association,
1997.
(4) "Pulling up the Drawbridge", (Remontons le
pont-levis) World Development Movement, juin 1997.
(5) Commerce, emploi et normes du travail, OCDE 1996.
(6) Débat à la Chambre des Communes, Hansard,
23 juillet 1997.
(7) The MAI - A Preliminary Critical Analysis, (L'AMI - Une
analyse critique préliminaire), CLC, juillet 1997 ; et
A Note on the MAI and Public and Social Services (Note sur l'AMI et
les Services publics et sociaux), Andrew Jackson, CLC, août 1997.
(8) ALENA Annexe II-C-9.
(9) AMI : Mise à jour Internet. Friends of the
Earth, Etats-Unis, août 1997.