1998 TUAC STATEMENT.HTM

 

 

 



English text
  METTRE EN OEUVRE LE DEVELOPPEMENT DURABLE  A L’ERE DE LA MONDIALISATION : LE ROLE DES SYNDICATS   DECLARATION DU TUAC REUNION DU COMITE DES POLITIQUES D’ENVIRONNEMENT AU NIVEAU MINISTERIEL
Avril 1998

 
Introduction et résumé  

1. Le changement au premier rang des priorités : Face à la multiplication des signes caractéristiques d’un changement climatique, il apparaît clairement que l’environnement de la planète continue de se dégrader à un rythme alarmant et que les pays Membres doivent accorder une haute priorité à la mise en oeuvre de programmes efficaces pour remédier à cette situation. Or, le creusement des inégalités en termes de richesse et de concurrence mondiale assombrit les perspectives de progrès vers un développement durable. 

2. Démocratisation et réglementation, deux mots clés : A l’instar du Groupe consultatif de haut niveau de l’OCDE sur l’environnement, nous pensons que la situation exige aujourd’hui une action d’urgence. En tant que grand groupe du programme Action 21, nous reconnaissons que les gouvernements et la société civile doivent être pleinement impliqués et que le développement de la participation démocratique dans tous les secteurs est le seul moyen de progresser. Nous estimons en outre qu’un ensemble de lois et de normes environnementales correctement appliquées, en conjugaison avec d’autres instruments, est le seul garant d’un changement efficace. 

3. L’engagement des travailleurs est possible : Nous partageons l’avis de la récente réunion intersessions de la Commission du développement durable des Nations Unies (CDD) qui a déclaré que les travailleurs et les syndicats devaient être associés à tous les débats sur le développement durable et aux mesures de mise en oeuvre adoptées. Nos préoccupations en matière d’emploi procèdent de la nécessité non seulement de promouvoir le plein emploi pour éradiquer la pauvreté, mais aussi d’assurer la pleine participation des travailleurs. Les travailleurs sont à la fois des producteurs et des consommateurs et nos membres travaillent dans toutes les branches de l’industrie sans exception. Nous sommes prêts à solliciter leur engagement pour changer les modèles actuels de production et de consommation. 

Les mesures prises par les gouvernements des pays de l’OCDE pour mettre en oeuvre le développement durable doivent comporter :  Des garanties sociales et des garanties d’emploi dans les plans de transition proposés. L’emploi sera affecté à la fois par les effets de la dégradation de l’environnement et par les mesures destinées à les prévenir ou à les atténuer. Une stratégie d’emploi durable s’impose donc ; 

Une intervention sur le marché par le biais d’instruments économiques et de réglementations ciblées, notamment des écotaxes, afin de protéger l’environnement de façon efficace par rapport au coût ; 

Une vision axée sur le lieu de travail, qui est au coeur du cycle de production et de consommation. Les travailleurs doivent être en mesure de participer pleinement à l’établissement des objectifs, au suivi des activités et à l’évaluation des progrès accomplis ; et 

Des politiques d’échange et d’investissement assurant que l’avantage compétitif ne s’acquiert pas au détriment de l’environnement et des normes du travail. 

4. Tous les acteurs doivent participer : L’OCDE doit définir clairement les enjeux et inviter tous les acteurs à participer à un programme synergique d’activités dont les objectifs et le calendrier auront été précisément établis.   

Promouvoir le développement durable 

5. La pauvreté et le chômage sont des obstacles : Le développement ne sera durable qu’en présence d’un "emploi durable". La pauvreté et le chômage sont diamétralement opposés aux principes d’Action 21. La précarité de l’emploi non seulement inhibe le type de participation des travailleurs indispensable à une réforme efficace sur le lieu de travail, mais compromet également la capacité des institutions locales à promouvoir et soutenir financièrement les programmes de mise en oeuvre. 

6. L’emploi et le cadre de la transition : Le Groupe consultatif de haut niveau de l’OCDE sur l’environnement a reconnu qu’il était nécessaire de mettre en place un solide cadre d’action pour la transition vers un développement durable mondial. Le cadre recommandé pour la transition des économies doit être guidé par une analyse adéquate des incidences sur l’emploi. Il s’agit essentiellement d’assurer des emplois de qualité et écologiquement rationnels en modifiant les modes de production et de consommation sur le lieu de travail. La recommandation du Groupe de haut niveau insiste particulièrement sur la recherche d’un bon équilibre entre la productivité des ressources et la productivité du travail. 

7. Suppression d’emplois pendant la transition : Les mesures de transition doivent protéger les travailleurs dont l’emploi a été supprimé à cause de la dégradation de l’environnement. Selon nous, si Kyoto n’a pas donné de meilleurs résultats, c’est que beaucoup de travailleurs n’y ont trouvé que peu de dispositions compensatoires en cas de perte d’emploi ou de compression d’effectifs. Nous sommes conscients de la complexité de la création de fonds d’ajustement pour régler ce problème. Toutefois, il est évident qu’aucun progrès réel ne peut être garanti dans le domaine du changement climatique si les considérations d’emploi ne sont pas intégrées dans les programmes de transition. 

8. Nécessité d’un examen thématique : Le cadre d’action stratégique de l’OCDE recommandé par le Groupe consultatif de haut niveau doit comprendre un examen thématique des questions relatives à l’emploi et à l’environnement. Les syndicats doivent être associés à cet examen qui cherchera à mettre en lumière les conséquences pour l’emploi et l’environnement :  - des Programmes de travaux d’intérêt public respectueux de l’environnement, notamment dans les zones très touchées par le chômage et le déclin industriel ; 

- du renforcement des réglementations et des normes environnementales, doublé d’un meilleur suivi et d’une mise en application plus efficace ; 

- des taxes et droits sur les ressources naturelles, instruments destinés à promouvoir les technologies environnementales et l’industrie des services (notamment après la réforme des écotaxes) ; 

- des permis négociables : on procédera à une évaluation très complète de leurs effets indésirables et de leurs avantages potentiels ; 

- des dispositions relatives aux changements et aux transferts de technologies, qui favorisent les pratiques à plus forte intensité de main-d’oeuvre ; 
des investissements souhaitables dans des domaines tels que l’infrastructure des transports publics. 

 

Distribution des revenus et intégration sociale  

9. Le financement de la transition : Le financement de la transition doit être assuré par des instruments économiques qui procurent les fonds nécessaires, d’une part, et qui font obstacle à toute production nuisible à l’environnement, d’autre part. Dans des études récentes, l’OCDE a recensé les principaux instruments utilisés dans les pays Membres, à savoir les redevances et les taxes, les permis négociables, les systèmes de consigne et les aides environnementales, chacun de ces instruments ayant, selon nous, son utilité. Toutefois, toute incidence négative sur l’emploi et sur d’autres facteurs sociaux doit être soigneusement évaluée, de façon à ce que les stratégies de mise en oeuvre limitent au maximum les coûts sociaux. 

10. Eléments importants des mécanismes de financement : Ces mesures emporteront une plus large adhésion si :  - elles s’inscrivent dans une stratégie générale de développement durable comprenant notamment la création d’emplois verts ; 

- elles sont réputées incompatibles avec des aides ayant pour effet d’encourager la pollution ou les pratiques défavorables à l’environnement ; 

- elles servent à répondre à des problèmes clairement identifiés et pas uniquement à procurer des recettes ; 

- elles ne contribuent pas à aggraver le chômage, le sous-emploi ou la pauvreté ; 

- elles assurent une réorientation judicieuse des recettes afin de promouvoir globalement l’environnement, l’emploi et le développement économique de façon cohérente, des mesures étant par ailleurs prévues pour compenser les effets régressifs sur la distribution des revenus et les facteurs sociaux ; 

- elles sont parfaitement transparentes, notamment en cas d’affectation des recettes ; 

- elles sont bien contrôlées et pleinement appliquées, de façon à éviter les pratiques illégales de dumping ; 

- elles frappent la production, les substances ou l’utilisation de ressources de façon à encourager le recyclage, la réduction de la production de déchets ou les gains d’efficience. 

11. Nécessité d’une évaluation systématique : Les études de l’OCDE ont conclu qu’il n’y a pas eu véritablement d’évaluation systématique des performances des instruments économiques. Etant donné l’urgence des enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés, il apparaît indispensable que cette évaluation soit effectuée le plus rapidement possible, notamment pour déterminer les conséquences pour l’emploi et l’efficacité environnementale de l’évolution vers des modes de production et de consommation mieux adaptés. 

Le lieu de travail : un tremplin pour la qualité de l’environnement 

12. Hygiène et sécurité, des outils en faveur de l’environnement : Il importe de faire sortir du lieu de travail toute la gamme d’outils, de techniques et de compétences dont disposent les travailleurs et les syndicats des pays de l’OCDE en matière de sécurité et d’hygiène pour les mettre au service de toute la communauté. Les compétences développées par les syndicats dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité devraient servir de modèle dans le monde entier aux actions environnementales sur le lieu de travail. Les travailleurs et les syndicats peuvent aider grandement à identifier les problèmes liés à la production, à en suivre les effets, à tenir des dossiers et à mettre au point des parades. 

13. Le droit à l’information : Le document sur les questions à examiner à la réunion ministérielle reconnaît le rôle que jouent les syndicats dans la formulation des préoccupations concernant les incidences sociales des politiques et dans l’élaboration et la mise en oeuvre de ces politiques. Pour faciliter la participation des syndicats, les employeurs doivent être encouragés à partager les informations utiles avec les travailleurs, leurs syndicats et les communautés civiles afin de développer la confiance et la coopération sur le lieu de travail. Le "droit de savoir" apparaît dans un nombre croissant de conventions collectives. Le droit de connaître l’impact sur l’environnement des produits et procédés, le droit de s’informer auprès de sources indépendantes et le droit d’être consulté sur les stratégies environnementales de l’employeur sont de plus en plus reconnus. Certains pays ont montré la voie en promulguant des législations et des réglementations comprenant des dispositions sur l’utilisation de substances dangereuses. 

14. Les accords avec les syndicats : Nous avons décrit (voir Annexe) comment l’action des syndicats a permis, par le biais des conventions collectives, des commissions paritaires et de nombreux autres types d’accords, d’introduire des changements réels et durables. Ces bons résultats ont été obtenus notamment grâce à l’acceptation de deux autres dispositions essentielles qui ont été négociées dans les conventions collectives, à savoir:  -  Le droit d’alerte ("whistle-blower"), qui permet à tout travailleur de dénoncer aux autorités les violations de la législation sur l’environnement sans risquer d’encourir une mesure de rétorsion de la part de son employeur. Dans certains cas, ce droit permet au travailleur d’alerter les autorités uniquement si l’employeur n’a pas rempli ses obligations en matière de notification. 

- Le droit de retrait, qui permet à tout travailleur de se retirer d’une situation de travail jugée dangereuse pour la santé et la sécurité. Ce droit figure dans la législation d’un grand nombre de pays et de juridictions et se traduit par des dispositions interdisant toute mesure de représailles ou toute menace de mesure disciplinaire. L’extension de ce droit au refus d’exécution des travaux dangereux pour l’environnement permettrait aux travailleurs d’agir plus efficacement en faveur du changement. 

15. La coordination des actions au sein des communautés : Par ailleurs, les activités sur le lieu de travail doivent être coordonnées avec les communautés dans lesquelles vivent les travailleurs, afin d’atteindre les objectifs des autorités locales et régionales. Nous approuvons la proposition en faveur d’une démarche multi-acteurs faisant intervenir les syndicats, l’industrie et les ONG pour aborder les questions de développement durable au sein de l’OCDE. Toutefois, pour porter ses fruits, cette démarche doit faciliter la mise en oeuvre des programmes et renforcer les partenariats. Le Groupe d’étude de l’OCDE chargé de la mise en oeuvre du Programme d’action écologique pour l’Europe centrale et orientale (PAE) est un bon exemple du type d’action qu’il faut encourager. En développant l’idée de centres de production plus propre, le Groupe d’étude a recommandé de favoriser les partenariats avec tous les secteurs pour obtenir un soutien généralisé en faveur des programmes de production plus propre. 

16. L’OCDE doit montrer la voie : L’OCDE peut jouer un rôle de catalyseur et montrer la voie du changement sur le lieu de travail en encourageant activement la participation de toutes les parties intéressées en :  - renforçant les mécanismes qui donnent de bons résultats sur le lieu de travail comme les clauses "vertes" dans les conventions collectives et les commissions paritaires sur le lieu de travail ; 

- encourageant la collaboration entre employeurs et syndicats pour l’élaboration et la mise en oeuvre d’audits d’environnement sur le lieu de travail en tant qu’objectif environnemental commun au niveau de l’entreprise, notamment pour l’établissement des objectifs, la tenue des dossiers et l’évaluation des progrès accomplis ; 

- examinant les mécanismes réglementaires qui affectent l’environnement et le travail, en vue de promouvoir et de renforcer les accords entre les parties intéressées ; 

- améliorant la coordination entre les ministères, notamment avec les ministères du Travail, afin d’assurer une participation efficace des employeurs et des syndicats aux mécanismes de fixation des objectifs et de notification sur le lieu de travail et d’assurer l’intégration des relations industrielles et de l’hygiène et la sécurité professionnelles dans le choix des solutions envisagées ; 

- veillant à ce que les informations sur les bonnes pratiques soient mieux coordonnées entre les différents secteurs et dans les pays de l’OCDE ; 

- appuyant les efforts de la CDD (Commission du développement durable des Nations Unies) en encourageant l’établissement d’objectifs et de mécanismes nationaux de notification sur le lieu de travail et en associant les syndicats aux activités nationales en faveur du développement durable, notamment par le biais d’une participation aux délégations nationales présentes à la CDD. 

17. Lignes directrices relatives au travail et indicateurs du développement durable : L’OCDE peut mener à bien une procédure visant à promouvoir les avantages de la coopération entre les syndicats et les employeurs en tant que "meilleures pratiques" et à les mettre à profit pour créer un climat positif de négociation collective. Nous voudrions avoir l’assurance que les lignes directrices communes relatives au travail seront appliquées pareillement dans tous les pays et dans tous les secteurs. En coopération avec l’OIT, l’OCDE devrait lancer une étude sur les accords "verts" au sein des multinationales et des PME en vue d’établir des lignes directrices et des obligations minimales pour la participation des travailleurs et de leurs représentants syndicaux. L’OIT a mis au point un système de normes internationales du travail et d’indicateurs du développement durable qui servent de lignes directrices pour la législation sur le développement durable et d’incitation à l’action dans le domaine des droits de l’homme, des conditions de travail, de la sécurité sociale, ainsi que de l’hygiène et de la sécurité du travail. Il est recommandé d’examiner ces indicateurs en vue de leur application dans tous les pays de l’OCDE. 

18. Un programme pour l’action : Enfin, l’OCDE doit adopter un programme d’action concret pour associer les travailleurs et tous les partenaires sociaux au processus de changement. Pour associer les travailleurs et les syndicats, ce programme doit comporter les éléments suivants :  - Une liste prioritaire des problèmes visés ; la liste proposée par le Groupe consultatif de haut niveau indiquant l’utilisation rationnelle des ressources, les économies d’énergie et la lutte contre la pollution doit être étendue pour couvrir la protection de l’environnement en général ; 

- Un engagement en faveur du développement des programmes de formation et d’éducation pour permettre aux travailleurs de participer aux activités et de les coordonner entre tous les secteurs d’activité industrielle ; 

- L’identification de mesures d’amélioration simples et peu coûteuses, afin de tirer parti des succès obtenus. Il est intéressant de noter qu’un récent rapport préparé pour le Forum de l’OCDE sur le changement climatique suggérait que la mise en oeuvre de mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique émanant de la base pourrait permettre de réduire les émissions de CO2 jusqu’à 30% ; 

- Une procédure visant à faciliter la concertation entre les parties intéressées pour la prise de décision, la coordination et la mise en oeuvre au plan local et international ; 

- Un engagement en faveur de technologies moins polluantes, étayé par des travaux de recherche et développement sur les investissements novateurs. 

 

Les obligations internationales de l’OCDE 

19. Nécessité d’une coordination internationale : Les efforts déployés face à la menace d’un changement climatique offrent la preuve évidente que les problèmes d’environnement doivent être traités au plan international pour assurer la mise en oeuvre efficace de mesures locales et éviter les effets potentiellement nuisibles des entreprises ou nations qui chercheraient à s’assurer un avantage compétitif au détriment de l’environnement, de l’emploi ou du développement économique. Les pays de la zone hors OCDE attendent, à juste titre, que l’OCDE montre la voie et prenne des engagements dans ce domaine. 

20. Harmonisation dans le domaine des produits chimiques : C’est particulièrement évident dans le domaine de la classification et de l’harmonisation des substances chimiques. L’OCDE coordonne actuellement la mise en oeuvre du chapitre 19 du programme Action 21 et est en mesure de développer et de promouvoir des mécanismes propices aux améliorations environnementales dans la zone de l’OCDE et hors de cette zone. 

21. Harmonisation fiscale et communication : De même, il importe de mettre en place un dispositif harmonisé d’écotaxes pour assurer que les mesures appliquées dans un pays ne vont pas à l’encontre de celles adoptées dans un autre. Il faut pareillement coordonner au plan international les activités et informations environnementales, ainsi que le transfert des technologies issues des pays de l’OCDE. L’OCDE doit continuer de jouer un rôle actif dans ces domaines. 

22. Accords environnementaux : Les Accords environnementaux multilatéraux (AEM) et les objectifs en matière d’échanges et de protection de l’environnement doivent être pleinement transposés dans le droit national et local et ne doivent pas être incompatibles avec les mesures de transition vers un développement durable, ni porter préjudice aux normes fondamentales d’environnement et du travail. Afin d’éviter tout nivellement par le bas, les normes minimales ne devront pas remplacer les normes plus élevées qui existent déjà dans certains pays. Les accords doivent favoriser, toutes les fois que cela est possible, le renforcement des normes existantes 

23. Accord multilatéral sur l’investissement : Il est clair aujourd’hui que les négociations engagées à l’OCDE pour conclure l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) ne pourront aboutir dans les délais prévus, à savoir pour la réunion du Conseil de l’OCDE au niveau ministériel en avril 1998. Quelque soit le destin de l’AMI, les gouvernements des pays de l’OCDE doivent tirer les enseignements de cet échec. Le point essentiel ici est que les droits et la protection accordés aux investisseurs doivent être contrebalancés par des droits réciproques protégeant les travailleurs et l’environnement. Cela suppose notamment l’existence d’une disposition impérative par laquelle les gouvernements signataires de l’AMI s’interdisent d’abaisser ou de ne pas appliquer les normes du travail et de l’environnement concertées au plan national ou international pour attirer l’investissement. Il s’agit là d’un point essentiel dans le débat national accompagnant la ratification de tout nouvel accord. L’OCDE doit maintenant s’atteler sans délai à l’examen des Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales. Il s’agira de vérifier si ces Principes sont conformes aux impératifs du développement durable définis dans Action 21 et de produire un Chapitre sur la protection de l’environnement très amélioré sur le fond. Mais avant tout, une nouvelle initiative s’impose pour assurer la promotion et la mise en oeuvre des Principes directeurs. 

24. Responsabilités communes mais différenciées : L’OCDE doit aussi reconnaître qu’il est urgent, pour les pays en développement, de combattre la pauvreté. Une assistance doit être apportée à ces pays pour qu’ils intègrent les coûts économiques, sociaux, environnementaux et sanitaires de la protection de l’environnement, ainsi que les coûts de la dégradation de l’environnement. La production ne pourra être écologiquement viable dans les pays non membres que si ces pays sont en mesure d’atteindre des objectifs de base en matière de développement social et économique. Un programme d’action mondial est donc nécessaire pour promouvoir l’emploi en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté et de poursuite des objectifs du développement durable. Enfin, l’engagement pris à Rio en 1992 par les pays signataires de la Déclaration en faveur de responsabilités communes mais différenciées doit être repensé et renouvelé.   

Annexe  Initiatives des syndicats dans le domaine de la protection de l’environnement :  (quelques exemples) 

La protection de l’environnement apparaît aujourd’hui prioritaire aux yeux des syndicats dans le monde entier, et beaucoup d’entre eux ont déjà ouvert de nouvelles voies en lançant des initiatives qui montrent comment la participation des travailleurs et de leurs syndicats peut permettre de progresser. Ces initiatives ont modifié les relations traditionnelles sur le lieu de travail et étendu le rôle des syndicats en direction de la communauté. On trouvera ci-après un certain nombre d’exemples illustrant ces initiatives : 

En Allemagne, le syndicat de la construction, de l’agriculture et de l’environnement a signé en 1994 une convention collective "écologique" avec une association d’entreprises fournissant des services environnementaux industriels. Le syndicat allemand des travailleurs des industries alimentaires a conclu en 1996 une autre convention de ce type faisant intervenir les brasseries Schumaker et, en 1997, le syndicat des postiers a également conclu une convention collective écologique avec le secteur des télécommunications. En outre, le syndicat des travailleurs de la chimie et de l’énergie (IG BCE) a signé avec les employeurs plus de 60 accords étendant le champ d’action des comités d’entreprise qui interviennent désormais non seulement sur les questions de sécurité mais aussi dans la prise de décisions stratégiques sur l’environnement. 

En Argentine, le syndicat national du personnel de la fonction publique (MUPCN), en partenariat avec la Mutuelle nationale du personnel de la fonction publique, a lancé un projet de reboisement pour recycler le dioxyde de carbone. Ce projet a permis de créer des emplois et procure chaque année 4 millions de dollars alimentant un fonds commun de retraite qui permettra de verser à chaque travailleur un complément de retraite de 150 dollars par mois. 
Au Brésil, les négociations entre l’industrie chimique et les syndicats ont débouché sur un accord qui définit des lignes directrices et des procédures détaillées associant les travailleurs et leurs syndicats à la lutte contre les rejets de benzène dans l’environnement. Le Benzeno Accordo a mis en place une Commission nationale permanente sur le benzène au sein de laquelle les travailleurs, les employeurs et les pouvoirs publics participent sur un pied d’égalité à la prise de décision. 

Au Canada, les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l’automobile (TCA) ont négocié, dans le cadre des conventions collectives avec l’industrie automobile, des dispositions en faveur d’une production moins polluante. Ces dispositions concernent 50 000 travailleurs dans 30 usines, ainsi que les fournisseurs et les fabricants de pièces détachées. Grâce à l’action conjointe des syndicats et des employeurs, l’exposition des travailleurs et de l’environnement à de nombreuses substances a pu être réduite en remplaçant ces substances par d’autres produits. 

Au Danemark, le syndicat danois des travailleurs de l’industrie graphique (Grafisk Forbund) a conclu un accord-cadre avec l’Association des employeurs danois de l’industrie graphique pour promouvoir une production moins polluante dans ce secteur. L’Agence nationale pour la protection de l’environnement a soutenu financièrement des actions peu coûteuses impliquant les employeurs des petites entreprises pour développer des productions moins polluantes et l’emploi. 

En Ecosse, Manufacturing, Science, Finance (MSF) a coopéré avec GEC Ferranti, grosse entreprise du secteur de la défense, sur un nombre croissant de questions environnementales. Une commission paritaire sur l’efficacité énergétique a été mise en place, parallèlement aux consultations sur les compressions d’effectifs, afin de réduire les frais généraux, de promouvoir le recyclage et d’économiser l’énergie. 

En Erythrée, les dirigeants de la Confédération nationale des travailleurs d’Erythrée (NCEM), récemment créée, ont utilisé le matériel pédagogique d’éducation ouvrière de l’OIT dans les débats sur le développement durable organisés à tous les niveaux dans l’ensemble du pays. Suite à ces débats, des commissions pour la santé, la sécurité et l’environnement sont actuellement mises en place, une formation est dispensée aux membres et des accords sont en cours de négociation un peu partout dans ce jeune pays. 

En Espagne, la Confederacion Sindical de Comisiones Obreras (CC OO) a mené une action coordonnée associant l’industrie, les organisations de protection de l’environnement, les universitaires, les chercheurs et également les organisations de consommateurs et de citoyens pour préparer et présenter au gouvernement espagnol un projet commun de plan d’action sur le changement climatique. 

Aux Etats-Unis, le syndicat de la sidérurgie, United Steelworkers of America (USMA), a lancé un programme de coopération avec la Republic Engineered Steel Co. : dans ce cadre, plus de 1000 idées ont été soumises par les employés pour réaliser des économies ou protéger l’environnement, ce qui a déjà permis d’économiser environ 45 millions de dollars. 

Au Ghana, le syndicat local des travailleurs forestiers (TWU) a créé une pépinière, des parcelles boisées et des plantations de teck. Compte tenu du succès de son premier effort de reboisement, le syndicat prévoit actuellement d’étendre ses programmes de reboisement et de sensibilisation à l’environnement. 

En Hongrie, les syndicats locaux du complexe chimique de production de matières plastiques Tisza (TVK) ont participé à un programme de production moins polluante pour lancer un système de gestion environnementale conforme à la norme ISO 14000. Un programme de gestion des déchets a permis de réduire la demande d’énergie et la consommation d’eau industrielle, dans le cadre d’une initiative de dépollution de la Tisza qui coule à proximité de ce complexe. 

En Inde, le West Bengal Cha Mazdoor Sabha mène une action pour modifier la Loi sur le travail dans les plantations afin d’améliorer la protection et la formation des travailleurs du thé exposés à des risques agro-chimiques, notamment par le biais de l’eau de boisson. Il a également organisé des sessions d’étude et produit une documentation à l’intention du public pour l’informer des problèmes environnementaux et sanitaires associés aux plantations de thé. 

Au Japon, l’organisation régionale d’Osaka de la centrale syndicale nationale (RENGO) a organisé une campagne publique pour dépolluer le fleuve Yamato. Les membres du syndicat ont prélevé des échantillons d’eau, effectué des missions d’enquête, fait signer des pétitions, tenu des séances d’éducation à l’intention des résidents locaux et engagé des négociations avec les maires des communes concernées. Le syndicat national des travailleurs du secteur de l’eau (ZENSUIDO) organise des réunions dans tout le pays pour sensibiliser ses membres aux problèmes de l’eau. 

En Norvège, la Confédération norvégienne des syndicats (LO-Norvège) a créé un "Forum pour l’environnement" avec la société norvégienne de conservation de la nature pour promouvoir les questions d’environnement. LO-Norvège décerne aussi un prix tous les ans pour récompenser les meilleures initiatives, le dernier lauréat étant un syndicat d’une usine de manganèse qui a contribué à réduire les rejets de zinc, de manganèse et de boues. Le syndicat norvégien des travailleurs de l’industrie chimique joue désormais un rôle moteur dans la réduction des émissions sur le lieu de travail qui peut aller jusqu’à 90%. 

Aux Philippines, un syndicat affilié au Congrès syndical des Philippines (TUCP) a négocié un accord avec une association d’employeurs de l’industrie pour créer un Observatoire de l’environnement, de la santé et de la sécurité qui définit des objectifs d’environnement et leur mise en oeuvre selon un processus de décision bipartite. 

En République tchèque, le syndicat tchèque des industries minières, géologiques et pétrolières (OS PHGN) a lancé, avec le concours de la Cornell University, un projet de sensibilisation aux questions d’environnement faisant intervenir des audits d’environnement et un programme de "formation des formateurs" et touchant dans un premier temps 120 000 membres, puis à travers eux quelque 400 000 familles et membres de la collectivité. 

En Roumanie, la Confédération nationale des syndicats libres (CNSLR-FRATIA) s’est associée aux autorités locales, aux ONG, à certaines entreprises locales et aux établissements d’enseignement pour mener une campagne publique d’éducation afin de réduire les émissions de dioxyde de soufre, de plomb, de zinc, de cadmium et de fluorure des industries locales qui ont pollué l’air, le sol et l’eau. 

Au Royaume-Uni, un syndicat d’une entreprise de Coca Cola-Schweppes Beverages a décidé de soutenir un programme de production moins polluante pour économiser l’énergie, l’eau et les matières premières. Cette opération a permis d’économiser 3 millions de dollars en un an et chaque employé a bénéficié d’une prime de 1 500 dollars. La plupart des mesures de ce programme étaient de simples mesures d’organisation interne n’impliquant pas ou pratiquement pas de coûts ou de suppressions d’emplois. 

En Russie, l’Organisation inter-régionale des syndicats (IRTUO) et Jukos Oil ont signé une convention collective pour encourager la participation active de 110 000 membres et du syndicat dans les programmes de protection de l’environnement de l’entreprise. Dans le cadre de cette convention collective écologique, les comités syndicaux de l’entreprise établissent et mettent en oeuvre des objectifs de production moins polluante. 

En Suède, une centrale syndicale nationale des travailleurs non manuels a lancé dans plusieurs entreprises le "6E", guide pour l’intégration de l’écologie et de l’environnement professionnel dans toutes les décisions prises par les travailleurs et les employeurs. Le label 6E du TCO est le symbole d’une "conduite responsable" et de la parfaite intégration de l’environnement externe et interne du lieu de travail ; il peut être décerné pour l’ensemble des activités ou une partie seulement. 

Au plan international, le TUAC et la CISL ont régulièrement développé leurs travaux en menant, avec les ONG et les autres instances internationales, des campagnes spécifiques pour intégrer les considérations de santé et de sécurité et celles d’environnement dans des secteurs comme les produits chimiques, les audits d’environnement, le travail des enfants, les jouets et les normes internationales. Leur participation à la CDD aux côtés des représentants des groupes d’entreprises internationales et des ONG témoigne du rôle essentiel que peuvent jouer les partenaires professionnels dans l’effort international déployé pour relever les défis d’Action 21. 
 

Source : TUAC et les documents de base de la CISL préparés pour la Sixième Session de la Commission sur le Développement durable, 20 avril - 1er mai 1998. 

 
 

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