RESULTATS DU SOMMET DU G8
DE BIRMINGHAM EVALUATION DU TUAC
Mai 1998
Synthèse
1. L'hôte du Sommet du G8 de Birmingham, le Premier ministre britannique
Tony Blair a cherché à introduire une série d'innovations
afin de mieux délimiter les discussions du Sommet et leur retirer
un peu de leur solennité. Les chefs d'Etat et de Gouvernement se
sont réunis seuls, sans la présence des ministres des Affaires
étrangères et des Finances qui s'étaient rencontrés
à Londres, une semaine plus tôt, le 8 mai et avaient fait
rapport au Sommet. L'ordre du jour devait se réduire à trois
points : les enseignements de la crise asiatique pour l'économie
mondiale ; l'emploi ; et la criminalité internationale. Le communiqué
final, de dix pages, représentait la moitié des conclusions
de l'année précédente. La présidence du G7
(c'est-à-dire des membres du G8 à l'exclusion de la Russie)
a rédigé une déclaration séparée portant
essentiellement sur la situation économique et financière.
2. Dans la pratique toutefois les essais nucléaires en Inde et
l'explosion sociale en Indonésie ont dominé la réunion.
Ces événements démontrent à la fois les failles
de l'économie mondiale et l'incapacité du G8 à se
mettre d'accord sur une réaction commune.
3. Les conclusions du Sommet sur les principaux points de la discussion
sont les suivantes :
- le Sommet condamne, dans sa déclaration, le gouvernement indien
pour ses essais nucléaires mais les chefs d'Etat sont divisés
sur la question des sanctions ;
- au sujet de la crise financière en Asie, il préconise
la mise en oeuvre intégrale des programmes du FMI, insiste sur la
nécessité d'une politique économique saine, sur la
transparence et la bonne gestion des affaires publiques, la protection
des populations pauvres et la résistance au protectionnisme (§
4 du communiqué du Sommet) ;
- à propos de l'Organisation mondiale du Commerce, il demande
une plus grande "transparence", la mise en oeuvre du "programme incorporé",
la libéralisation dans de nouveaux domaines et une meilleure intégration
des pays en développement (§ 5) ;
- au sujet du développement, il approuve les objectifs de l'OCDE
qui prévoient notamment de réduire de moitié la pauvreté
mondiale d'ici à l'année 2015 mais ne réagit pas à
"Jubilé 2000", la campagne très remarquée des ONG
et des syndicats visant à améliorer les conditions actuelles
d'allégement de la dette (§ 7) ;
- à propos du développement durable, il met l'accent principalement
sur les changements climatiques et préconise la mise en oeuvre des
objectifs juridiquement contraignants du Protocole de Kyoto destiné
à réduire les émissions de gaz à effet de serre
(§ 11) ;
- au sujet de la croissance, de l'employabilité et de l'insertion,
il approuve les "sept principes" établis lors de la Conférence
du G8 sur l'Emploi, à Londres, recommandant en particulier l'adoption
de mesures dans quatre domaines : les groupes durement frappés par
le chômage ; la création d'entreprises ; les systèmes
fiscaux et les prestations sociales ; et l'apprentissage à vie.
Pour la première fois dans un communiqué du G8 complet, il
est fait appel à "la participation des employeurs et des syndicats"
(§ 13 - 16) ;
- au sujet des normes fondamentales du travail et des échanges,
le sommet approuve "la poursuite de la collaboration entre les secrétariats
de l'OIT et de l'OMC" et la proposition en vue de l'adoption par l'OIT
d'une déclaration et d'un mécanisme de suivi de l'application
des normes fondamentales du travail (§ 17) ;
- en matière de criminalité internationale, un vaste programme
a été défini et prévoit de renforcer la coopération
dans une variété de domaines et notamment la criminalité
liée aux technologies de pointe, la convention des Nations Unies
sur le blanchiment de capitaux, la corruption, le trafic d'êtres
humains, l'action conjointe des services opérationnels, les armes
à feu, les délits en matière d'environnement et la
drogue (§ 18-23).
Principaux points devant faire l'objet d'un suivi de la part des syndicats
Croissance mondiale
4. La déclaration syndicale au Sommet préconisait l'adoption
de mesures destinées à "maintenir la croissance mondiale
et soutenir une demande intérieure équilibrée" à
la lumière des effets déflationnistes de la crise asiatique.
On s'attendait à ce que le Sommet incite le gouvernement japonais
à prendre de nouvelles mesures en vue d'activer son économie
nationale, compte tenu du doublement de son excédent commercial
et de l'effondrement de la demande intérieure. Les événements
d'Indonésie ont contrarié ces intentions et au lieu de cela,
la déclaration de la présidence du G7 se réjouit du
train de mesures économiques prises actuellement par le gouvernement
japonais. La baisse de la parité du Yen qui a suivi la réunion
est une réaction inquiétante. Pour l'Europe, le communiqué
déclare que "des politiques budgétaires saines et la poursuite
des réformes structurelles" sont essentielles au succès.
Il semble que cette attitude soit empreinte d'un optimisme exagéré
et les syndicats devront rester vigilants et faire pression pour l'instauration
de politiques axées sur la croissance.
La crise financière asiatique
5. Bien que le communiqué exprime son inquiétude au sujet
des conséquences de la crise asiatique sur les pauvres, la réaction
du G8 à la suite de l'effusion de sang en Indonésie a fondamentalement
sous-estimé la situation. Ce sont en fait les hausses de prix de
l'énergie et des transports préconisées par le FMI
qui ont déclenché l'explosion sociale du 14 mai en Indonésie.
Pourtant, dans sa réponse aux pays asiatiques, le G8 parle de "pleine
mise en oeuvre des programmes conclus avec le FMI" (§ 4).
6. Pour empêcher les crises, le communiqué parle de politique
économique saine, de transparence et de bonne gestion des affaires
publiques (§ 4). Le G 8 aurait dû stipulé clairement
que pour empêcher les crises à l'avenir, il faut encourager
énergiquement la transparence démocratique, le respect des
droits de l'homme et en particulier des droits syndicaux.
7. La déclaration de la présidence du G7 reconnaît
(§ 6) que la crise asiatique a révélé "la faiblesse
potentielle et les vulnérabilités du système financier
mondial". Cependant, la réponse consiste à encourager le
FMI à rassembler un plus grand nombre de données financières,
à élaborer un code relatif à la politique financière
et monétaire, à publier davantage d'information sur les pays
et à mettre en place un système de surveillance multilatérale
des systèmes de réglementation financière. Comme après
la crise mexicaine de 1998, ces mesures sont peut-être souhaitables
en soi mais ne constituent absolument pas une réaction convenable
à la crise. Le mouvement syndical international a demandé
la création d'une Commission internationale en vue de faire le point
sur la nouvelle structure financière indispensable et d'amener le
débat dans l'arène publique. Les syndicats doivent donc maintenir
leurs pressions pour que des mesures soient prises.
8. La réunion des ministres des Finances du G7 qui s'est tenue
le 8 mai a également attiré l'attention sur la nécessité,
pour l'OCDE, de mettre au point un code du gouvernement d'entreprise. Ce
code devrait être rédigé d'ici la fin de l'année,
par un groupe de haut niveau qui devrait inclure quelques représentants
syndicaux. Le TUAC suivra attentivement ces travaux.
Dette et développement
9. En matière de développement, le communiqué énonce
tout d'abord son attachement aux objectifs de la Stratégie de l'OCDE
pour le XXIè siècle, qui prévoit de réduire
de moitié la pauvreté mondiale d'ici à l'an 2015.
Elle mentionne une série de vastes initiatives et notamment la ratification
de la Convention OCDE contre la corruption, le développement des
infrastructures sociales et les travaux de l'OCDE sur le déliement
de l'aide. Toutefois, c'est en matière d'allégement de la
dette que le Sommet devait être jugé sur ses faits et non
pas simplement sur ses paroles.
10. "Jubilé 2000" - une coalition d'ONG comprenant des syndicats
et demandant l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, a réussi
à obtenir une large couverture médiatique du Sommet. La position
des ONG a été soutenue par la déclaration syndicale
qui demandait au Sommet "d'améliorer et d'accélérer
la mise en oeuvre du plan d'allégement de la dette, dans le cadre
de l'initiative du FMI et de la Banque mondiale en faveur des "Pays pauvres
très endettés" de manière à alléger
véritablement la dette des pays les plus pauvres du monde. Dans
la pratique, le G8 n'a pas été en mesure de parvenir à
un accord pour améliorer cette initiative. Bien qu'ayant fait preuve
de beaucoup de bienveillance dans le communiqué, le passage essentiel
du communiqué qui traite de cette question (§ 7 - 5è
alinéa) incite simplement les pays à remplir les conditions
requises pour bénéficier de cette initiative en faveur des
pays pauvres très endettés. Aucune mesure n'a été
prise pour améliorer les critères d'admissibilité
comme l'ont demandé les ONG.
Emploi
11. Le communiqué du Sommet de Birmingham s'inspire de la Conférence
du G8 sur l'Employabilité qui s'est tenue à Londres en février.
Il approuve les "sept principes" de la Conférence de Londres (§
14) sur la base desquels des Plans d'action nationaux ont été
préparés. Il prend des engagements spécifiques (§
15) concernant les mesures destinées à : aider les groupes
durement frappés par le chômage ; aider la création
d'entreprises ; rendre les systèmes fiscaux et les prestations sociales
plus favorables à l'emploi et encourager l'apprentissage à
vie. Pour la première fois, le communiqué des chefs de gouvernements
du G8 "souligne qu'il importait d'associer les employeurs et les syndicats
à la mise en oeuvre de ces plans pour garantir leur succès"
(§ 14).
12. Les syndicats peuvent se réjouir d'un tel programme d'action
car il met l'accent sur "les mesures actives visant le marché du
travail" et non pas sur la déréglementation et la flexibilité
négative. L'importance accordée à la participation
des syndicats est significative et le TUAC va travailler avec ses membres
affiliés sur la question du suivi des Plans d'action nationaux.
Ces derniers ont maintenant été publiés et devraient
être disponibles auprès des gouvernements nationaux ou du
Secrétariat du TUAC.
Normes du travail et droits des travailleurs.
13. Le communiqué mentionne à plusieurs reprises la nécessité
de répartir plus largement les bénéfices de la mondialisation
(§ 1), la bonne gestion des affaires publiques et la société
civile (§ 4,7), le respect des droits fondamentaux de l'homme (§
8) et l'insertion sociale (§ 13). Mais le paragraphe essentiel concernant
les normes du travail est le paragraphe 17. Il réaffirme la volonté
des chefs d'Etat du G8 "de voir progresser dans le monde l'application
des normes fondamentales du travail internationalement reconnues" et appuie
"en particulier la poursuite de la collaboration entre les secrétariats
de l'OIT et de l'OMC, conformément aux conclusions de la conférence
de Singapour, ainsi que la proposition en vue de l'adoption, par l'OIT,
d'une déclaration et d'un mécanisme de suivi de l'application
de ces normes". Cette détermination devrait contribuer à
l'élaboration, à l'OIT, d'une déclaration positive
sur ces droits, assortie d'un solide mécanisme de mise en oeuvre.
Elle devrait également servir à militer en faveur de l'instauration
d'une coopération, jusqu'ici inexistante, entre les secrétariats
de l'OIT et de l'OMC. Il est révélateur cependant que les
droits des travailleurs aient été mentionnés dans
la section relative à l'emploi et non pas dans le paragraphe concernant
le nouveau programme d'action de l'OMC. Le mouvement syndical international
devra redoubler ses efforts pour que l'OMC aborde sérieusement la
question des normes du travail dans le cadre des préparatifs du
lancement des "négociations commerciales du Millénaire".
Conclusions
14. Dans l'ensemble, le Sommet de Birmingham a fait preuve d'un optimisme
excessif au sujet des perspectives de croissance immédiate et n'a
pas pris les mesures appropriées face à la nécessité
de réagir efficacement à la crise asiatique. Il reste indispensable
de créer une Commission internationale pour rendre compte de la
nouvelle structure qu'il faut mettre en place pour réglementer les
marchés financiers internationaux. Il faut aussi permettre un large
débat public de cette question. Par ailleurs, le Sommet ne s'est
pas montré sensible à la nécessité d'adopter
une approche plus généreuse en matière d'allégement
de la dette. Toutefois le G8 a progressé dans la mise au point d'un
programme d'action plus pratique pour les plans nationaux sur l'employabilité
et a fait appel de manière significative à la participation
des syndicats pour la mise en oeuvre de ces plans.