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DECLARATION SYNDICALE A LA REUNION DE 1998 DU CONSEIL DE L'OCDE
AU NIVEAU DES MINISTRES ET AU SOMMET ECONOMIQUE DU G8 DE BIRMINGHAM
Avril - mai 1998
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(Adoptée par la Session plénière du
TUAC, 16-17 avril 1998)
La crise de la mondialisation
1. La crise asiatique est la plus sérieuse traversée par
la nouvelle "économie mondiale" qui est apparue depuis les années
1980. Ses conséquences dépassent largement les limites des
marchés financiers et révèlent les graves imperfections
de la structure du système multilatéral. Les travailleurs
et leurs familles subissent les conséquences de la disparité
des approches en matière de mondialisation qui se traduisent par
un manque de responsabilité au niveau politique et des entreprises,
par la médiocrité de la gestion économique internationale
et l'absence d'une réglementation convenable des marchés
financiers. La crise risque aussi de se propager avec un effet déflationniste
sur l'économie mondiale qui accentuera encore l'absence de demande
équilibrée dont souffre l'économie mondiale.
2. Les dirigeants sont donc confrontés à des enjeux politiques
et économiques très importants. La véritable réponse
à apporter aux problèmes de la mondialisation ne se trouve
ni dans la poursuite de la déréglementation aveugle des années
80, ni dans un retour au protectionnisme. Il s'agit de gérer correctement
les marchés aussi bien au niveau local, national, régional
ou mondial de manière à instaurer un système multilatéral
favorable à la croissance et à l'emploi. Il faut aussi gérer
le changement en donnant aux travailleurs un sentiment de sécurité
et confiance dans le processus de changement. Il y a cinquante ans, les
gouvernements ont fait preuve de clairvoyance et montré la voie
à suivre en créant les institutions de Bretton Woods après
la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le processus de mondialisation
exige que les gouvernements fassent preuve de clairvoyance et montrent
la voie en instituant des mécanismes de gestion pour s'assurer que
les marchés mondiaux apportent une prospérité de plus
en plus grande et largement partagée.
3. Les ministres du G8 présents à la Conférence
de Londres sur l'Emploi, ont reconnu que les syndicats ont un rôle
essentiel à jouer dans la réussite de ces initiatives. La
présence de puissants syndicats démocratiques est une force
indispensable pour assurer la transparence et la responsabilité
des entreprises et des pouvoirs publics et garantir une répartition
équitable des fruits de la croissance. Il faut garantir les droits
fondamentaux des travailleurs à l'échelle mondiale et favoriser
le bon fonctionnement du marché du travail et des systèmes
de sécurité sociale pour amorcer une gestion du changement
qui soit acceptable par la collectivité.
4. Lors de la réunion du Conseil de l'OCDE au niveau ministériel
et du Sommet du G8 à Birmingham, les principaux acteurs gouvernementaux
de l'économie mondiale devront démontrer leur capacité
à agir collectivement et rapidement. Il leur faudra :
- mettre en oeuvre une stratégie coordonnée pour maintenir
la croissance mondiale et soutenir une demande intérieure équilibrée
(§ 5-7) ;
- créer en priorité une Commission internationale en vue
de mettre en place une nouvelle structure financière indispensable
pour gérer les marchés internationaux de capitaux (§8-9);
- donner une dimension sociale et démocratique à la mondialisation
et prendre des mesures catégoriques afin que le système mondial
d'échanges et d'investissement garantisse les normes fondamentales
du travail (§ 10-13) ;
- s'inspirer des principes mis au point à la Conférence
du G8 sur l'Emploi, à Londres et mettre en oeuvre une stratégie
en matière d'employabilité et d'intégration sociale
en supprimant la discrimination, en instaurant des politiques en faveur
d'un marché du travail de qualité, l'apprentissage à
vie, un partenariat pour le changement sur le lieu de travail, la lutte
contre les bas salaires et la réduction des "pièges" du chômage
et de la pauvreté dans les systèmes de prestations sociales
(§ 14-15) ;
- mettre en oeuvre une stratégie du développement durable
(§ 16-17) ;
Une stratégie de croissance mondiale pour l'emploi
5. Alors que les répercussions de la crise asiatique continuent
à se faire sentir, les perspectives de croissance de l'économie
et de l'emploi restent incertaines et inégales dans les pays industrialisés.
Le chômage a baissé dans certains pays de l'OCDE mais il a
encore augmenté dans dix pays et le nombre de chômeurs a dépassé
35 millions en 1997. Aux Etats-Unis, la croissance de l'emploi reste forte
mais de très grandes inégalités de revenus persistent.
En Europe continentale, la reprise tant attendue s'est amorcée mais
il reste d'importantes capacités disponibles. Pendant ce temps,
au Japon, l'économie connaît encore de sérieuses difficultés.
6. Cette situation s'inscrit sur fond de désinflation et de déficits
budgétaires fortement réduits. Le poids de l'ajustement retombe
sur les titulaires de revenus peu élevés et moyens, les chômeurs
et leurs familles et se traduit par des diminutions de salaires, l'insécurité
de l'emploi ou des réductions au niveau des prestations sociales
et des allocations de chômage. Dans de nombreux pays, les stratégies
de négociation collective des syndicats ont donné la priorité
à l'emploi. Au cours de la dernière décennie, les
salaires ont connu la modération. Mais dans un grand nombre de pays,
la faiblesse du pouvoir d'achat national est trop grande pour soutenir
une reprise vigoureuse. De surcroît, par suite de la crise asiatique,
l'économie mondiale risque maintenant de se trouver confrontée
à la déflation ce qui, d'après les prévisions
à la baisse du FMI, entraînerait cette année une réduction
de 1,2 % du PIB mondial. C'est ce qui fait toute la différence entre
la baisse et la hausse du chômage dans un grand nombre de pays de
l'OCDE et aggrave le problème de la faiblesse de la confiance des
consommateurs. Dans un ordre qualitativement différent, il faut
mentionner le non-paiement des salaires de millions de travailleurs russes,
qui entrave la croissance et la réforme structurelle.
7. Il est nécessaire d'entreprendre une action coordonnée
pour instaurer et maintenir une croissance économique dépassant
la tendance actuelle dans les pays de l'OCDE. Les pays qui assisteront
à la réunion du Conseil de l'OCDE au niveau ministériel
et au Sommet de Birmingham devraient prendre rapidement des mesures afin
de :
- coordonner les politiques macroéconomiques pour obtenir ou
maintenir de faibles taux d'intérêt réel en vue de
stimuler la croissance de l'emploi dans les pays de l'OCDE de manière
à préserver le dynamisme de la croissance américaine
et faire en sorte que l'UEM contribue à encourager la croissance
fondée sur la demande que connaît actuellement l'Europe et
qui est indispensable pour donner suite aux directives de l'UE en matière
d'emploi. Parallèlement, au Japon, il faut poursuivre les réductions
d'impôts et accroître les dépenses publiques ;
- élargir les objectifs des banques centrales et notamment de
la Banque centrale européenne afin d'y intégrer des mesures
de nature à favoriser la croissance de l'économie et de l'emploi
la plus forte possible dans un contexte d'inflation peu élevée
;
- maintenir et mettre au point des bases d'imposition stables en évitant
une concurrence fiscale dommageable et en assurant de ce fait des niveaux
équitables d'imposition du capital et des bénéfices
tout en allégeant le poids de la fiscalité sur le travail
;
- accélérer les investissements d'infrastructure et faire
avancer les programmes d'infrastructure trans-européens ;
- améliorer et accélérer la mise en oeuvre de l'initiative
du FMI et de la Banque mondiale en faveur des "Pays les plus pauvres lourdement
endettés" pour permettre un réel allégement de la
dette pour les pays les plus pauvres du monde ;
- en Russie, sortir du cercle vicieux de la crise financière
qui provoque le non-paiement des salaires et se traduit par des moins-values
de recettes fiscales et une aggravation de la crise financière.
Une Commission internationale pour la réglementation des marchés
financiers internationaux
8. La crise du peso mexicain et la permanence des répercussions
de la crise financière asiatique viennent sévèrement
nous rappeler les ravages que l'absence de réglementation des marchés
financiers internationaux peut provoquer. Le risque systémique et
les effets de contagion amplifient leur capacité à répercuter
immédiatement les chocs dans le monde entier. Les avantages découlant
de la libéralisation financière sont en voie d'être
annulés par les coûts correspondants pour l'activité
économique, l'emploi et la collectivité. Les mesures d'austérité
actuellement mises en oeuvre en Asie pour "restaurer la confiance des investisseurs"
entraînent les économies vers la récession.
9. Face à cette situation, les séries de mesures destinées
à favoriser la stabilité des marchés financiers, qui
ont été préconisées et adoptées avec
enthousiasme par les chefs d'Etat depuis le Sommet du G7 à Naples,
en 1994, montrent clairement les insuffisances de la méthode actuelle.
Ni le "système d'alerte avancée" du FMI, tant annoncé,
ni les Principes fondamentaux du Comité de Bâle pour une Surveillance
efficace des activités bancaires n'ont eu une quelconque influence
sur cette crise extrêmement grave de la mondialisation. Cet échec
prouve qu'une nouvelle structure est nécessaire pour contrôler
le système financier international et le moment est venu d'en poser
les bases. La réunion des ministres des Finances du G7, en février
1998, a recommandé de tenir un "débat approfondi et de grande
envergure" sur les enseignements de la crise et la nécessité
de "renforcer le système monétaire international". L'objectif
doit être de réaménager les marchés financiers
pour faciliter l'investissement productif à long terme de manière
à garantir la croissance et une prospérité largement
partagée. Il existe un déficit démocratique dans le
débat sur la réforme des marchés financiers. Par conséquent,
les gouvernements doivent créer en priorité une Commission
indépendante internationale largement représentative, dont
le mandat sera de rendre compte rapidement des changements institutionnels
et des réorientations nécessaires à la mise en place
d'un cadre réglementaire international efficace. Pour ce faire,
il faudrait :
- redéfinir le rôle et les responsabilités de la
Banque des règlements internationaux (BRI), du FMI, de la Banque
mondiale, de l'OCDE et du Comité de Bâle sur la Surveillance
des activités bancaires afin de mettre en oeuvre un système
mondial de gestion des marchés financiers internationaux ;
- réexaminer le rôle du FMI et de la Banque mondiale comme
l'a demandé en particulier le Sommet des Nations Unies pour le Développement
social, réuni à Copenhague, de sorte que les programmes d'ajustement
structurel encouragent la bonne gestion des affaires publiques et le respect
des droits de l'homme, l'accroissement de l'emploi et la diminution de
la pauvreté et non pas l'austérité et la déréglementation
aveugle. Cet examen devrait prendre en compte la nécessité
d'un soutien extérieur pour maintenir ou engager des dépenses
en vue de mettre en place des dispositifs de protection sociale dans les
pays en difficultés. De même, l'examen devrait axer son attention
sur l'expérience des pays victimes des politiques de taux d'intérêt
élevés qui ont aggravé la crise de l'ajustement par
de graves récessions ;
- jeter les bases pour l'application d'une taxe internationale sur les
transactions de devises ;
- reconnaître le rôle des obligations de dépôt
minimum afin de décourager les flux monétaires spéculatifs
à court terme. L'Accord multilatéral sur l'Investissement,
qui est en cours de négociation à l'OCDE, devrait inclure
une exception générale à cet effet ;
- convenir que les nouveaux blocs de monnaies de réserve : le
dollar, le yen et l'euro instaurent des parités stables tout en
résorbant progressivement les déficits et les excédents
des balances courantes ;
- exiger la réglementation effective des marchés financiers
et leur homologation en couvrant les risques chiffrés et acceptables
au moyen de normes en matière de fonds propres et de contrôles prudentiels. Les organismes associés de réglementation doivent
être efficaces, transparents et responsables. Il faudrait limiter
les engagements en devises, en particulier pour les investisseurs institutionnels
et tout spécialement pour les caisses de retraite ;
- faire en sorte que les systèmes bancaires soient transparents
et soumis à des obligations d'information et de réserves
minimum suffisantes.
Donner une dimension sociale au système mondial des échanges
et de l'investissement
10. Les gouvernements sont en train d'étendre à l'échelle
mondiale la portée de leurs législations nationales régissant
la propriété intellectuelle et les droits des investisseurs.
Ils doivent maintenant agir de manière décisive pour faire
respecter les droits fondamentaux du travail et de l'homme dans le monde
entier. La crise asiatique et la débâcle de l'AMI ont démontré
l'erreur commise en négligeant la dimension sociale de la mondialisation.
La crise asiatique est un exemple éloquent de ce qui se produit
lorsque le progrès social ne va pas de pair avec le développement
économique. Les années miracle ont masqué le fait
qu'un grand nombre de pays, maintenant en crise, n'ont pas su permettre,
et à plus forte raison, encourager, la création de syndicats
démocratiques ainsi que d'autres organismes participatifs attestant
du fonctionnement d'une société civile.
11. Les pays de l'OCDE et du G8 qui assisteront à la réunion
ministérielle de l'OMC devront faire pression pour :
- que l'inclusion des normes fondamentales du travail soit objet de
négociation dans tout nouveau cycle de négociations de l'OMC
;
- que des mesures concrètes soient prises en vue de renforcer
la coopération entre l'OIT et l'OMC ;
- que les examens des politiques commerciales prennent en considération
les normes fondamentales du travail.
12. Il est également nécessaire que l'OIT progresse très
rapidement dans la préparation d'une déclaration ferme relative
aux droits fondamentaux des travailleurs et assortie d'un mécanisme
d'application effectif.
13. Les gouvernements qui n'ont pas été en mesure, dernièrement,
de respecter la date limite de conclusion des négociations de l'Accord
multilatéral sur l'Investissement (AMI) doivent maintenant en tirer
les leçons. Les craintes qu'éprouvent les citoyens face aux
effets d'une libéralisation mal équilibrée des échanges
et de l'investissement sont réelles. Si les gouvernements méconnaissent
ces craintes, il se produira une violente réaction sociale à
l'encontre de la mondialisation et d'un quelconque futur accord sur l'investissement,
en particulier. Aucun accord ne doit remettre en cause les prérogatives
réglementaires ni exposer les gouvernements à des demandes
pernicieuses d'expropriation et les conséquences des conflits sociaux
ou du travail ne doivent pas donner lieu à des revendications de
ce genre. Les gouvernements doivent être en mesure de préserver
l'efficacité des services publics faisant intervenir des organismes
à but non lucratif dans des domaines comme la santé, les
services sociaux et l'éducation. Lors des prochaines négociations,
il faudra se mettre d'accord, entre autres, sur l'inclusion d'une clause
contraignante dans l'AMI qui engage les gouvernements à ne pas abaisser
ou ne pas s'abstenir d'appliquer les normes nationales du travail et celles
qui sont reconnues à l'échelon international ainsi que les
normes de protection de l'environnement afin d'attirer l'investissement
et non pas simplement des investissements déterminés. Les
gouvernements et l'AMI seront jugés dans la mesure où les
droits ayant force obligatoire et la protection qu'ils accorderont aux
investisseurs seront compensés par l'octroi de droits réciproques
aux travailleurs et en matière de protection de l'environnement.
Ces questions revêtent une grande importance dans le débat
national concernant la ratification de tout nouvel accord.
Un nouveau programme d'action pour l'emploi et l'intégration
sociale
14. La réunion des ministres du Travail de l'OCDE, en 1997, le
sommet de l'Union européenne sur l'emploi, en 1997 et la conférence
du G8 sur l'emploi, à Londres ont tous témoigné d'une
réorientation du débat sur les moyens d'augmenter la croissance
et de traduire cette croissance en emplois de qualité ainsi que
d'accorder une plus grande importance à l'intégration sociale
et à la diminution des inégalités. Nous avons dépassé
l'époque de la campagne en faveur de la déréglementation
grossière des marchés du travail et le suivi de l'Etude de
l'OCDE sur l'Emploi doit en tenir compte.
15. Il faut donc des marchés du travail adaptables qui encouragent
l'innovation, facilitent les investissements en capital humain dans l'ensemble
de la population active et pendant toute la durée de la vie active,
luttent contre l'exclusion sociale, produisent des résultats équitables
et rationnels et donnent aux travailleurs un sentiment de sécurité
et de confiance dans le processus de changement. Les syndicats ont un rôle
essentiel à jouer pour parvenir à ce résultat et ils
sont disposés à travailler avec les pouvoirs publics et les
employeurs s'il existe un programme d'action concret en faveur du changement.
A cette fin, il faut élaborer des politiques intégrées
:
- L'esprit d'entreprise et un partenariat pour des "entreprises
tenant compte des intérêts de la collectivité".
Encourager l'esprit d'entreprise ne doit pas devenir synonyme d'absence
de réglementations et de normes indispensables et de travail dans
des ateliers clandestins où la main d'oeuvre est sous-payée.
Indépendamment de leur taille, les entreprises doivent fonder leurs
stratégies de compétitivité sur la mise en place de
lieux de travail à haute performance et faisant une large place
aux connaissances grâce à l'innovation technologique, à
une nouvelle organisation du travail fondée sur des compétences
plus élevées et plus diversifiées, des relations professionnelles
d'une grande fiabilité et moins hiérarchisées. Trop
peu d'entreprises ont suivi cette voie et un trop grand nombre demeurent
obsédées par l'idée de la flexibilité à
court terme qui se caractérise par des réductions d'effectifs,
la déstratification hiérarchique, et la sous-traitance. La
crainte et l'insécurité règnent dans l'entreprise
; la formation est négligée et les travailleurs manifestent
plus d'opposition que d'enthousiasme face au changement. Il faut que les
syndicats soient reconnus et puissent unir leurs efforts à ceux
des travailleurs pour faire en sorte que le changement sur le lieu de travail
s'opère dans des conditions optimales. Les pouvoirs publics peuvent
prendre des dispositions pour faciliter ce changement. Ils devraient créer
un climat de sécurité en instaurant une garantie de droits
fondamentaux de l'emploi. En associant politique novatrice et mesures d'incitation,
ils peuvent encourager la bonne pratique en matière de changement
sur le lieu de travail.
- Prévention du chômage de longue durée.
Les mesures actives visant le marché du travail doivent servir à
aider les chômeurs à retrouver rapidement un emploi. Elles
doivent avoir comme objectif d'offrir des débouchés et non
pas de pénaliser les victimes. Leur efficacité est optimale
lorsqu'il existe une forte demande de main d'oeuvre. Elles doivent avoir
un caractère anticipatif - et permettre le recyclage et les mesures
de placement avant que le changement ne se produise et avant d'entrer dans
le chômage de longue durée. L'expérience a montré
que la meilleure solution consiste à établir un lien entre
les services de l'emploi, les organismes de formation et les services décentralisés.
Il est capital que les syndicats participent à l'élaboration
et à la mise en oeuvre de ces mesures.
- Mise en oeuvre de l'apprentissage à vie. Pour que l'apprentissage
à vie ne demeure pas simplement un slogan creux et soit mis en oeuvre,
il faut instaurer un partenariat social impliquant la participation des
syndicats, des employeurs, des parents et des enseignants. Il faut en particulier
:
- un investissement public dans l'enseignement de base afin d'améliorer
la qualité du système éducatif, en particulier pour
les défavorisés ;
- un contrôle permanent et l'amélioration des pratiques
éducatives ;
- l'élargissement de l'accès à l'enseignement
postscolaire et supérieur et son intégration avec la formation
des adultes ;
- l'introduction de critères comparatifs de performances
pour la formation et le recyclage dans les entreprises ;
- la participation des syndicats à l'élaboration,
au suivi, à l'évaluation et à la promotion des systèmes
de reconnaissance des qualifications et des compétences découlant
du travail ;
- le développement des plans de rotation du travail entre
les chômeurs de longue durée et les travailleurs souhaitant
prendre un congé de formation ;
- la création de banques de formation à l'intention
des petites et moyennes entreprises, avec la participation des partenaires
sociaux.
- Gérer l'aménagement du temps de travail et la prolongation
de l'apprentissage. Les gains de productivité devraient être
plus largement répartis sous forme d'une diminution générale
du temps de travail afin de renforcer le lien entre croissance et création
d'emplois.
- Cet objectif est réalisable lorsque les travailleurs
participent à la réorganisation du travail et à l'aménagement
du temps de travail. Dans le cadre de négociations élargies
intervenues dans différents pays et secteurs, les syndicats ont
conclu des accords sur des temps de travail flexibles en échange
de réductions de la durée du travail.
- L'économie "fondée sur le savoir" et l'orientation
vers une société de l'information exigent d'allonger le temps
d'apprentissage des travailleurs pour qu'ils puissent s'adapter au changement
structurel et aux innovations en matière d'organisation des entreprises.
Il serait donc utile que la réduction et l'aménagement du
temps de travail servent aussi à consacrer plus de temps à
l'apprentissage et à la formation par, et dans, les entreprises.
- Les travailleurs à temps partiel devraient bénéficier
des mêmes droits en matière d'emploi que les travailleurs
à temps plein, de manière à mettre le travail à
temps partiel sur un pied d'égalité avec le travail à
temps plein et éliminer le travail à temps partiel et le
travail temporaire involontaires. Il serait ainsi plus facile de réaliser
un partage socialement acceptable du travail et possible de choisir volontairement
le travail à temps partiel.
- Supprimer la pauvreté et l'exclusion. Augmenter le nombre
d'emplois à bas salaire et la pauvreté des travailleurs n'est
pas une solution acceptable au problème du chômage. De ce
fait, les entreprises sont encouragées à mettre au point
des stratégies de concurrence fondées sur des bas salaires
et une organisation du travail désuète. Les travailleurs
à bas salaires restent souvent bloqués dans ces emplois,
la pauvreté des ménages s'intensifie et la cohésion
sociale se trouve menacée. Les économies de l'OCDE doivent
créer des emplois et lutter parallèlement contre les bas
salaires et l'exclusion sociale. Les salaires minimums fixés par
la loi et par les négociations collectives ont un rôle essentiel
à jouer dans la fixation des salaires plancher qui éliminent
l'exploitation des travailleurs à bas salaires. Un salaire plancher
fixé de manière équitable peut encourager l'adoption
concertée de mesures destinées à améliorer
la productivité des travailleurs, notamment dans les secteurs à
bas salaires. Le système des prélèvements et prestations
a un rôle complémentaire important à jouer. Les systèmes
de crédits d'impôt se sont révélés efficaces
pour diminuer la pauvreté des ménages actifs à faibles
revenus. Ils représentent une forme essentielle de solidarité
mais non pas une panacée pour régler tous les problèmes
d'inégalité apparaissant sur le marché du travail.
- Une politique en faveur du vieillissement actif. Pour relever
intégralement le défi des sociétés vieillissantes,
il faut s'appuyer sur un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux
et entreprendre notamment :
- des efforts pour assurer la stabilité des futures pensions
de retraite propres à garantir des niveaux de vie décents,
à éviter une aggravation des inégalités sociales
et la pauvreté des personnes âgées ;
- des efforts pour restructurer le processus de la retraite en
l'associant à des mesures au niveau du marché du travail
et de la politique de l'emploi qui :
. évitent la retraite anticipée obligatoire ainsi
qu'un passage brutal à la retraite,
. augmentent les possibilités de recourir à une
méthode plus souple pour effectuer la transition de la vie active
à la retraite (par le biais d'une mise à la retraite progressive,
d'un travail à temps partiel à partir d'un certain âge),
. fassent en sorte que les employeurs prennent part intégralement
aux frais de mise à la retraite anticipée,
. protègent la santé et la sécurité
des employés contre les exigences de plus en plus grandes de performance
et l'accroissement de la charge de travail,
. encouragent la formation et l'employabilité des travailleurs
âgés.
- Des politiques destinées à éliminer la discrimination
des sexes. La ségrégation continuera d'être appliquée
sur les marchés du travail s'il n'existe pas de politiques énergiques
pour supprimer la discrimination sexiste et faire tomber les obstacles
se dressant autour des "professions féminisées". Ces politiques
sont indispensables principalement pour des raisons de justice sociale
mais aussi pour des raisons économiques afin d'utiliser l'accroissement
potentiel de main d'oeuvre disponible par suite de la disparition des "préjugés
contre les femmes", en matière d'emploi.
Le défi du développement durable
16. Pour mettre en oeuvre le développement durable, il est important
également que les travailleurs se sentent en sécurité
et aient confiance dans le processus de changement. Les changements climatiques
de plus en plus marqués auxquels nous assistons signifient que l'environnement
de la planète continue de se dégrader à une vitesse
alarmante et que la mise en oeuvre de programmes de changement effectifs
doit devenir une priorité absolue. En reconnaissant le fait que
l'ensemble de la société doit activement participer si l'on
veut qu'un véritable changement se produise, il devient évident
que les travailleurs et les syndicats doivent intervenir dans les programmes
concrets de mise en oeuvre afin d'en assurer la réussite, tout particulièrement
en menant des actions dans les entreprises du monde entier en vue de modifier
sensiblement les modes actuels de production et de consommation.
17. L'engagement des travailleurs destiné à renforcer
les mesures de mise en oeuvre ne se produira que si l'on permet aux syndicats
de prendre en main la situation, avec les employeurs, afin de coordonner
les activités, de fixer des objectifs, de suivre l'évolution
des progrès au niveau local et international. On n'obtiendra ce
résultat que si les mesures de mise en oeuvre du développement
durable comportent :
- Des politiques d'échanges et d'investissement garantissant
que l'avantage compétitif ne s'acquiert pas au détriment
de l'environnement et des normes du travail ;
- Une intervention sur le marché par le biais de mesures
économiques et d'une réglementation ciblée telles
que les écotaxes coordonnées au niveau international et permettant
d'instituer des mesures performantes de protection de l'environnement ;
- Une attention toute particulière aux entreprises qui
se trouvent au centre du cycle de production et de consommation. Les travailleurs
doivent être habilités à participer pleinement à
la fixation des objectifs, à la surveillance des activités
et à l'évaluation des progrès accomplis ; et
- Des clauses de sauvegarde de la collectivité et de l'emploi
dans les programmes de transition proposés. Des emplois vont être
touchés aussi bien par les effets de la dégradation de l'environnement
que par les mesures destinées à empêcher ou atténuer
ces effets. Pour ce faire, il faut élaborer une stratégie
de l'emploi durable.
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