English text
DECLARATION DU TUAC
A LA REUNION DU COMITE DE L'EMPLOI, DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES
AU NIVEAU MINISTÉRIEL, SUR LA POLITIQUE SOCIALE 23 - 24 juin 1998
Les nouveaux enjeux des systèmes de protection sociale et
de sécurité sociale à l'ère de la mondialisation
1. Les Etats providence sont une réussite. Pour un grand
nombre de pays de l'OCDE, la création des systèmes de sécurité
sociale, définis dans un sens plus large sous le nom d'Etats providence,
a représenté la principale réussite sociale de ces
cinquante dernières années. Bien que l'équilibre entre
l'offre publique et l'offre privée varie d'un pays à l'autre,
les bons systèmes publics se sont révélés d'une
grande valeur. Les systèmes de santé publics ont été
à l'origine d'un accroissement de la durée et de la qualité
de la vie, la sécurité sociale a diminué les plus
grandes misères et dénuements et, dans de nombreux pays,
les systèmes publics de pension ont supprimé l'insécurité
et la pauvreté des personnes âgées. Parallèlement,
ces systèmes sont devenus de grands employeurs dont les salariés
sont très attachés à leur travail et convaincus de
sa valeur pour la société.
2. Pourtant, les pays de l'OCDE sont confrontés à une
crise sociale. Pour un grand nombre de familles actives, les dernières
années du XXè siècle ont été dominées
par une insécurité croissante, la rationalisation, la pression
de la concurrence et la crainte du chômage. Les autres - les chômeurs
de longue durée, les familles monoparentales et de nombreux jeunes
ont été exclus du grand courant de la société
et sont pris au piège d'une nouvelle forme de pauvreté et
de dénuement. L'inégalité des revenus s'accroît
dans les pays de l'OCDE. Il existe un réel danger de rupture de
la cohésion sociale. Dans bien des cas, les systèmes de sécurité
sociale ont atténué les effets les plus graves de la crise.
Mais ces systèmes sont maintenant en butte à des attaques,
notamment à cause des réductions de dépenses, de l'augmentation
des coûts de santé, du chômage généralisé
et, dans certains cas, d'une obsession des politiques pour la "solution
du marché".
3. De ce fait, la stabilité politique se trouve menacée.
Eu égard à la mondialisation, l'OCDE a averti que si le progrès
social ne va pas de pair avec le développement économique,
la stabilité politique se trouvera menacée. Nous en avons
la preuve avec la croissance de l'extrémisme politique et du racisme
mais aussi avec les réactions violentes de l'opinion publique contre
le système mondial des échanges et de l'investissement. L'origine
du malaise social et politique n'est pas la mondialisation en tant que
telle mais l'incapacité à réglementer et gérer
efficacement les marchés mondiaux et mettre au point des politiques
nationales appropriées.
4. Les politiques économiques doivent inclure des objectifs
sociaux. Les politiques sociales ont un rôle fondamental à
jouer pour résoudre correctement ces problèmes. Mais la politique
sociale va au-delà des programmes sociaux et il est essentiel d'assurer
la cohérence entre les différents domaines de la politique
ce qui n'est pas un processus unilatéral. La politique sociale doit
tenir compte des objectifs d'action en matière d'économie
et d'emploi mais les politiques économiques doivent inclure des
objectifs sociaux. Pour que les politiques sociales réussissent,
il faut que les politiques économiques visent à rétablir
et soutenir le plein emploi. Il faut également fixer des limites
aux pressions de la concurrence mondiale.
5. Les pays de l'OCDE connaissent une évolution sociale de
grande ampleur. Outre la menace immédiate du chômage et
l'incidence de la mondialisation, les économies et les sociétés
des pays membres de l'OCDE connaissent des changements considérables.
Citons entre autres, l'évolution des rôles des hommes et des
femmes. Dans la plupart des pays de l'OCDE, la participation des femmes
à la population active a augmenté et, dans de nombreux domaines,
les femmes représentent maintenant la majorité des salariés.
Cette situation entraîne des demandes nouvelles en matière
d'aide sociale et de structures d'accueil pour les enfants de même
que l'apparition de nouveaux modes de vie et de structures familiales telles
que les familles monoparentales qui sont de plus en plus nombreuses. Les
réductions opérées dans les systèmes de sécurité
sociale ont eu des répercussions négatives disproportionnées
sur les femmes, les personnes handicapées et les groupes minoritaires.
De plus, les tendances démographiques se traduisent par un accroissement
de la population âgée de 65 ans et plus dans la plupart des
pays de l'OCDE et des conséquences radicales sur les systèmes
sociaux, de soins de santé et d'emploi.
6. Les syndicats sont des parties prenantes essentielles. Nombreux
sont les objectifs des systèmes de sécurité sociale
que les syndicats cherchent également à atteindre dans le
cadre de leurs stratégies de négociation collective et qui
peuvent compléter et étendre la protection sociale. Dans
plusieurs pays, les syndicats cogèrent les systèmes de sécurité
sociale. Les syndicats se font l'écho d'un grand nombre de groupes
défavorisés. Ils représentent également ceux
qui travaillent dans les systèmes de sécurité sociale.
Le mouvement syndical est prêt à travailler avec les ministres
de la Politique sociale de l'OCDE en vue de créer un nouveau consensus
sur les actions à mener.
La politique sociale est un investissement qui a un sens économique
et politique mais aussi social
7. Le problème du financement. L'apparition du chômage
de masse, la croissance des emplois précaires (travail mal payé,
emploi à temps partiel et temporaire, travail en indépendant
dû à la sous-traitance) et la tendance au raccourcissement
de la vie active et notamment l'abaissement de l'âge effectif de
départ à la retraite ont chacun influé sur les modalités
d'organisation, de financement et de fonctionnement des systèmes
de sécurité sociale. Les répercussions de ces tendances
sur les recettes fiscales et les cotisations de sécurité
sociale ainsi que sur les dépenses en matière de prestations,
de pensions au titre d'un régime public et de soins de santé
ont été l'élément moteur du débat de
l'OCDE sur la réforme des systèmes de sécurité
sociale. Les syndicats reconnaissent que ces changements imposent de nouvelles
et importantes pressions sur l'Etat providence mais la question au coeur
du débat doit être celle de la capacité des systèmes
à atteindre des objectifs multiples dans une période de changement.
8. Les dépenses sociales constituent un investissement.
En 1992, la réunion des ministres des Affaires sociales de l'OCDE
a qualifié, à juste titre, les dépenses sociales d'investissement.
L'Etat providence permet le fonctionnement du système de marché.
L'ensemble de la société et non pas seulement ceux qui perçoivent
des prestations, profite des bienfaits de l'Etat providence et notamment
de la cohésion sociale, de la sécurité et de la stabilité
politique. L'individualisation des formes de travail et des modes de vie
ainsi que les systèmes permettant l'aménagement du temps
de travail ne suppriment pas la nécessité d'avoir des systèmes
de sécurité sociale ; plus exactement ils exigent la mise
en place et le renforcement de nouvelles formes de solidarité sociale.
9. Elles soutiennent le développement économique et
social. Bien que se différenciant par leur forme et leur structure,
les dépenses sociales représentent entre un quart et un tiers
du revenu national dans les pays de l'OCDE. En revanche, elles conditionnent
le fonctionnement de l'économie. Elles soutiennent le développement
de l'infrastructure sociale, des ressources humaines et par là même,
favorisent l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée. En outre,
les systèmes de sécurité sociale favorisent l'équilibre
de la consommation et ont un effet stabilisateur sur la demande des consommateurs
comme les "stabilisateurs automatiques" qui diminuent les fluctuations
cycliques de l'économie.
10. Elles remplissent des fonctions sociales et politiques. En
contribuant à la justice sociale et en limitant les risques sociaux
et l'exclusion, les institutions de l'Etat providence contribuent à
la cohésion sociale et à la solidarité. En l'absence
d'une cohésion sociale, les économies et les sociétés
modernes ne peuvent pas survivre. Il en va de même pour la structure
de la fonction démocratique de l'Etat providence. C'est cette fonction
qui contribue, dans une large mesure, à l'équilibre des intérêts
sociaux divergents et à la stabilité politique. Il faut insister
sur le fait qu'elle créé les conditions qui permettent aux
hommes et aux femmes de participer, en tant que citoyens, aux débats
publics et au processus de prise de décision politique.
Les principes à la base de la modernisation et de la sauvegarde
des systèmes de sécurité sociale
11. Cinq principes doivent permettre d'orienter le changement.
Il est nécessaire de procéder à un débat public
approfondi pour atteindre un consensus sur les principes devant orienter
la réforme des systèmes de sécurité sociale
:
(i) La réalisation de la justice sociale et la lutte contre
la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce principe prend encore plus
d'importance en cette période d'évolution rapide et de mondialisation
qui s'accompagne d'une plus grande diversité des débouchés
commerciaux. Les prestations sociales et les allocations de chômage
doivent assurer la dignité de la vie quotidienne à tous les
citoyens.
(ii) La responsabilité individuelle. Il n'incombe pas à
l'Etat providence d'assumer la responsabilité qu'ont les individus
de gagner leur vie. Cependant, les autorités publiques ont comme
devoir, par le biais des systèmes et des programmes de sécurité
sociale et des mesures actives visant le marché du travail, de permettre
aux individus de vivre libérés de la crainte de la pauvreté
et du dénuement.
(iii) La cohérence entre les politiques. La restauration du plein
emploi doit être la priorité absolue aussi bien pour assurer
le progrès social que pour favoriser l'efficacité et la stabilité
de l'Etat providence.
(iv) La politique sociale doit être adaptée aux besoins
spécifiques des gens. Les systèmes de sécurité
sociale doivent s'adapter à l'évolution des formes de travail
et des modes de vie, en particulier au développement du travail
à temps partiel et à l'alternance, de plus en plus fréquente,
de périodes d'activité rémunérée et
de périodes consacrées à la formation continue ou
aux responsabilités familiales.
(v) Promotion de l'égalité des chances, participation
et responsabilité. Les périodes de bouleversements économiques
et sociaux font appel à la responsabilité sociale et à
la participation démocratique. Les droits et les responsabilités
de tous les citoyens doivent se compléter.
L'OCDE peut jouer un rôle essentiel
12. Le besoin d'indicateurs. Dans le cadre du débat sur
la politique sociale, l'OCDE doit mettre à l'ordre du jour les questions
de justice sociale, d'efficience et d'efficacité et examiner les
incidences réciproques de la politique sociale et du développement
économique. Pour ce faire, il lui faut préparer des indicateurs
sociaux comparables et diffuser les résultats des expériences
réalisées. En conséquence, le TUAC soutient donc fermement
la proposition de renforcement de la surveillance et de l'évaluation,
par l'OCDE, des mesures de politique sociale, et d'élaboration de
méthodes plus efficaces de comparaisons internationales.
13. Les limites des marchés. Depuis le milieu des années
80, l'OCDE en tant qu'institution et un grand nombre de gouvernements de
l'OCDE ont encouragé la libéralisation par le jeu des mécanismes
du marché et la déréglementation dans pratiquement
tous les domaines d'action. A l'heure actuelle, on ne croit plus naïvement
aux effets du marché pour tous les secteurs. Les syndicats sont
conscients du fait que la responsabilité sociale de l'Etat ne se
traduit pas nécessairement par des prestations publiques. Les syndicats
approuvent également les propositions en faveur d'un Etat habilitant.
Mais ils sont résolument opposés aux stratégies de
politique sociale guidées par une réflexion idéologique
ou égoïste selon laquelle "c'est mieux dans le privé".
Malgré la nécessité de modifier le rôle de l'Etat
en matière de politique sociale, les marchés ne peuvent pas,
à eux seuls, et ne devraient pas, jouer le rôle principal
en matière de fixation des programmes d'action relatifs à
la prestation des services sociaux. Ni les prestations de soins de santé,
ni les mesures de prévoyance pour les besoins des personnes âgées
ne peuvent être laissées sur le marché avec ses règles
et ses valeurs. En effet, les résultats du marché sont fortement
influencés par les inégalités actuelles du pouvoir
économique et politique. De plus, l'exemple des dépenses
de santé aux Etats-Unis illustre très clairement que les
prestations privées n'entraînent pas obligatoirement une amélioration
de l'efficacité et des coûts moins élevés que
dans les systèmes de santé publics.
La nécessité d'une stratégie intégrée
pour restaurer le plein emploi
14. Les bas salaires ne sont pas une solution. Il est fondamental
de coordonner l'action des pouvoirs publics au niveau national et international
et cette action doit avoir comme objectif de restaurer le plein emploi
sur la base d'emplois de qualité produisant des revenus décents.
Le TUAC a accueilli avec satisfaction les conclusions de la réunion
des ministres du Travail de l'OCDE, en 1997, qui précisaient que
l'on ne peut plus considérer les bas salaires comme étant
la solution au problème du chômage mais qu'ils faisaient partie
du même problème. Pour lutter contre les bas salaires, il
faut que les pouvoirs publics prennent un ensemble de mesures comprenant
: des salaires minimums afin de fixer un marché "plancher" ; des
prestations liées à l'exercice d'un emploi et des systèmes
d'impôt sur le revenu évitant le piège de la pauvreté
et le piège du chômage. Comme l'ont montré les travaux
de l'OCDE, la conciliation d'objectifs parfois contradictoires peut souvent
avoir des incidences sur les dépenses publiques.
15. Le lien entre allocations de chômage et emploi. Un
grand nombre de systèmes de mesures actives du marché du
travail se caractérisent depuis longtemps par le lien qui existe
entre le droit aux allocations de chômage et l'acceptation d'offres
d'emploi ou de formation. Pour que ce dispositif réussisse à
réintégrer les chômeurs de longue durée sur
le marché du travail et ne soit pas simplement un moyen de réduire
les dépenses ou, pire encore, de pénaliser les victimes du
chômage, il faut les efforts déterminés des gouvernements
et des partenaires sociaux pour gérer de manière rigoureuse
les marchés du travail et faire en sorte qu'ils offrent suffisamment
de bonnes possibilités d'emplois et de formation. Par ailleurs,
il faut offrir davantage de débouchés aux groupes à
risque et ne pas les pousser encore plus vers la pauvreté.
16. L'articulation des stratégies de mise à la retraite
et des stratégies d'emploi. Les propositions de l'OCDE visant
à neutraliser la tendance à l'abaissement de l'âge
effectif de départ à la retraite semblent se fonder sur l'hypothèse
qu'il existe de fortes motivations en faveur d'une retraite anticipée
et que les décisions favorables à la retraite anticipée
traduisent un désir croissant de loisirs. Elles considèrent
que les décisions en faveur de la retraite anticipée sont
principalement volontaires mais fortement influencées par la générosité
des régimes de retraite. On oublie alors que les décisions
individuelles de départ anticipé à la retraite s'accompagnent
de la décision d'accepter une réduction des droits à
pension. De plus, la tendance à la retraite anticipée reflète
aussi un changement fondamental des stratégies d'emploi des entreprises
(réduction des effectifs, accroissement des charges de travail,
plus grande préférence pour la main-d'oeuvre jeune). Qui
plus est, on ne décide absolument pas de prendre une retraite anticipée
pour profiter de loisirs. Il s'agit plutôt d'une décision
prise pour lutter contre le chômage. Face à la collectivité,
il est beaucoup plus facile d'accepter d'être retraité et
de recevoir une pension réduite que d'être au chômage
et de toucher les allocations de chômage. Pour renverser cette tendance
à un abaissement de l'âge effectif de départ à
la retraite, la mesure la plus importante doit consister à supprimer
les pressions en faveur de la retraite anticipée en mettant en oeuvre
des politiques économiques davantage tournées vers l'emploi.
Lorsqu'il y a peu de chômage, la tendance à la retraite anticipée
est faible.
17. Des marchés du travail favorables à la famille
- mais non pas au détriment des familles. Les marchés
du travail doivent devenir plus "favorables à la famille". La mise
en place de bonnes structures d'accueil pour la garde des enfants ne peut
plus être considérée comme une question d'ordre privé.
Pour encourager l'égalité des chances et accroître
l'emploi des femmes, les gouvernements et les employeurs doivent contribuer
à réconcilier la vie de famille et la vie active. Des conventions
collectives relatives à la réduction et à l'aménagement
du temps de travail, aux contrats de travail à temps partiel et
aux contrats à durée déterminée donnent clairement
la priorité à cette question. Mais la mise en place de marchés
du travail favorables à la famille ne peut pas incomber seulement
aux syndicats. Les syndicats sont disposés à travailler avec
les employeurs et les gouvernements afin de contribuer à la création
d'une infrastructure suffisante ainsi qu'à la multiplication des
options pour les salariés.
Les mesures à prendre pour faire face au vieillissement des
sociétés
18. Retraite : choix individuel plutôt que contrainte économique.
Les syndicats soutiennent la mise au point d'une formule souple assurant
la transition progressive de la vie active à la retraite. La tendance
à la retraite anticipée est souvent un moindre mal que le
chômage et la restructuration des entreprises. Hormis la réduction
du chômage, les syndicats sont prêts à jouer un rôle
fondamental dans le cadre d'efforts concertés afin de tirer partie
à nouveau de la grande expérience des travailleurs âgés
et d'atténuer la discrimination dont ils sont l'objet. L'organisation
du travail et la conception du lieu de travail doivent prendre en considération
les besoins des travailleurs âgés. Pour ce faire, il faut
non seulement que les possibilités de recyclage et "d'apprentissage
à vie" soient mises également à la disposition des
travailleurs âgés mais aussi que l'allongement de la vie active
soit une décision volontaire des salariés. Il faut également
y inclure le droit de refuser la retraite obligatoire. Les gouvernements
membres de l'OCDE doivent en tenir compte dans les habitudes d'emploi de
leur propre secteur public.
19. Le rôle capital des régimes publics dans les systèmes
de retraite à plusieurs piliers. Le travail que l'OCDE réalise
sur le vieillissement des sociétés ne peut pas être
considéré comme un projet en vue du remplacement des régimes
publics de pension par des régimes privés ou des régimes
de pension par capitalisation. Il ne s'agit pas là d'une solution
à l'accroissement des coûts des systèmes de pension
par suite du vieillissement des sociétés. Les pressions actuarielles
seront simplement transférées de l'Etat aux marchés
financiers avec les risques correspondants, comme nous l'avons vu lors
de la crise financière asiatique. Certains pays de l'OCDE ont déjà
entrepris des démarches d'une grande ampleur en vue de stabiliser
les régimes nationaux de pensions de retraite. Ces efforts destinés
à éviter d'augmenter les cotisations aux régimes de
retraite et aux fonds de retraite regroupent, en fonction des contextes
nationaux et des circonstances, un large éventail de mesures pratiques
de réforme. Ces efforts consistent, entre autres, à élargir
l'assiette des cotisations aux caisses de retraite et à passer à
des systèmes à deux niveaux ou éléments (piliers
multiples), voire plus et à renverser la tendance favorable à
une diminution de la vie active et un allongement de la retraite. Le débat
et les mesures pratiques indiquent qu'il n'existe par une seule solution
qui soit la meilleure. En fait, dans bien des cas, les pays qui ont réduit
les dépenses publiques ont en permanence des problèmes d'inégalité
et de pauvreté des personnes âgées. La place de plus
en plus importante des systèmes à piliers multiples et la
grande diversité de mécanismes, nouveaux ou modifiés,
révèlent que le déplacement rapide de paradigme -
souvent préconisé - vers des régimes (obligatoires)
de retraite par capitalisation au lieu de systèmes par répartition
constitue un faux débat. Les systèmes publics sérieux
sont plus efficaces pour assurer une large couverture et la transférabilité
des droits à pension ; leurs coûts administratifs sont plus
faibles et ils sont plus équitables.
Soins de santé : il ne suffit pas d'endiguer les dépenses
20. La santé est primordiale pour améliorer la qualité
de la vie. Le développement des systèmes de soins de
santé et les progrès des techniques médicales ont
grandement contribué à l'augmentation de l'espérance
de vie. Par suite du vieillissement des populations, il est capital de
donner la priorité à l'amélioration de la qualité
de la vie pendant les années de vieillesse et d'étendre un
accès équitable à des soins de santé de bonne
qualité.
21. Six principes de réforme. La réforme doit s'appuyer
sur les six principes suivants :
(i) L'équité doit être au centre des systèmes
de soins de santé :
- les revenus des gens doivent être protégés
contre les obligations importantes et imprévisibles en matière
de dépenses de soins de santé ;
- ceux qui ne disposent que de très maigres revenus sont
en moins bonne santé que le reste de la société bien
que les causes premières en soient le chômage, la médiocrité
du logement, de la nourriture et des conditions de travail ; il faut répartir
les soins de santé de manière à réduire les
inégalités de santé.
(ii) Les systèmes de santé doivent être incorporés
aux politiques de santé :
- les gens veulent avoir des conditions de vie et de travail
saines et non pas des soins de santé "correctifs" ;
- les causes premières de mauvaise santé doivent
être abordées par le biais de politiques sociales de plus
grande envergure et d'un glissement vers la médecine préventive
;
- l'hygiène et la sécurité du travail dans
l'entreprise permettent de mettre l'accent sur l'amélioration de
la santé mais les politiques doivent aller au-delà et aborder
toute la question de l'organisation du travail.
(iii) L'efficacité des systèmes de santé est plus
importante que les critères étroits d'efficience du "marché"
:
- les réformes du marché ont souvent déplacé
les coûts vers d'autres parties du secteur public ou les ont renvoyés
vers les particuliers mais ne les ont pas réduits ;
- l'éthique "sociale" ou du "service public" en matière
de prestation de services de santé est en train de se perdre ;
- dans bien des cas, les expériences avec la concurrence
ne font qu'augmenter les coûts administratifs et créer de
la confusion pour les patients et les prestataires de services ;
- la coopération et le partage de l'information sont menacés
par la concurrence et la mentalité commerciale ;
- les réformes de santé devraient se concentrer
sur l'amélioration des performances de gestion et la prestation
des services de santé.
(iv) Les travailleurs employés dans les professions de santé
doivent être au centre des consultations relatives aux réformes
de santé :
- les réductions de personnel et l'accroissement de la
pression professionnelle provoquent bien souvent une baisse importante
du moral dans les professions des services de santé et des services
auxiliaires ;
- dans certains cas, la "sous-traitance" des services obligent
les travailleurs à proposer à nouveau leurs services à
des niveaux inférieurs de rémunération et d'avantages
ce qui agit également sur la qualité.
(v) Faire en sorte que l'offre réponde à la demande :
- les demandes de soins de santé des particuliers sont
réelles : on a pu constater qu'une augmentation des redevances payées
par les usagers est en général extrêmement régressive
et d'une efficacité limitée ;
- tous les efforts doivent être destinés à
réduire la demande induite par les fournisseurs ;
- l'industrie pharmaceutique est un exemple fondamental de secteur
pour lequel il faut cibler les efforts.
(vi) La responsabilité finale du financement des soins de santé
et de l'efficacité de leur prestation doit continuer d'incomber
au secteur public.
Conclusion
22. Les syndicats soutiennent la modernisation de l'Etat providence
afin de sauvegarder son avenir. Le mouvement syndical reconnaît
la nécessité de jouer un rôle anticipatif dans les
efforts déployés pour moderniser l'Etat providence par le
biais d'une amélioration de son efficience et de sa rentabilité.
Il faut que les préoccupations sociales et de protection sociale
soient plus effectivement intégrées à des politiques
de plus grande envergure en matière économique et budgétaire,
de marché du travail et de l'éducation, et de la famille.
La politique sociale ne se borne plus à des questions de programmes
de dépenses. Pour résoudre complètement les problèmes
de vieillissement des sociétés en offrant une solution présentant
des perspectives intéressantes, il faut s'appuyer sur la pleine
participation des partenaires sociaux.
Les principaux points d'un nouveau consensus pour l'action
- La politique sociale doit aller au-delà des programmes de dépenses
et les politiques économiques doivent comporter des objectifs sociaux
(§ 4).
- La politique sociale ne se traduit pas seulement par des coûts
mais aussi par des bienfaits économiques, politiques et sociaux.
Par conséquent, les gouvernements doivent s'engager à accorder
le financement nécessaire à la politique sociale comme s'il
s'agissait d'un investissement dans la stabilité politique et d'une
condition de l'efficience économique (§ 7-10).
- Un large débat public afin de mettre au point, d'un commun
accord, les principes visant à renouveler et réformer de
manière équitable et durable les systèmes de sécurité
sociale.
- L'OCDE doit participer activement à la préparation d'indicateurs
sociaux comparables et à la diffusion des expériences qui
ont été réalisées (§ 6).
- Il est essentiel de remporter la lutte contre le chômage pour
restaurer la cohésion sociale et permettre une mise en oeuvre efficace
des politiques sociales (§ 14-17).
- L'obsession des coûts des régimes publics de pensions
n'est pas un bon point de départ pour faire face aux problèmes
posés par le vieillissement de la société. Il faut
adopter une approche équilibrée pour créer des systèmes
de retraite à plusieurs piliers dont un élément fondamental
doit être les prestations publiques et il faut prendre des mesures
afin d'intégrer les travailleurs âgés et de favoriser
leur emploi (§ 18-19).
- Il faut entreprendre une réforme équitable des systèmes
de soins de santé et procéder à leur renforcement
(§ 20-21).
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